vendredi 13 août 2021

La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle - T - Anne-Marie Thiesse (L'Univers Historique)

 

 

La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle  - T - Anne-Marie Thiesse (L'Univers Historique)



Il est peut-être regrettable au point de vue pratique que la population de l’Europe ne soit pas une comme race, langue et aspirations ; mais elle ne l’est pas ; et les groupes différenciés qui y subsistent ne semblent disposés ni les uns ni les autres à s’assimiler réciproquement, ni capables de s’anéantir La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La véritable naissance d’une nation, c’est le moment où une poignée d’individus déclare qu’elle existe et entreprend de le prouver. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La liste des éléments symboliques et matériels que doit présenter une nation digne de ce nom : une histoire établissant la continuité avec les grands ancêtres, une série de héros parangons des vertus nationales, une langue, des monuments culturels, un folklore, des hauts lieux et un paysage typique, une mentalité particulière, des représentations officielles – hymne et drapeau – et des identifications pittoresques – costume, spécialités culinaires ou animal emblématique. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La nation naît d’un postulat et d’une invention. Mais elle ne vit que par l’adhésion collective à cette fiction. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

L’idée même de nation semble a priori aller à rebours de toute prise en compte de la modernité, puisque son principe repose sur le primat d’une communauté a-temporelle dont toute la légitimité réside dans la préservation d’un héritage. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Un pays de forte immigration comme la France a longtemps accordé la naturalisation sans faire de la reconnaissance du patrimoine national une condition préalable : mais elle était supposée venir « naturellement » aux nouveaux ressortissants – en tout cas à leurs enfants. Les débats actuels qui mettent en avant la notion d’intégration engagent la question essentielle en l’esquivant : dans quoi précisément les étrangers vivant sur le sol national doivent-ils s’intégrer, et quelles sont les preuves tangibles qu’ils doivent fournir de leur volonté et de leur capacité à le faire ? On voit bien que l’enjeu n’est pas seulement l’adhésion des immigrés aux lois fondamentales de l’État… La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Les nouvelles formes de la vie économique exigent la constitution d’ensembles plus vastes que les États-nations. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

L’entité supranationale de l’Union européenne devient un espace juridique, économique, financier, policier, monétaire : ce n’est pas un espace identitaire. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Jaune surlignement | Emplacement: 460

Ce qui fait la valeur d’une culture, ce n’est pas sa plus ou moins grande proximité à un modèle dominant, c’est au contraire son originalité, son authenticité. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Shakespeare a été un grand dramaturge, c’est, selon Herder, que l’Angleterre et le peuple anglais étaient le véritable objet de son théâtre, que même ses César et Timon pensaient et ressentaient en Britanniques. La véritable culture vient du Peuple et doit lui revenir : elle ne doit pas être l’apanage de quelques individus formés par leur éducation aux raffinements. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La première pensée dans la première âme humaine est reliée à l’ultime pensée de l’ultime âme humaine. » La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Chaque langue, selon Herder, est expression vivante, organique, de l’esprit d’un peuple, la somme de l’action efficiente de toutes les âmes humaines qui l’ont constituée au fil des siècles. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Sans une langue territoriale et maternelle commune dans laquelle toutes les classes sociales sont reconnues comme les rejetons d’un même arbre et reçoivent une même éducation, il n’est plus de véritable intelligence des cœurs, de formation patriotique commune, de communication ni de communion des impressions, de public propre au pays de ses pères ». La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

L’humanité est une, mais s’est diversifiée sous l’influence de conditions matérielles comme le climat. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

