Le crépuscule de l'universel, Chantal Delsol, Ed du Cerf
Nous
trouvons en face de nous, pour la première fois, des cultures extérieures qui
s’opposent ouvertement à notre modèle, le récusent par des arguments et
légitiment un autre type de société que le nôtre. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Du
temps où les Occidentaux se distribuaient le monde comme des gangsters se
partagent une banlieue, les pays colonisés ne rêvaient souvent que de nous
ressembler. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
La
société musulmane est communautaire et organique, tissée par des liens
primordiaux, comme toutes les sociétés historiques. Elle n’a pas, comme les
sociétés occidentales, mué vers la société façonnée par les contrats, où la
solidarité est volontaire et acquise. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
discours asiatique sur les valeurs a pour but et pour conséquence de proposer
une autre manière de comprendre les droits, appuyée sur une autre
anthropologie, dans laquelle l’homme est social avant d’être un individu,
défini par ses relations et non par son autonomie. Delsol, Chantal. Le crépuscule
de l'universel
On
peut dire que la vision humaniste moderne a produit une vision humanitaire
postmoderne Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
On
sent toujours une sorte de jubilation intérieure quand un contemporain constate
que l’homme est tombé de son piédestal après les trois révolutions de Galilée
(la terre n’est plus le centre du monde), Darwin (l’homme n’est plus au centre
de la création) et Freud (l’homme n’est plus au centre de lui-même Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Pendant
que l’humanitarisme occupe toutes nos pensées et structure nos croyances,
l’humanisme en tant que tel s’éloigne de nous. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Lorsque
la transcendance s’efface, puisqu’ici il s’agit d’une religion transcendante,
reste la morale correspondante. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Aucune
culture ne vit sans morale. Corrélativement, on sait bien qu’aucune culture ne
vit sans une forme ou une autre de religion.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
désir de bien absolu qui s’exprime à travers l’humanitarisme postmoderne,
pourrait compenser la perte de Dieu, servir à soi seul de religion pour des
esprits dépouillés de leur Dieu qui quêtent un sens et un idéal. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Une
croyance peut s’effacer, une foi peut s’effondrer, mais une morale est affaire
d’habitude et fait pour ainsi dire, partie des meubles. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
christianisme s’effondre en tant que religion commune, mais il laisse, comme la
vague en se retirant, l’universalisme et le personnalisme qui vont engendrer
les droits de l’homme et l’humanitarisme actuel. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Des
saints ou des personnages vénérables de la religion, qui, s’ils apportent un
discours répondant aux attentes contemporaines, sont mis en avant et célébrés
pour la valeur de leur message. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Aucune
nouvelle religion ou sagesse ne saurait faire table rase du passé :
toujours elle récupère l’état des lieux, le reprend à son compte et lui prête
de nouveaux fondements, de nouvelles significations. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
pensée humaine est une succession de prolongements, seule une idéologie
totalitaire peut croire à la tabula rasa,
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Un
récit qui donne sens à l’existence – un mythe – est toujours
idiosyncrasique, c’est-à-dire inscrit dans une particularité, propre à un
territoire. Seule la vérité est universelle, et c’est d’ailleurs sa
caractéristique. Or nos mythes tentent de fonctionner comme des vérités
universelles : ils se veulent valables pour toutes les cultures et
prétendent s’imposer partout. Ils peinent à accepter la pluralité, et même se
comportent parfois de façon fanatique.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Il
n’y a plus de fin de l’histoire, mais les conquêtes morales se sont figées en
religion. Delsol, Chantal. Le crépuscule
de l'universel
L’homme,
dignifié en « personne » par le judéo-christianisme, devient un
individu sous la religion humanitaire, avec toutes les conséquences afférentes
en termes d’oubli du bien commun. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Une
société purement individualiste n’est pas viable – le terme même de
société requiert le lien. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’humanitarisme
est « en guerre avec l’être », parce qu’il veut s’émanciper de tout,
mais il a tort de penser que l’humanitarisme est capable de détruire l’humanité
de l’homme. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
On
peut décrire l’humanitarisme comme un héritier déçu de l’humanisme
judéo-chrétien, qui a remplacé la sacralité de l’homme par la sacralité du
monde (d’où l’écologie radicale ou le veganisme) ; qui a remplacé
l’humanisme stricto sensu par la philanthropie ; qui a remplacé la
personne par l’individu, avec toutes les conséquences afférentes
– substituant la victimisation personnelle à la responsabilité
personnelle ; qui a évincé la foi monothéiste et a élu pour religion la
ferveur moralisatrice. Delsol, Chantal.
Le crépuscule de l'universel
Les
autres siècles étaient moins sensibles que le nôtre, du moins ils avaient une
optique plus profonde, ne serait-ce qu’à travers les yeux aveugles,
prophétiques et inattendris, de l’acceptation, autrement dit, de la foi. Faute
de cette foi, nous gouvernons désormais par le sentiment. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel.
C’est
bien parce que ce culte du progrès moral est intolérant et prosélyte, qu’il se
heurte à des adversaires dans le monde entier. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
mises en cause de l’esprit moderne se redéploient aujourd’hui tant à
l’extérieur qu’à l’intérieur de l’espace occidental. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’individu
des Lumières, dont on revendique l’autonomie face à ses groupes d’appartenance,
n’est plus capable de dépasser son intérêt égoïste – il se noie dans sa
propre image, tel Narcisse, et ne façonne aucune société digne de ce nom. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
L’individu
libéré de ses groupes d’appartenance est tombé esclave de soi : Du self au
selfie, une nouvelle forme d’aliénation,
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Aristote
s’oppose à son maître Platon : il y a une différence de nature entre une
grande famille et une petite cité… C’est à partir de la différenciation
aristotélicienne que les gouvernements libéraux, ou
constitutionnels-pluralistes, deviendront possibles en Europe. Pourtant, jamais
la thèse platonicienne n’en sera effacée.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
paternalisme, et à sa suite l’autocratie, repose sur une croyance de
l’inégalité en maturité. Delsol, Chantal.
Le crépuscule de l'universel
Reproche
à la démocratie de ressembler trop souvent à de la démagogie, et, ce qui
revient au même, de donner la parole à des gens incompétents et trop
livrés à leurs intérêts particuliers.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Il
n’y a pas de droits en dehors du contexte historique. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
démocratie ne nie pas qu’il existe des vérités en religion ou ailleurs, mais
elle instaure la politique en dehors de la vérité, dans le paysage du bon
sens ou de l’opinion, en un lieu sans certitude et humble dans ses assertions. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Holiste
est la société qui place la valeur du Tout au-dessus de la valeur de l’individu
(qu’il soit considéré ou non comme une personne). Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
démocratie est vue comme un régime qui donne la parole aux opinions erronées et
dangereuses, suscitant ici le chaos, et là l’hérésie. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Pendant
très longtemps, on supporte et accepte avec vaillance les sévices des
communautés sur l’individu (le père ou le grand-père incestueux, les prêtres
pédophiles, l’épouse battue), faisant taire le cœur et ses souffrances pour
respecter un ordre reconnu indispensable et presque sacré. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
démocratie est précieuse uniquement si elle débouche sur les autres gains
sociaux préférés – ordre public et prospérité économique. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
philosophie personnaliste confère la dignité à la personne individuelle, mais
celle-ci se comprend dans son lieu et dans son temps, dans son environnement
global, au contraire de l’individu qui règne souverainement sur son temps et
son espace. La liberté de l’individualisme est totale (« ma liberté
s’arrête là où commence celle des autres »), celle du personnalisme est
située (ma liberté est auto-limitée selon ma vocation, mes devoirs et mes
liens). Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Par
excès de douceur et d’humanitarisme, les individus des États providence n’ont
plus de « motivation à se donner de la peine ». C’est l’éternel
argument, déjà présent chez Aristote. Il ne s’agit pas seulement du fameux
« pragmatisme » asiatique : mais de l’énoncé d’une anthropologie
naturelle, assortie d’une morale naturelle qui lui correspond. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
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L’homme
est un être qui a besoin de liens et de solidarité, qui devient paresseux si on
l’entretient abusivement, qui accroît ses capacités si on lui demande des
efforts proportionnés, etc. Pour l’ordo-libéralisme comme pour Lee Kuan
Yew, le système libéral et le système providentialiste sont idéologiques,
c’est-à-dire éloignés des réalités humaines.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’individu
a besoin d’ancrages dans ses responsabilités, mais celles-ci, de fait, le
restreignent et l’obligent, et c’est pourquoi l’Occident postmoderne a tendance
à l’en exonérer. La sacralisation de la liberté individuelle mène à la
déresponsabilisation à tous les niveaux.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Simone
Weil avait écrit que si ces besoins de l’âme sont interdits ou étouffés, ils
produisent des « nourritures psychiques empoisonnées » qui sont des
ersatz meurtriers, comme peut l’être le nationalisme quand l’amour pour la
patrie est interdit. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Depuis
les Lumières, la conception française de la nation est contractuelle, émanant
d’une convention et d’un engagement – ce qui lui confère un caractère
froid et abstrait, presque artificiel, en tout cas distant. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Exécution
de la nation, prononcée par les Occidentaux de la deuxième moitié du
XXe siècle, au prétexte que tout attachement à la nation susciterait le
nationalisme, lequel nous a valu un siècle de guerres et de totalitarismes. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Le
« patriotisme constitutionnel » défendu par Habermas suscite le
rejet, car ce n’est pas une constitution que l’on peut aimer, mais seulement
une patrie avec ses paysages et ses figures humaines. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
ricanement et l’indignation permanents qui accompagnent des phrases comme
« America first » de Trump, soulignent le caractère impolitique de
l’Occident institutionnel. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
On
connaît trop peu, outre nos Déclarations, les Chartes et Déclarations
islamiques, la Charte africaine et la Déclaration russe orthodoxe. Une certaine
figure de l’homme émane de chacun de ces textes. Ils parlent tous de liberté,
d’égalité, de dignité, mais n’interprètent pas ces notions de la même manière.
Toute énonciation d’un droit s’appuie sur l’anthropologie propre de la culture
qui l’énonce. Qui est donc l’homme des droits, au détour de ces textes ? Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Figure
humaine probablement marquée par les monothéismes occidentaux. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Toutes
les Déclarations clament que chaque homme a des droits. Mais qui est cet
homme ? Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
L’écologie
profonde, les théories défendant les droits des animaux, les courants évoquant
les « impersonnes » humaines, sont en contradiction avec toute
philosophie des droits, et à court ou à moyen terme, travaillent à desceller
les droits de l’homme, puisqu’ils descellent la royauté de l’homme. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
L’homme,
qui n’est plus image de Dieu depuis la laïcisation de la saison
révolutionnaire, tient sa dignité intrinsèque de ses facultés : la faculté
connaissante et la faculté morale le distinguent des autres vivants et
accompagnent sa dignité, s’il n’est pas dit qu’elles la démontrent. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
description de l’être humain dans la Charte du Manden : celui qui possède
une « âme » ou un « esprit », et un désir de liberté dans
tous les domaines. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Les
Occidentaux pensent couramment que leurs Déclarations sont les plus
universelles de toutes, voire les seules réellement universelles. Cela, parce
que leur seul fondement en serait la « raison », Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
droits de l’homme à l’occidentale auraient atteint une sorte de rigueur
scientifique, une objectivité absolue, grâce à quoi leur universalité ne
saurait se voir mise en doute. C’est au nom de la science (puisque brandissant
la raison) que les Occidentaux s’arrogent la légitimité de dicter un droit
international, ou de définir pour la terre entière les crimes imprescriptibles. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
science ne peut pas donner le pourquoi des choses, seulement le comment. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Les
Déclarations occidentales s’appuient donc davantage sur une éthique affichée
que sur des dogmes ou postulats, religieux ou rationnels. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
Déclaration de 48 marque clairement ce qui est premier et fondateur : la
volonté de mener le monde à la liberté, à la justice et à la paix. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
©ette
volonté de bien est elle-même appuyée sur l’indignation devant les maux
récents. Cette Déclaration est hantée par les désastres du XXe siècle et
entièrement fondée sur eux. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
révolte de la conscience devant les désastres du XXe siècle représente le
cœur de cette nouvelle « religion
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
théorie des « besoins essentiels » qui forment le socle de
l’universel humain : les instincts, les actes physiologiques, les
satisfactions. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
La
culture n’est plus qu’une immense métaphore de la reproduction et de la
digestion11. » La volonté d’éradiquer la violence, incite au matérialisme
et à échapper aux croyances, visions ou pensées. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
Déclaration russe répond à un refus d’alignement sur l’Occident considéré comme
moralement décadent. Ce qui est fustigé ici, c’est clairement ce qu’on peut
appeler l’humanitarisme, ou si l’on veut la morale postmoderne, à laquelle la