Le progrès anime l’évolution de l’humanité, mais il passe par des ramifications. Chacune d’elles présente une succession d’épanouissements tous d’égale nécessité, d’égale originalité, d’égal mérite, d’égal bonheur. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Les États constitués par le fait des guerres sont artificiels et ne sont fondés ni en nature ni en raison. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Ce que nous méprisons aujourd’hui comme des contes populaires, comme des monuments grossiers, sont des vestiges précieux de la sagesse des anciens législateurs. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Ce n’est plus des princes, toujours susceptibles de pactiser avec l’ennemi selon leurs intérêts propres de monarques, que l’on attend le salut et la sauvegarde de la patrie, mais de l’élan sacré de la nation consciente d’elle-même et luttant pour sa survie. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La Révolution française a prouvé à l’Europe que l’accession de la nation à la souveraineté politique n’était ni utopie, ni idéal situé dans un avenir lointain et indéterminé. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La construction de la culture nationale est fortement liée au libéralisme. Le combat contre l’absolutisme s’inscrit désormais dans la temporalité immédiate et s’accompagne pour les intellectuels d’un devoir exigeant : fournir à la nation tous les éléments lui permettant de se connaître pour telle. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La diffusion d’une langue vernaculaire standardisée par l’imprimé a-t-elle été un des éléments majeurs de l’éveil du sentiment national ? La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La conception politique de la nation n’apporte pas non plus de solution à la question des frontières : un suffrage sur le choix de l’État-nation, s’il est démocratique, retient le vote majoritaire et crée par contrecoup une minorité incluse dans un État qui ne correspond pas à sa nationalité revendiquée. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Le capitalisme industriel s’est imposé comme mode de production, et l’expansion d’un nouveau groupe social, le prolétariat ouvrier, fait apparaître une ligne de fracture sociale et une référence identitaire concurrente de la nation. « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » : l’internationalisme sur la base de l’appartenance de classe contre l’union interclasses sur la base de l’appartenance nationale4 La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

Lorsque, à la fin du XXe siècle, la mondialisation du capitalisme met en question la souveraineté des États-nations, la nation apparaît comme un refuge, sa disparition une effroyable menace pour la cohésion sociale et les conditions d’existence des plus démunis. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

C’est l’appartenance à la nation qui donne à l’individu un statut autre que celui de simple producteur. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La coïncidence entre État et nation est a priori impossible1. Et pourtant elle s’est souvent réalisée, quand bien même elle n’est jamais incontestable. C’est que le dilemme n’est pas sans avoir une solution, plus ou moins durablement efficace. La fixation des frontières d’un État ne peut transcrire de manière satisfaisante l’existence d’une nation et son droit à l’autonomie La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Faire de la pratique sportive une école morale et civique, qui apprend à l’élève à se gouverner lui-même dans le cadre de compétitions où l’agressivité est contrôlée.

La finale de la Cup attire plus de 100 000 personnes dès 1890. Le sport devient puissant facteur d’intégration nationale, fournissant à double titre un support d’identification commune à des catégories sociales distinctes. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La nature entre dans le patrimoine identitaire sur le mode de la tradition fragile et menacée de disparition imminente. La nature nationale est éternelle, mais elle va succomber sous le viol des vandales : industriels, constructeurs de barrage, architectes modernistes ou hôteliers avides. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Le touriste, à l’inverse du voyageur fortuné du siècle précédent, dispose de peu de temps : parcourir le territoire en allant d’un élément patrimonial remarquable à un autre, au prix de journées vides, ne relève pas de sa pratique. En fait, l’idéal est la réunion, sur un espace limité, du monument historique, du site pittoresque, du village préservé, de l’artisanat à l’ancienne et de fêtes traditionnelles. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La nation, au cours du XXe siècle, devient l’horizon « naturel » de la vie quotidienne. Reste que l’adhésion du prolétariat à l’idée nationale ne paraît ni évidente ni inéluctable pour les couches sociales qui l’ont déjà adoptée et qu’inquiètent les possibles tentations internationalistes et révolutionnaires de la classe ouvrière. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La difficulté à dire positivement la modernité, qui constitue l’une des grandes fragilités des États-nations du XXe siècle, va donner un tour particulier au discours idéologique des régimes totalitaires : ils annoncent la construction d’un monde et d’un homme nouveaux, contre la décadence présente, tout en promettant le retour à un passé national hautement valorisé. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

L’utilisation intensive du folklore par les régimes fasciste et nazi leur permet aussi de célébrer très ostensiblement le peuple national. La propagande hitlérienne prétend que le capitalisme a été aboli en Allemagne en 1933, et avec lui la division entre classes antagonistes. Le régime se targue d’avoir fait naître la véritable nation allemande, communauté unitaire qui ne connaît aucune distinction sociale. Ein Volk, ein Reich, ein Führer. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La question de l’intégration du prolétariat à la nation paraît désormais sans objet : la croissance économique et la redistribution des richesses au sein d’« États-providence » semblent avoir résolu le problème. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Un spectre hante l’Europe de l’ère postcommuniste : le réveil des nationalismes. Il a son double : la mondialisation liquidatrice des nations. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La mondialisation des échanges, la puissance des entreprises multinationales et la mobilité du capital financier restreignent les possibilités de contrôle des États sur la production de richesse et sa répartition. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Les États européens doivent gérer les conséquences sociales de décisions économiques sur lesquelles ils ont de moins en moins prise. Des droits acquis au travers de luttes et de compromis dans le cadre des États-nations s’avèrent caducs : à quoi sert-il de faire grève contre une entreprise qui redéploie sa production au gré de la conjoncture ? La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La souveraineté politique procède de la nation ; mais l’État dans lequel elle s’inscrit voit sa propre souveraineté restreinte de facto par des agents économiques pour lesquels les frontières territoriales ne font plus sens. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

L’Europe se donne une structure destinée à répondre aux défis de l’économie-monde. Sa conception est dérivée de celle des États. L’Union européenne édicte des règlements communautaires, instaure sur son territoire la libre circulation des personnes et des biens, émet une monnaie ; elle a un parlement et un exécutif. Lui fait en revanche défaut tout ce à quoi correspond la nation : une identité collective, l’attachement à un territoire commun, l’idéal partagé d’une fraternité solidaire. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

L’élaboration d’une identité commune ne fera pas sens si elle n’est pas associée à un véritable projet politique proposant aux ressortissants de l’Union de redevenir acteurs de leur destin. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

 

lundi 2 août 2021

Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet, PUF

 