Déclaration orthodoxe reproche d’anéantir impitoyablement les valeurs traditionnelles
pour laisser place à des droits « inventés ». Le métropolite Cyrille
veut bien des droits de l’homme qui respectent la morale traditionnelle, pas
des droits de l’homme qui la renversent et la remplacent par le relativisme et
le laxisme. Toute la querelle actuelle des Occidentaux avec Poutine, se trouve
déjà là. Delsol, Chantal. Le crépuscule
de l'universel
Dre
que « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre
d’éducation à donner à leurs enfants » (Article 26), ne vaut pas pour
la culture islamique, où le père décide de l’éducation des enfants. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
Déclaration de 48 place l’homme en situation dans l’espace tout autant que les
Déclarations islamiques – en tant que successeur des Lumières, ici, et là,
en tant que serviteur du Dieu du Coran.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
Déclaration de 48 est la seule à ne pas se croire l’expression d’une vision du
monde, mais le couronnement, et le dépassement, de toutes visions du
monde : un absolu dans le monde humain.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Droits
et devoirs sont réciproques. Si j’ai des droits, c’est que quelqu’un a des
devoirs envers moi. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Nul
n’aurait de droits s’il était seul.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’homme
n’a pas de devoir gratuit, de devoir qui fonctionne comme don. Il ne doit à
d’autres que pour garantir ses propres droits. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Si
l’on affiche pour chacun la liberté de penser et d’exprimer ses opinions, cela
implique le devoir pour chacun d’être tolérant. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Si
l’on affiche le droit pour chacun d’être soigné et secouru en cas de détresse
physique, cela implique le devoir pour chacun d’appliquer une solidarité
concrète. Delsol, Chantal. Le crépuscule
de l'universel
L’homme
africain est décrit comme un être endetté. Selon la Charte, il est tenu de
protéger sa famille, de soutenir sa communauté nationale et de se mettre au
service de l’indépendance nationale, de défendre les « valeurs culturelles
africaines ». Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Dans
la Déclaration de 48, par comparaison, le vide des devoirs est abyssal :
l’individu est créancier mais jamais redevable de rien. Il confie aux instances
de gouvernement la charge de garantir les droits auxquels il peut prétendre. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
A
part la famille considérée comme « élément naturel et fondamental de la
société » (Article 16), les autres groupements sont artificiels et
dépendent de l’individu, primordial. Ils n’existent qu’à titre de moyens,
artificiels et temporaires, au service exclusif de l’individu. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Dans
les Déclarations africaine et islamiques, les peuples ont des droits, et
apparaissent ainsi comme des personnes morales, parfois plus importantes que
l’individu lui-même, et mises au service non seulement de l’individu d’ici et
maintenant, mais de l’avenir, des valeurs humaines, de tout ce qui est censé
dépasser l’individu. Rien de tout cela dans la Déclaration de 1948. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
L’obligation
de l’« aumône légale » qui, comme on sait, est l’un des piliers de
l’islam. Mais elle ne présente pas ce partage comme une charité, plutôt comme
un droit que les plus pauvres ont sur le patrimoine des plus riches. Ce que
nous appellerions ici la charité, est justice au regard de l’islam. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
Déclaration de 1948 nomme les droits-créances que l’individu peut revendiquer,
qu’il s’agisse des biens élémentaires (alimentation, habillement, logement), du
droit à la santé, à la sécurité sociale, à l’éducation ou au niveau de vie en
général. Dans la plupart des cas, elle ne s’occupe pas de savoir de quelle
manière ces créances seront produites. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Il
(Déclaration de 1948) s’agit de droits
pour ainsi dire abstraits, bien qu’ils concernent des biens concrets. Ils sont
exigibles sans qu’on sache bien auprès de qui. Ce qui laisse l’impression d’une
clameur au ciel davantage que d’un discours raisonnable. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
À travers
le rôle dévolu aux droits-créances, on aperçoit à quel point la vision
occidentale postmoderne diffère des autres visions culturelles. Les
Déclarations, documents officiels, traduisent clairement les divergences qui
séparent l’anthropologie occidentale de celles des autres cultures. Le point
central de la divergence se situe en effet dans la description de l’homme.
Individu abstrait défini seulement par sa liberté individuelle, personne
inscrite dans ses groupes d’appartenance, sujet inclus et assujetti des
sociétés holistes : ces différences marquent bien la faiblesse et même
l’hypocrisie d’un prétendu universalisme dicté depuis l’Occident. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Le
malaise et la conscience malheureuse de ces peuples saisis par la modernité
sans avoir vécu le processus historique qui y mène. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Il
faut sortir du holisme pour accéder à des régimes de liberté. Ce ne sont pas
les régimes de liberté, instaurés par décret, qui permettront aux sociétés de
sortir du holisme comme par enchantement. Car il y a là un long effort de mise
en cause de soi, issu d’une volonté intérieure. Et dans ce cas, un véritable
bouleversement de croyance . Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Il
faut être riche déjà pour aspirer à la démocratie : chercher autre chose
que la simple subsistance. Seul un pouvoir stable et sûr de lui peut accepter
de conférer des droits aux citoyens. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
lQuestion
du temps et de la patience. C’est une sorte de démenti infligé aux Occidentaux,
qui voudraient concrétiser des principes par décret. C’est probablement parce
que nous étions si pressés, si impérieux, si maîtres du monde, que nous avons
provoqué partout des raidissements et des refus. Notre universalisme se récuse
lui-même à force de se prendre pour un planning d’entreprise. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Il
n’y a pas d’institution bonne en soi, chacune répond aux besoins d’une époque.
On peut alors « comprendre le rôle de l’esclavage dans la démocratie
athénienne, mais non dans la république moderne. Le relativisme historique est
au service d’une morale de l’émancipation. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Ranke :
« chaque époque est immédiate à Dieu », « aimée de Dieu ». Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
« Suivre
sa propre voie » : tel est le programme, affirmé et fier, de ces
cultures fatiguées de voir l’Occident leur adresser le mode d’emploi de la
« bonne vie ».
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
« Seul
celui qui porte les chaussures sait si elles lui conviennent ou non »,
caractère relatif justifié par l’intrinsèque dignité de chaque pays ou peuple Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Tout
à fait absurde de refuser le statut de démocratie au régime de Périclès, en
raison de l’esclavage, comme le font nombre d’auteurs occidentaux. C’est du
provincialisme, relatif au temps et non à l’espace, que de croire sa propre
époque la seule valable et bonne historiquement Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
moment postmoderne, celui d’aujourd’hui, n’est pas l’antichambre de la
perfection, occupé à nettoyer les inégalités « qui restent ». Il
suscite des perversions nouvelles, dues à l’imperfection humaine. Il est
certainement « immédiat à Dieu »,
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel l
La
plupart des Occidentaux, cependant, croient à leur idéologie au point qu’ils ne
savent pas qu’il s’agit d’une idéologie : ils voient là une réalité. Ce
qui est le propre de l’idéologue : il croit qu’il sait mais ne sait pas
qu’il croit (Alain Besançon). Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
prétendus principes universels occidentaux ne sont qu’un subterfuge en vue de l’hégémonie,
un prétexte avancé pour justifier des guerres impérialistes, comme celles
d’Irak ou de Lybie, aux conséquences désastreuses22. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’argument
utilisé par les courants de pensée critiques de l’Occident depuis les Lumières.