Lost Ego: La tragédie du « je suis »,- T - François de Smet, PUF



On ne devrait pas dire « je pense », assène Nietzsche dans Par-delà le bien et le mal, mais « ça pense », car je ne choisis guère les pensées qui me viennent. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Ce qui définit l’Ego ne sert qu’à protéger l’être humain de la force irrésistible, contingente et engloutissante du chaos. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’époque est pourtant aussi celle de la recherche effrénée d’identité, du « je » revendiqué comme libre. Soit classiquement par fierté vis-à-vis d’une origine, d’une orientation, d’une religion, d’une nationalité qu’on estime mises en danger par le broyeur d’une mondialisation ayant accéléré brutalement le flux perpétuel des métissages. Soit désespérément par affirmation d’une liberté se vouant sans entraves, celle du self-made-man rejetant toute affiliation, élevé au grain de l’illusion qu’il choisit chacune de ses inscriptions – jusqu’à sa nationalité, son genre, son nom – et ne devant rien à personne, oubliant, tel Don Juan, qu’il est par nature enserré dans un mécano de dettes primordiales vis-à-vis des autres hommes. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Le « Je », utilisé de bonne foi ou récupéré, est le refuge contemporain du désespoir. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Résistant, mouton ou collabo, triptyque infernal devenu le fer de lance identitaire de plusieurs générations occidentales attachées à la liberté d’expression comme dernière boussole démocratique) a valorisé plus que jamais le postulat du libre arbitre comme fiction nécessaire du fonctionnement de la société. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Nous contrebalancerons le formalisme de la déclinaison identitaire avec un récit, une histoire qui nous connecte à ce que nous pensons être le monde, ou à ce que nous estimons qu’il devrait être, et qui laissera la part belle à une mise en valeur de notre volonté, quitte à enjoliver. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Notre rapport au monde est un immense flux, au sein duquel notre mémoire capricieuse reconstruit en permanence ce qui nous arrive pour lui donner ordre et cohérence. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Contrairement à ce qu’avaient pu espérer les Lumières et leurs héritiers idéalistes ou libéraux, la généralisation de la possibilité de donner son avis, partagée en puissance avec la planète entière, ne fait pas de nous des êtres plus intelligents. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Le web n’agit pas comme un accélérateur mais comme un révélateur : celui du chaos qu’est le monde, désormais nu et livré au vu et au su d’individus désemparés qui ne savent plus où aller puiser un peu de nécessité ou de philosophie de l’histoire, pour ramener quelques miettes de sens rassurant. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Schéma darwinien : les espèces les plus aptes sont celles dont les sujets parviennent à construire une représentation cohérente d’eux-mêmes dans leur environnement et à poser les choix qui amélioreront leurs chances de conservation. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Rien n’est prévisible au-delà de la vérification des lois physiques que l’homme a pu tirer de son observation de la nature. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’addiction du cerveau humain pour la causalité, si elle lui a permis de bâtir des modèles scientifiques hypothético-déductifs, le leurre dans le même temps sur les représentations du monde qui l’entourent – en favorisant, ainsi, la croyance comme rapport au monde en dépit de toutes les preuves matérielles et factuelles infirmant nombre de modèles métaphysiques. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Hannah Arendt définissait la modernité comme la rupture définitive avec les traditions, l’autorité et la religion ; devant se réinventer sans histoire, sans racines, l’individu tenu d’assumer sa liberté et sa contingence a tendance à rechercher le fil du récit là où il est disponible. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Notre cerveau, mi-rationnel mi-affabulateur, est un sas construit laborieusement par l’évolution et qui a pour fonction de servir d’interface entre deux chaos : celui de nos propres pensées et celui de l’extérieur. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Hannah Arendt : le fait que les Allemands se soient dénazifiés aussi rapidement qu’ils s’étaient nazifiés jadis est anxiogène sur la nature humaine et son apparente disposition irrépressible au conformisme. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Groupe est moteur puissant d’adhésion et de suivisme – et que ce comportement n’est nullement réservé, tant s’en faut, aux environnements criminels. Instinctivement, empiriquement, c’est un constat que chacun peut faire sien tous les jours. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Un individu justifie son conformisme par la preuve empirique du nombre : suivre le troupeau parce que, rationnellement, les chances pour que plusieurs personnes aient raison alors que j’ai moi-même tort sont plus importantes que l’inverse. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Il en ressort que lorsque les individus sont seuls, ils font de la situation une analyse rationnelle et responsable, alors que si plusieurs individus sont dans la pièce, ils s’influencent les uns les autres au point d’adopter une posture passive considérable et ce, si besoin, en développant « un système quasi inconscient de déni du réel qui était tout à fait absent chez les sujets isolés actifs2 Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Est permis de poser que l’acquisition de la liberté par l’homme ne peut se lire comme le récit trop simple d’une bataille pour la récupération d’un droit naturel dont il aurait été spolié par les puissants, mais plutôt comme le fruit d’un arrachement laborieux et conflictuel à sa propre nature. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Hypothèse anxiogène : l’autonomie humaine est une création, et le libre arbitre l’est aussi. Ego, « moi, je » est le nom de l’histoire que nous nous racontons pour refouler le caractère artificiel du libre arbitre. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Nous portons toujours en nous les gènes grégaires qui ont fait de nous les animaux sociaux que nous sommes – animaux qui ont oublié que si notre espèce a pu traverser les siècles, c’est parce que l’évolution n’a pas favorisé l’autonomie, la résistance à l’autorité et les réfractaires, mais qu’elle a au contraire privilégié des modes d’organisation axées sur la hiérarchie et la domination. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Les groupes disposant d’une hiérarchie forte disposent d’un net avantage sur ceux qui n’en disposent pas : l’union ainsi générée permet de mieux faire face aux dangers de l’environnement et des autres groupes, ainsi qu’au danger d’éclatement. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Nous devenons, en postmodernité, les témoins privilégiés de l’opposition au grand jour entre notre nature d’être dociles et notre culture d’êtres libres : à peu de chose près, tel est le point où nous en sommes. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

La tension entre individu et groupe, entre soumission et autorité, est toujours présente, de manière d’autant plus forte qu’elle est constamment refoulée par le discours officiel d’égalitarisme et de libéralisme prôné par la société Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

 