Les Allemands usèrent de ce qu’on a appelé le sonderweg pour légitimer leur
sortie de l’orbite occidentale des Lumières : différents en cela des
Européens de l’Ouest, ils tenaient à leur État autoritaire et féodal. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Comme
si l’homme occidental portait en lui ce désir permanent de dépasser la nature,
caractérisée par l’inégalité et les hiérarchies. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
On
a le sentiment que rien ne peut être fait contre le « moderne »,
qu’il avance pour ainsi dire sur les ailes de l’ange, Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Confrontés
à un processus d’une puissance inouïe et littéralement irréfrénable, dont ils
sont sûrs qu’il les mène à l’abîme, les esprits affolés se jettent au néant. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Irving
Kristol parle d’exaspération : « Le phénomène fasciste du
XXe siècle est une expression d’une rébellion exaspérée et irrationnelle
contre la tyrannie, actuelle ou future, du rationalisme radical-utopique. »
Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Le
nazisme englobe le christianisme dans « le moderne », au titre de sa
principale racine, et dans sa folle volonté de retour en arrière, revient à
l’âge païen à travers ses mythes, ses coutumes et ses cruautés. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
L’universel
menacerait les particularités (autrement dit les cultures, les nations, les
familles, les coutumes, bref la vie concrète). La modernité, visant toujours
plus d’individualisme libéral et d’égalité à tous égards, présagerait la
dilution de ce qui fait la réalité de la vie humaine, aussi bien par la nature
que par l’histoire. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Dresser
un rempart pour sauver la nature est considéré comme un comportement
progressiste, tandis que dresser un rempart pour sauver une culture est un
comportement rétrograde, donc infamant. Il faut voir ici l’empreinte marquée du
matérialisme dans notre monde, où les réalités spirituelles n’ont plus de poids
et ne valent plus d’être défendues. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
anciens soixante-huitards sont des apôtres de l’Ordre moral.
Après
1968, Daniel Cohn-Bendit et Serge July (et tant d’autres) font l’apologie de la
pédophilie dans un cadre typiquement sadien, et très peu de temps après, la
pédophilie devient le crime par excellence – ici et là au nom de la
modernité. Delsol, Chantal. Le crépuscule
de l'universel
Comment
se fait-il que l’âge de la rationalisation soit aussi celui de la grande
moralisation. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Il
est impossible qu’une culture demeure longtemps privée de morale. Le nihilisme
et le pur relativisme meublent seulement des passages. La culture occidentale,
une fois coupée de l’arrimage de la chrétienté, a flotté hors de ses gonds et a
été tentée ici ou là par toutes sortes de néants. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’émancipation
ne ressemble pas du tout à une lente conquête, fruit de la conscience humaine
et de l’épanouissement moral, mais au contraire à un produit qu’il faut obtenir
aussitôt, en tordant les réalités, par l’outil de la loi. La différence est
visible : un produit acquis par la force laisse derrière lui des aigreurs
et des frustrations qui ne resteront pas inactives et feront des dégâts. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Vouloir
décréter les coutumes, c’était l’une des prétentions des idéologies utopiques.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Aujourd’hui,
on glorifie le plus vertueux. C’est le triomphe de l’humanitarisme, qui suscite
ailleurs la récusation de l’Occident, et le déni de ses prétentions
universelles.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
guerres menées par l’Occident sont à présent des guerres de la vertu ou des
chantages à la vertu. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
L’Allemagne
aurait bien accepté d’être battue, mais elle n’accepta pas d’être criminelle. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Gouverner,
pour les pays occidentaux, c’est désormais agir en censeur de la moralité des
nations, et les récompenser ou les punir sur les critères d’application des
droits de l’homme, de protection de leurs minorités, de réformes
sociétales, etc. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Ceux
qui sont contrôlés nous accusent de dissimuler nos intérêts sous le pieux
manteau de la vertu, et de ne pouvoir nous targuer, en l’affaire, que
d’hypocrisie. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
La
politique internationale, aspect extérieur de la politique proprement dite,
consiste à défendre les intérêts de sa propre société/culture, face aux entités
extérieures, sans pour autant en arriver à la guerre. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
volonté de se trouver du côté du Moderne, de la nouveauté, a fait plier bien
d’anciennes coutumes. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
La
transformation de l’humanisme en humanitarisme, traduit une forme de subversion
de la religion originelle, l’humain se trouvant réduit à sa dimension
biologique et matérielle. C’est une continuation de la morale de l’Évangile,
mais dans la négation de la transcendance. Ce qui engendre une
perversion : les préceptes de l’Évangile sont des idéaux qui n’ont de sens
que par leur rattachement à un monde transcendant – ils n’attendent pas
une application totale dans ce monde-ci, ils sont inspirateurs. Les sociétés
occidentales contemporaines, qui n’ont plus aucune idée de la transcendance
mais voudraient appliquer la morale inscrite dans notre héritage, celle
chrétienne, en viennent à aspirer à une pureté qui n’existe pas sur cette
terre.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Probablement
nous trouvons-nous, avec l’humanitarisme, devant une nouvelle expression
religieuse. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
La
recherche de la perfection temporelle, remplace la foi perdue – la ferveur
change de place. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Les
vertus, orphelines de leurs fondements sacrés et inébranlables, se sacralisent
à la place des fondements, et acquièrent par là leur certitude. Delsol, Chantal.
Le crépuscule de l'universel
Comme
si les Occidentaux ne pouvaient survivre que dans une sempiternelle
restauration et ravaudage des principes chrétiens toujours revus et corrigés.
L’humanitarisme n’est pas une falsification au même titre, mais c’est encore
une fraude au sens d’une contrefaçon. L’anthropologie sur laquelle s’appuie
cette morale est tronquée, puisque le physique et le biologique sont sublimés pendant
que les fonctions spirituelles de l’homme sont atrophiées ou plutôt supprimées.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
L’absence
désormais de fondement métaphysique et religieux, l’amour de l’autre puisse
devenir pure bienveillance, finalisée à rien sinon à son objet, et
naturellement, à l’aspect matériel de son objet. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
fraternité universelle chrétienne, qui réclame de dépasser l’amour pour sa
propre particularité afin de considérer tout homme comme un prochain, est
comprise comme la nécessité d’abandonner les particularités pour devenir
seulement un citoyen du monde. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’Antéchrist
apparaîtra comme un prophète de l’humanitarisme. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Quels
que soient nos griefs envers Trump, Poutine ou Xi Jinping, il faut
constater simplement qu’ils font de la politique, c’est-à-dire qu’ils défendent
les intérêts de leur société, tandis que nos gouvernants croient que la
politique consiste à faire de la morale. Celle-ci cherche le bien de l’autre,
tandis que la politique est foncièrement égoïste : elle défend son propre
intérêt. La CPI, comme l’ensemble de nos politiques étrangères, ne se situe pas
dans le domaine de la politique mais de la morale. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Pourtant,
l’Occident porte la marque de l’excès en toutes choses, du prométhéisme et de
l’illimité – c’est bien ce que lui reprochent les cultures extérieures. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Le
criminel dangereux par excellence, c’est le criminel bien élevé. Nous
prétendons que le plus dangereux des criminels, aujourd’hui, c’est le
philosophe moderne, affranchi de toutes les lois. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
bon sens, ou sens commun, représente cette sagesse des nations qui fait reposer
le jugement non sur la raison abstraite, mais sur la connaissance intuitive des
réalités humaines et sociales. L’abandon du bon sens au profit de la seule raison,
engage les décisions vers des choix radicaux et sans rapport avec les réalités.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Croyance
selon laquelle on peut avantageusement remplacer la sagesse par la
connaissance, produit un dénuement nouveau. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
maturité consiste à tenir tous les fils de l’universel tant dans le temps que
dans l’espace. Sinon, c’est soit l’étroitesse du sauvage soit celle du
décadent23. L’Occident postmoderne qui envoie aux poubelles de l’histoire les
religions, les liens communautaires, les nations et les conflits, injurie
l’humanité en lui confisquant une grande part de son existence. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
« L’émancipation
se retournait en domination tyrannique dès lors qu’aucun statut propre n’était
plus reconnu à ce que Hegel appelait la substance… Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
rationalisme est une mutilation, ce qui explique le sous-développement du
moderne, son incapacité morale27. L’Occident est ainsi décrit, de l’extérieur,
comme une vaste culture décadente, tout occupée à « pourrir »
calmement, dans l’amour de soi. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
maladie de l’Occident est une mutilation du réel par exagération des principes.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Notre
monde naturel et culturel est formé d’antagonismes complémentaires qui
commencent par jour/nuit, et se poursuivent avec homme/femme ou bien
familier/étranger, sacré/profane – les Chinois parlent du yin et du yang
pour traduire l’immense complexité de ces oppositions structurantes. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
vie concrète est à la fois singularité et totalité, particulier et universel,
processus et réalisation, intimité et publicité, et qu’elle doit avancer, selon
les mots de la sagesse « comme si on devait à la fois vivre toujours et
mourir demain ». Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
La
vie habite sur les bords de la mort, et tient donc toujours son contraire entre
ses mains. Delsol, Chantal. Le crépuscule
de l'universel
L’éthique
de l’hospitalité se heurte à l’avenir d’une culture. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Un
monde composé d’apatrides ne produira que de la barbarie, car l’indifférenciation
emporte l’éthique dans son brouillage. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
systématique de l’inégalité favorise des perversions inouïes, mais la
systématique de l’égalité, aussi : On ne sait comment approcher des
quatorze mois qui ont suivi la proscription de la Gironde, le
31 mai 1793. Il semble qu’on descende comme le Dante de cercle en
cercle, toujours plus bas dans les enfers. À l’acharnement contre les
nobles et les prêtres on voit succéder l’irritation contre les propriétaires, puis
contre les talens, puis contre la beauté même ; enfin, contre tout ce qui
pouvait rester de grand et de généreux à la nature humaine. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Aujourd’hui,
observant que l’Europe ne fonctionne pas bien on en tire la certitude qu’il
faudrait encore plus d’Europe, quand la liberté ne donne pas satisfaction on en
tire la conclusion qu’il faut plus de liberté, et ainsi pour tous les
principes, toutes les valeurs. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Jusqu’où
pouvons-nous aller sans détruire le tissu humain. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Lorsque
la récente nouvelle constitution hongroise affirme que le mariage est une union
entre un homme et une femme, et que la vie sera protégée dès sa conception,
elle pose des limites à la liberté individuelle. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’individu
moderne ne se voit plus comme créature, mais comme monade à la puissance
illimitée, stoppée seulement par la puissance illimitée de l’autre. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Je
suis un humain, donc civilisé, si je suis capable de me limiter moi-même :
« un homme, ça s’empêche », disait Camus. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Dieu
qui est le grand renonçant, puisqu’en créant des êtres libres il s’est pour
ainsi dire autolimité. Delsol, Chantal.
Le crépuscule de l'universel
Le
monde moderne est saturé de vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Vico :
vouloir le prolongement des valeurs du progrès à l’excès et sans frontières,
entraîne une rechute dans la barbarie, ce qu’il appelle une autodestruction
civilisée.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Pavane
irréaliste des vertus sans loi ni frein. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Ce
qu’on appelle le progrès : le déploiement de la douceur qui ne consiste
pas seulement à refuser de faire couler le sang, mais à prendre en compte le
bien-être des personnes. Le progrès s’établit par la récusation du duel et des
vengeances privées, l’abolition de la peine de mort, la mise au ban de la
torture. Mais aussi par la fin du travail des enfants, l’abolition de la traite
et de l’esclavage, la lutte contre la prostitution et la pédophilie. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Il
fait envie – parce que le vice fait envie. L’Occident est vicieux en
raison de sa décadence. Delsol, Chantal.
Le crépuscule de l'universel
En
tout cas, une partie de la pensée russe en tire la certitude selon laquelle le
« retard » de civilisation est un gage d’avenir. La Russie, préservée
de l’individualisme et du matérialisme des Lumières, ayant conservé son
enracinement et sa spiritualité, peut ainsi devenir un modèle pour une Europe
en mal de régénérescence. Delsol, Chantal.
Le crépuscule de l'universel
La
pensée conservatrice européenne a tendance à faire confiance à Poutine pour
sauvegarder les principes chrétiens mis en cause par la postmodernité. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Ivan
Ilyine (inspirateur de Poutine, outre Douguine), pense qu’avec le communisme,
la Russie a servi de champ d’expérience pour appliquer le matérialisme athée,
utopique et antinaturel, inventé par l’Occident. Elle doit cesser d’être cobaye
et retrouver sa vraie nature spirituelle et religieuse. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel.