L’absence d’autorité éloigne l’individu de la zone de confort programmée par l’évolution, et réveille les réminiscences du danger inhérent à la désorganisation Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’autonomisation de l’esprit humain, qui est le nouvel étalon du juste fonctionnement d’une société, a corrompu la vision de la triste réalité de notre effroyable docilité et de notre troublant conformisme, qui nous apparaissent comme des caractères profondément méprisables aujourd’hui alors que ce sont ces mêmes qualités – les mêmes que celles d’un Eichmann, d’un Sanson ou de tous les bourreaux du monde – qui ont assuré à notre espèce sa survie jusqu’à ce jour et sa domination de la planète et de ses éléments. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’autorité n’a nullement disparu, elle est canalisée au profit d’un Tiers auquel l’individu va librement se soumettre. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Nous nous trouvons in fine en face d’un beau face-à-face entre nature et culture au sens de Freud ; des pulsions humaines poussant à l’obéissance, profondément ancrées par l’évolution, se heurtent à une culture – au sens freudien, c’est-à-dire une civilisation – promouvant depuis la modernité et les Lumières l’autonomie de la volonté, le caractère essentialiste de la liberté et la légitimité de refuser tout pouvoir injuste ou illégitime. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’homme n’est pas libre naturellement, il a passé la quasi-totalité de son évolution à évoluer dans des groupes hiérarchiques où il a accepté la domination des plus forts par nécessité de survivre. La liberté qu’il a conquise avec tant de fierté est un objet laborieux à conserver et à valoriser parce qu’il ne correspond pas à sa nature propre, avide d’instincts grégaires et d’envies refoulées de confort du troupeau. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’individu retrouve sa zone de confort dans le conformisme davantage que dans la rébellion ; dans le groupe davantage que dans la solitude ; dans l’obéissance davantage que dans la confrontation. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Lorsqu’on raconte l’expérience Milgram in abstracto en faculté ou en conférence, ou qu’on disserte en repas de famille sur l’attitude qu’on aurait eue durant l’Occupation, la plupart des gens décriront la seule conduite personnelle admissible dans de telles situations comme la résistance, même passive. Hélas, « dans une situation réelle, les valeurs individuelles ne sont pas les seules forces impliquées14 ».

Le libre arbitre lui-même. La liberté de penser est, aujourd’hui, au cœur de l’identité occidentale. Elle en constitue même une donnée performative : en marge des questionnements scientifiques qui y président, et qui peuvent le relativiser ou le valider, le libre arbitre constitue un élément culturel constitutif de l’identité de l’homme moderne, sur un registre d’existence par affirmation. Le libre arbitre est donc, en plus d’être une question scientifique et philosophique, une question politique. La liberté d’expression est devenue l’orgueil de la démocratie, son objet le plus indiscutable et sa dernière certitude. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

 

Si l’homme dispose certes d’une marge de libre arbitre sur ses décisions, il est toutefois fortement déterminé par les contraintes inhérentes à la physique de son cerveau, et n’est sans doute pas aussi maître de ce qu’il pense que les traditions philosophiques de la modernité faisant l’exégèse de la volonté ou de l’imagination l’avaient espéré. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Pour Spinoza, le libre arbitre est une totale illusion, qui a pour origine le fait que si l’homme a certes conscience de ses actions, il n’a pas accès à la connaissance des causes qui le déterminent à agir. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Il est donc impossible d’établir un lien direct entre le concept originel et empirique de la liberté, qui ne se rapporte qu’à la puissance d’agir, et le concept du libre arbitre, qui se rapporte uniquement à la puissance du vouloir1. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Ne peux choisir que ce qu’aura décidé ma volonté ; pour choisir autrement, il faudrait que je sois un autre. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Il y a des idées, des tendances dont l’homme n’est que le simple spectateur, et donc il se convainc a posteriori qu’il a fait des choix qui lui sont propres. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Je peux faire ce que je veux ; je peux, si je veux, donner aux pauvres tout ce que je possède, et devenir pauvre moi-même – si je veux ! – Mais il n’est pas en mon pouvoir de le vouloir, parce que les motifs opposés ont sur moi beaucoup trop d’empire. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Nous aimons l’idée d’attribuer à tel individu telle idée (ou telle religion, culture, idéologie), car cela nous permet de le situer « d’où il parle », par exemple en le situant politiquement ou idéologiquement. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Toutes les conclusions tirées de l’expérience sont des effets de l’accoutumance, et non des produits de la raison […]Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