Soljenitsyne,
qui rappellent les affirmations des slavophiles concernant la décadence
européenne. Dans le « Discours de Harvard12 », il décrit l’Occident
dans lequel il a dû s’exiler, comme une culture décadente par son matérialisme
et son goût servile du plaisir immédiat. Le symptôme patent de cette situation
est le déclin du courage – c’est le titre du livre.Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Soljenitsyne
est persuadé qu’une société ainsi amollie est proche de la fin. Car aucun
organisme vivant ne peut perdurer sans la soif et le courage de vivre. Mais il
va plus loin. Il pointe cette mollesse non comme un abandon, mais comme un
caractère inhérent à l’Occident, que les Lumières ont rendu athée et
matérialiste.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Tout
au long de son œuvre politique, Lee Kuan Yew s’est attaché à récuser l’État
providence occidental qui stérilise le courage des individus et les dissuade de
travailler, à récuser la douceur des démocraties occidentales qui suscite la
paresse et le laisser-aller. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
permissivité des lois et de la morale ambiante y engendre toutes sortes de
comportements déviants, en général tolérés. La drogue, le divorce, la famille
sans mariage, les familles monoparentales, qui sont considérées en Occident
comme des signes de progrès, valent ailleurs pour des signes de déclin. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Pour
le confucéen Tu Weiming, par exemple, la pensée occidentale des Lumières, dont
la Chine a beaucoup à apprendre, doit cependant rejeter ses dévoiements que
sont l’anthropocentrisme, l’individualisme et le matérialisme. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Raymond
Aron : notre Europe est peut-être décadente, mais si cela signifie qu’elle
incarne les libertés, alors la décadence est un bienfait. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
partisans de la moralisation se préoccupent seulement de l’insertion des
populations accueillies sans poser la question de la légitimité de l’accueil.
Les courants dits populistes brandissent l’inquiétude de la décadence en
regrettant que des cultures se sabordent par vertu. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
gouvernant n’est pas une mère. Or la douceur démocratique s’étend au point
d’ériger la sensibilité en moyen politique. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Sommes-nous
cet homme de Nietzsche – « l’homme apprivoisé, incurablement débile et navrant33 »
–, qui ne vise que sa propre destruction par dégoût de soi ?, ou bien une
société heureusement affranchie du désir de violence, dans laquelle la morale
maîtrise enfin la politique ? Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’éloge
de l’homosexualité, qui remplace si vite sa criminalisation, répond à une
récusation de la virilité comme source de violences. Il faut supprimer la
virilité pour l’empêcher de nuire, comme en témoignent nombre d’œuvres
contemporaines – par exemple les films d’Almodovar où tous les pères sont
absents, violents, incestueux. On en vient à des généralités cocasses « la
masculinité est toxique », Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
réapparition aujourd’hui d’une certaine violence verbale et d’une violence des
arguments, a bien pour causes les mêmes que celles des années 1930 :
l’affolement devant le Moderne irrésistible. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Poutine
est brutal, voire violent, et tricheur – il utilise tous les moyens, comme
un ancien du KGB sait le faire, ce qui n’est pas de bon augure pour ses voisins
ou adversaires. Mais cela n’incommode pas ceux qui pensent que si un politique
est sans scrupule et brutal, c’est qu’au moins il ne cède pas à ce comportement
de petit énarque bien élevé, dissimulant sous des paroles polies une idéologie
souterraine et intolérante (celle du mondialisme). Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
À
force de s’approprier la politesse au sens étymologique de « poli »,
on gomme les aspérités, ce qui dépasse, on arrondit tous les angles :
outre qu’on en vient à effacer l’originalité, on écarte surtout les vérités qui
dérangent… et dont on pourrait avoir besoin pour améliorer le monde. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
L’Occident
tente d’imposer la repentance soi-disant pour des raisons morales, mais en
réalité c’est le vainqueur qui assène encore sa victoire – le prétendu
universel n’est qu’un particulier subtilement déguisé. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
pressions occidentales pour aligner tous les peuples au régime de la justice
transitionnelle, traduisent un excès d’universalisme. Les cultures diffèrent au
point que par exemple, l’attitude des Cambodgiens face aux crimes de Polpot ne
ressemble pas du tout à la nôtre, en raison de la culture du Karma. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
revanche historique contre les représentants d’anciennes catégories dominantes,
et la réparation historique en faveur des représentants d’anciennes catégories
dominées. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Notre
vision utopique, et idéologique, de la morale totale, nous entraîne dans des
excès auxquels nos confrères humains des autres continents n’ont pas envie de
se livrer, parce qu’ils ne se sont pas départis de leur simple bon sens. Les
institutions internationales européennes et onusiennes pensent que la
repentance historique traduit la maturité des peuples, et que les autres
peuples nous suivront dans cette voie. On peut penser, a contrario, qu’il y a des
limites au déploiement de la morale, et qu’ici cette limite est franchie. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Il
est étrange de demander à ceux qui n’ont rien fait de demander pardon, à ceux
qui n’ont pas subi de demander réparation. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel.
Le
monde s’avance, les mœurs changent, pendant que le vieillard demeure enraciné
dans celles de sa jeunesse et de son âge mûr. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
paix civile et même la viabilité d’une société se mesurent à l’ampleur de ceux
qui l’acceptent, au nombre et à la ferveur de ceux qui, à l’intérieur, la
refusent. Delsol, Chantal. Le crépuscule
de l'universel
Beaucoup
« falsifient leurs préférences » pour s’adapter aux versions
officielles. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Toute
société devrait se préoccuper de ses non-contemporains. Devrait s’enquérir de
savoir si ce sont seulement des vieillards inaccoutumés et inaccoutumables, ou
bien des cohortes de citoyens en désaccord avec l’évolution du temps, et
pourquoi. Delsol, Chantal. Le crépuscule
de l'universel
Les
principes moraux ont entièrement changé de visage. Des comportements ou des
actes qui étaient des crimes, comme l’homosexualité ou l’avortement, sont
devenus des droits et sont applaudis. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
« monde » musulman sur lequel il vient se maroufler, possède lui
aussi une origine et une histoire, mais bien différentes. On vient imposer les
mœurs et les coutumes d’un monde post-hégélien, à un monde pré-galiléen, dit
l’auteur éloquemment3. Comment imaginer de pouvoir produire des démocraties là
où il n’y eut pas de sécularisation des esprits, pas de sortie du holisme de
l’Umma. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Devenir
moderne est une sorte de devoir humain, qui signifie aujourd’hui, devenir
occidental et postmoderne, c’est-à-dire rallier l’humanitarisme légitime, qui
signifie essentiellement le déploiement sans limite de la liberté individuelle.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
modernité, mais surtout la postmodernité, vide de leur sens les groupes
identifiants, les définit essentiellement par leur capacité de domination ou
d’asservissement Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’individu
se risque pour sa patrie ou sa famille, il ne se risque pas pour la liberté
abstraite ou pour une constitution.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
burqas aujourd’hui présentes dans nos rues, racontent une radicalisation due à
la crainte de voir les femmes échapper à l’autorité des hommes. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Les
Occidentaux se sont trompés en croyant que la liberté économique suscitait
d’emblée la liberté politique. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
nécessité du repentir et de la rétribution fait bien apparaître la pensée
postmoderne comme une religion/idéologie. Il existe ici un dogme, une vérité à
laquelle le passé tout entier se compare à son désavantage et dont les
errements doivent être punis dans le temps. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
Américains élisent Trump non parce qu’ils détestent les femmes ou les noirs et
ne veulent pas qu’ils ou elles occupent de hautes fonctions, mais parce qu’ils
jugent ridicules et néfastes les politiques de quotas, politiques forcées qui
remplacent les critères de compétences par des critères de genre ou d’origine
ethnique. C’est le caractère radical de la postmodernité, autrement dit son
caractère idéologique, qui fait surgir ses ennemis. Le caractère idéologique de
l’universalisme occidental tient à son irréalisme : tous ses adversaires