C’est le cerveau humain qui lie des causes à des effets et les place en trame de récits. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’expérience est une lampe que nous portons dans le dos et qui n’éclaire que le chemin déjà parcouru. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’évolution a ancré en nous un besoin et une compétence d’anticipation des événements ; dans en même temps, elle a aussi favorisé les réflexes de survie. La difficulté est de saisir à sa juste mesure cet étonnant paradoxe : la nature nous a appris concomitamment à réfléchir et à ne pas réfléchir. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Refuser de voir que la survie est le produit de la chance et que, naturellement, seuls ceux qui ont survécu sont en position de produire un récit invoquant la providence qui les a sauvés, provient de notre refus d’accepter les hasards quand ils nous ont choisis nous-mêmes comme bénéficiaires, en refoulant l’immense part d’aléatoire nécessaire pour que ce que nous nommons des « coïncidences » puisse advenir. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Quand nous parlons de quelqu’un, nous ne parlons pas de ses neurones ou de ses connexions ; nous en parlons comme d’une unité, une personnalité, et nous nous pensons nous-mêmes comme les grands metteurs en scène de nos vies, comme le cœur d’une machine, certes complexes, mais avec un centre de décision unique. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Les neurosciences prennent irrésistiblement le relais de la philosophie et de la psychologie sociale sur le chemin difficile de la détermination de la conscience. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Schéma causal « je décide quelque chose, puis j’agis », véhiculé par le dualisme cartésien classique, n’a rien d’évident. Ce dualisme entre corps et esprit, fondateur de la modernité, a vocation à être dépassé. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Comment, par exemple, se représenter la peur sans le cœur qui palpite, les suées froides ou la transpiration, ou une pression qui prend la gorge ou l’estomac ? Si je retranche de la peur l’ensemble des caractéristiques physiques par lesquelles elle se manifeste, il n’en restera tout simplement rien. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Pour assurer la survie du corps le mieux possible, je suggère que la nature a trouvé par hasard une solution extrêmement efficace : représenter le monde extérieur par le biais des modifications que celui-ci provoque dans le corps proprement dit, c’est-à-dire représenter l’environnement en modifiant les représentations fondamentales du corps chaque fois que prend place une interaction entre l’organisme et l’environnement Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Autrement dit, la conscience n’est que la représentation continuellement actualisée de mon corps à l’intérieur de mon cerveau, et non celle de mon cerveau à l’intérieur de mon corps. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

La conscience de soi serait donc le fruit d’un positionnement que l’esprit établit de lui-même dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace par le biais des marqueurs somatiques qui relient physiquement le cerveau avec les émotions du corps, qui nous connectent avec les anticipations prévisibles de nos actions, donc à notre expérience ; dans le temps par l’accumulation des représentations corporelles, qui forme l’impression de constance de notre conscience. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Notre cerveau est conçu pour affabuler – et cette affabulation n’est pas seulement la source de notre amour des romans de gare, des biographies ou des séries télévisées : elle est aussi la condition de survie de notre être-au-monde suspendu entre deux chaos. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

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Une information prédictive est présente dans le cerveau du sujet jusqu’à 7 secondes avant l’acte moteur Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Hypothèse que la conscience fonctionne en reconstruisant après coup les causes de nos actions. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Il y a bel et bien un « moi » qui est à l’origine de l’action, mais il ne prend pas la forme que nous nommons « conscience ». Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Le problème est toujours le même : comment passer de la multiplicité de nos états mentaux, de notre mémoire, à l’unicité qui nous paraît si évidente Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Ce “vous” dont vous êtes si fier est une histoire tissée par votre module interprète pour rendre compte au maximum de votre comportement, et qui nie ou rationalise le reste. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Freud correctement, c’est-à-dire en suggérant que lorsqu’il nous parle d’inconscient, il nous parle de la conscience se narrant elle-même, Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Nous ne cessons de reraconter les événements passés à la lumière de ce qui nous paraît leur conférer après coup un sens logique73. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Nous autres, membres de la variété humaine des primates, avons un besoin dévorant de règles parce qu’il nous faut réduire la dimension des choses afin qu’elles puissent entrer dans notre crâne […]. Plus l’information est aléatoire, plus la dimensionnalité est importante et par conséquent difficile à résumer. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