croient, chacun à sa manière, en une condition humaine substantielle. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Comme
nous ne souhaitons plus utiliser la terreur physique, nous sommes contraints de
reconnaître ce reflux de vieilleries (la nation, les aspirations identitaires)
et d’attendre la prochaine occasion de les faire disparaître définitivement. La
différence entre les universalistes et leurs détracteurs consiste donc
essentiellement en une croyance philosophique sur la nature humaine, ce qui
n’est pas rien. Les premiers croient que les humains pourraient, si ce n’est
pas aujourd’hui au moins dans un futur pas trop éloigné, se détacher de leurs
enracinements spatiaux et culturels et s’identifier seulement à soi sans autres
référents. Les seconds ne croient pas que ce soit simplement possible, et
pensent que toute tentative de cet ordre aboutit à l’échec, voire à des
désastres pires. La dévalorisation des attachements culturels produit une
valorisation extrême de la santé biologique et de la liberté individuelle, une
sacralisation de la nature qui par définition est culturellement neutre. Il en
résulte une véritable idéologie, marquée par la ferveur qui anime ses croyants
et leur capacité d’aller jusqu’au fanatisme, comme on le voit chez certains
écologistes, vegans ou animalistes. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
lMépris
dans lequel est tenu le jugement de ceux qui connaissent les choses de
près : seule compte la conviction des théoriciens sans liens avec les
réalités de terrain. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’humanisme
valorise l’homme entier, avec son histoire et ses passions, et c’est pourquoi
il va par exemple juger excessive cette passion qui s’attache à l’interdiction
de fumer13. L’humanitarisme valorise la santé biologique au-delà de toute autre
considération, au point de lui sacrifier les joies de l’existence. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
« Pas
de liberté pour les ennemis de l’islam » n’est pas davantage exclusif que
« pas de liberté pour les ennemis de la liberté15 ». Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Les
régimes totalitaires se permettent de tuer au nom de la race (nazisme) ou au nom
de la classe (communisme). L’interruption médicale de grossesse légitimée par
certaines sociétés occidentales contemporaines, répond à une légitimité de tuer
en référence aux valeurs de santé biologique et de liberté individuelle. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
passion politique des États d’Europe centrale serait davantage la peur de
disparaître en tant que culture, d’où le problème crucial de l’immigration
musulmane qui forme le nœud du conflit avec l’Europe institutionnelle. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
pensée postmoderne, que j’ai appelé l’humanitarisme, fonctionne comme une
idéologie : c’est une interprétation du monde structurée et complète, sûre
de sa vérité et de son bon droit, toujours prête à humilier ou bannir ses
opposants. Les courants qui s’opposent à elle, dits populistes ou antimodernes
ou illibéraux, ne constituent pas une idéologie unique qui les réunirait. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Nous
avons vécu depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale dans un pacifisme très
partagé, pendant que montait au zénith le courant postmoderne. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Le
courant postmoderne n’accepte pas les altérités ni les rivalités, il traite
toute différenciation de discrimination, et il entre cependant en conflit avec
ceux qui opèrent les différenciations. Autrement dit, au nom du pacifisme
instruit par l’indétermination, il inaugure un front de combat contre les
non-pacifistes. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Même
si nous n’en sommes pas à parler deux langues distinctes (quoique la
connaissance de l’Anglais par l’élite rappelle ces anciennes situations), nous
vivons au jour le jour, dans tous les pays d’Occident, cette fracture béante
entre les classes.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
classe gouvernante, qui comprend l’ensemble de ceux qui gouvernent, pensent,
écrivent, donc aussi les médias, considère que les partis dits populistes
représentent, non pas des courants politiques avec lesquels on doit débattre
comme c’est la loi en démocratie, mais des dangers pour la démocratie, qui
doivent donc être éradiqués.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
classes populaires considèrent que les élites les entraînent trop loin dans le
libéralisme, l’individualisme et le cosmopolitisme. Les élites ont le sentiment
que les peuples veulent les faire régresser. Autrement dit, le débat se situe à
un niveau très profond, au niveau du processus de civilisation. Ce qui permet
peut-être de comprendre pourquoi le combat est si violent. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Nous
nous trouvons sans aucun doute, encore aujourd’hui et plus que jamais, au cœur
de ce débat qui concerne le déploiement des Lumières, et leur teneur. Jusqu’où faut-il
aller dans l’émancipation et la liberté des individus ? Dans le
cosmopolitisme et le matérialisme ? Cette question vieille de deux siècles
engendre aujourd’hui un clivage mondial qui déstabilise et sape l’universalisme
occidental.
Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
culture européenne a été longtemps, ou s’est crue, la figure de proue de
l’universel humain. Pendant deux siècles, la conquête et la fascination ont
joué ensemble pour faire d’elle le parangon mondial auquel tous devaient
ressembler, faute d’interrompre leur course historique. Ce moment est passé.
Par une mystification dont nous sommes les témoins, l’universel européen s’est
mué en idéologie, avouant par là une nature désormais tronquée. Il prétend
imposer à la terre entière une vision du monde propre à son évolution
particulière (que j’ai appelée l’humanitarisme). Il se croit définitif, ce qui
est le propre de l’idéologie, par sa prétention de pureté et de
perfection : tantôt le marxisme et tantôt la démocratie comme « horizon
indépassable. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Le
commun de l’Europe n’est pas dans l’identité comme racine, mais uniquement dans
un futur commun. C’est bien à ce titre que l’on interdit la mention des racines
chrétiennes et que toute référence religieuse est volontairement omise. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’enracinement
volontaire dans le seul avenir traduit une utopie idéologique arrachée à
l’humanité tragique et terrestre. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
postmodernité ignore ce qu’est un idéal, elle écrase les perspectives et veut la
perfection ici/tout de suite. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Une
nation est une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices
qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Tocqueville :
« Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. »
Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Les
cultures non-occidentales veulent de l’Occident ce qu’elles estiment positif et
favorable – le progrès technique et médical, la recherche
scientifique –, mais désirent éviter ou au moins freiner ce qui leur
paraît contredire leur culture : le libéralisme des opinions et des mœurs,
l’État de droit. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Le
développement économique de l’Asie devient alors un puissant argument pour
séparer les libertés les unes des autres, pour réclamer une modernité d’un
autre type. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Le
fait que toutes les attentes d’une « autre modernité », qu’elles
viennent de la Chine, de la Russie ou des pays de l’Europe réfractaire,
convergent vers les mêmes critiques et expriment les mêmes exigences. Ici et
partout, c’est toujours l’excès de la liberté individuelle, destructeur
d’humanité et de société, qui est mis en avant. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Devant
la fatigue avérée de nos modèles de démocratie, elles vantent leurs modèles
comme des alternatives possibles aux faiblesses occidentales, suggérant
l’avènement d’« un ordre post-occidental et post-démocratique. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
reproche constant que fait la Chine à l’Occident est son libéralisme extrême sur
tous les plans : économique, politique, sociétal. La liberté conférée à
l’individu est vue comme la conséquence d’un aveuglement anthropologique :
dans la réalité, aucun d’entre nous n’est une île. L’insuffisance de l’individu
et son exigence absolue de relations et de solidarité, le besoin d’ordre
social, rendent la pensée occidentale irréaliste et finalement peu viable. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
La
Chine, ses gouvernants et en grande partie ses intellectuels, légitime
l’autocratie. Le pouvoir politique n’est pas par le peuple, mais pour le
peuple, Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Autant
le confucianisme doit apprendre de l’Occident la primauté du droit et les
droits de l’homme, la science et la démocratie, autant l’Occident devrait
apprendre des Confucéens le goût du bien commun et l’attachement à la
communauté, l’ascétisme et l’amour du travail. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Ces
pays qui ont survécu au communisme, vont-ils survivre à l’abondance du capitalisme.
Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Les
peuples d’Europe centrale, en intégrant l’Europe institutionnelle, ont parfois
l’impression d’intégrer une entreprise de démolition, le pédantisme en plus. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
modernité occidentale n’est pas capable de proposer un sens après les
totalitarismes : constatant que le monde post-chrétienté est devenu une
tragédie sans signification, elle se propose alors de supprimer la tragédie
(par le culte de l’instant, le consumérisme effréné, voire le post-humanisme
qui supprimerait la mort). Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
La
modernité « autre » sera un déploiement de l’éthique commune au sein
même des identités. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Le
principal défaut de la vanité civilisée est d’être privée de sens commun :
elle s’instaure sur des universaux abstraits et détachés de l’existence des
peuples, sans fondation vivante. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Ce
à quoi les Lumières ont rendu la plupart d’entre nous aveugles, et que nous
devons à présent retrouver, est une conception de l’investigation rationnelle
incarnée dans une tradition, et selon laquelle les critères mêmes de la
justification rationnelle émergent d’une histoire dont ils font partie. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Il
ne s’agit donc ni de demeurer rivé au passé, ni d’inventer un bien hors
sol : mais d’avancer dans le sens de ce qui nous a faits. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
nœud de discorde entre l’Europe occidentale et l’Europe centrale, face à la
postmodernité. La première part du principe que toute relation est oppression,
aussi supprime-t-elle tous les liens afin de libérer l’individu. Elle ne
préserve que les liens voulus par l’individu, et aussi longtemps qu’ils sont
voulus : elle efface donc les appartenances pour produire une société de
réseaux, où l’individu surfe d’un groupe à l’autre au gré de ses envies et dans
l’irresponsabilité. Pour de nombreux auteurs d’Europe centrale, cela s’appelle
jeter le bébé avec l’eau du bain, grossière erreur, car beaucoup de contraintes
ne proviennent pas des tyrannies d’appartenance, mais de la responsabilité
personnelle. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel.
Ma
liberté s’arrête quand je m’autolimite, alors tout change. Je m’autolimite
parce que je suis conscient de mes responsabilités. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Le
salut est dans l’interrelation. La relation devient un espace sacré. Que Dieu
existe ou non, l’homme est humain par la relation. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
appartenances relèvent de notre être et on ne peut pas les détruire, on ne peut
que les dénaturer en voulant les supprimer. Les responsabilités relèvent de
notre devoir-être : on peut les détruire (c’est ce que fait aujourd’hui
l’Occident), favorisant l’émergence d’une société catastrophique. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Andrzej
Stasiuk écrit dans Fado : Voici peut-être quel sera l’avenir : nos
patries, nos pays disparaîtront en tant que points de référence spirituels et
culturels. La Pologne disparaîtra, l’Italie disparaîtra, la France disparaîtra.
Pourquoi pas ? De plus en plus de choses disparaissent, et il en apparaît
de plus en plus de nouvelles. Il restera Fiat, Coca-Cola, Microsoft, Nike et
Johny Walker. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Le
rôle des institutions et des gouvernants n’est pas de chercher à construire un
individu hors sol par passion idéologique, mais de créer les conditions
d’existence des appartenances, des émancipations et des responsabilités. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Il
n’est même pas permis d’avoir une réflexion ni un débat sur l’étendue de nos
responsabilités : le langage des droits est si péremptoire qu’il envahit
tout l’espace. Toute mise en cause est jugée fanatique, réduite à une
discrimination. Delsol, Chantal. Le
crépuscule de l'universel
Le
rêve de bien des cultures est de réaliser sa propre modernité, sans devoir
tomber dans les travers de l’Occident. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
États-providence peuvent répondre matériellement aux dégâts engendrés par la
solitude individuelle. Mais ils ne peuvent répondre spirituellement. Ainsi, la
postmodernité engendre-t-elle des sociétés aux citoyens rassasiés de
nourriture, mais affamés de connivence, et donc, de sens. Des sociétés moins
guettées par la pauvreté que par le désespoir et par le dégoût de vivre. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
Seule
la responsabilité individuelle (à condition qu’elle soit valorisée et non
constamment ridiculisée), peut sauver une société de rôles (c’est-à-dire de
liens réels et durables) tout en garantissant l’émancipation. Delsol, Chantal. Le crépuscule de l'universel
L’humanitarisme
occidental postmoderne, qui fait suite à l’humanisme des Lumières, joue un
grand rôle dans cette évolution : en suscitant un universalisme radical et
intolérant, il contribue à lever contre nous les détracteurs. Delsol, Chantal. Le crépuscule de
l'universel
L’humanitarisme
contemporain est un dévergondage de la vertu qui se défait des situations et se
croit toute-puissante. Delsol, Chantal.
Le crépuscule de l'universel
L’universalisme
européen extrémisé jusqu’à l’abstraction et l’utopie, est une idéologie. En
face, les cultures extérieures ont tendance à se transformer en idéologies afin
de résister à l’Occident. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel
Les
oppositions à l’Occident ne concluent pas généralement à un retour aux
traditions, mais à la recherche de modernités différentes, capables de prendre
en compte des identités spécifiques et en général des enracinements considérés
comme essentiels. La dispersion de la Modernité en modernités, marque la fin de
l’universalisme culturel. Delsol,
Chantal. Le crépuscule de l'universel