La conscience est donc ce produit de l’évolution qui nous permet de ne pas nous diluer dans le présent, et d’ancrer notre action sur une ligne du temps intégrant passé et avenir : la conscience « nous permet de relier les événements à travers le temps plutôt que de vivre dans l’instant,

Roman, histoire, mythe ou conte… tous quatre ont la même fonction, écrit Taleb : ils nous évitent d’être confrontés à la complexité du monde et nous protègent du hasard. Les mythes mettent de l’ordre dans le désordre de la perception humaine et ce que nous ressentons comme le “chaos de l’expérience humaine”79. » Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Le cerveau lui-même se comporte comme une vaste institution dont l’effectif approche la centaine de milliards de neurones. Il lui faut donc, lui aussi, des notes de synthèse. Le rôle de la conscience semble être de simplifier la perception de l’environnement, en n’en proposant qu’un résumé pertinent, qui est transmis à toutes les autres aires impliquées dans la mémoire, la décision et l’action Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

La crainte des citoyens de voir leur univers changer sur ses bases atteste d’un sentiment de dissolution d’Ego. Celui-ci est généralement imputé à un bouc émissaire commode : une époque dérégulatrice marquée par la mondialisation, le désordre, les flux migratoires, la fin des traditions.

La perception qui fait de l’histoire une linéarité et des cultures des blocs homogènes est, elle aussi, une construction. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

C’est le flux qui forge et constitue les hommes, combien tout est métissage déjà autour d’eux – y compris une langue ou une couleur de peau. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Les idéologies de la cohérence, elles, refusent l’idée du flux inhérent au fleuve d’Héraclite, et se basent sur l’idée, contrairement au citoyen d’Éphèse, qu’il est bel et bien possible de se baigner deux fois dans le même fleuve – c’est-à-dire de forger la réalité selon un modèle préétabli, généralement disponible dans un livre sacré ou un petit livre rouge. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

La seconde partie du XXe siècle était l’espace-temps d’un pari : celui de la réconciliation vertueuse des deux branches ennemies des Lumières que sont l’idéalisme et le libéralisme. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Ni les valeurs ni la consommation ne semblent suffire à produire des contenus pouvant valablement se substituer aux identités. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

La liberté est bien laborieuse à exercer, parce qu’elle met en demeure les individus de s’inventer leur propre histoire et de l’accrocher eux-mêmes au fil de la grande histoire collective, et que cela est laborieux, voire ingérable. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Liberté une fois conquise, l’homme ne sait plus quoi en faire, et il n’en mesure la réalité et la consistance qu’une fois celle-ci attaquée. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Jaune surlignement | Emplacement: 1,103

Esprits terroristes ayant embrassé de toutes leurs forces une vision anti-héraclitéenne du monde : en opposition au célèbre extrait des Fragments d’Héraclite d’Éphèse, selon lequel « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », campant l’image du flux continu de toute chose, il est au contraire pour de tels fanatiques bel et bien possible de se baigner deux fois dans le même cours d’eau, c’est-à-dire de rendre la réalité conforme à un récit d’homogénéité à atteindre au bout d’un combat nécessairement destructeur. Pour de tels esprits, le besoin de cohérence du cerveau humain face au chaos (développé, comme on l’a vu, par l’évolution) doit devenir une cohérence réelle à imposer au monde. Pour eux, il existe une dynamique à l’œuvre dans les rouages de l’univers, il y a des amis et des ennemis, il y a un « nous » et un « eux » – en l’occurrence, pensent-ils, l’Islam et l’Occident sont ennemis et l’un des deux doit disparaître. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Que le pouvoir d’achat et l’identité se soient hissés comme enjeux politiques et électoraux prépondérants démontre la fragilité irrémédiable des démocraties, dont les valeurs ne suffisent pas à générer la force et la consistance pour s’imposer sans conteste. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Car ce que veut réellement l’individu, au-delà de ses besoins primaires, ce n’est ni être seul, ni se fondre dans le groupe : c’est appartenir à un groupe au sein duquel il peut identifier la plus-value qu’il y représente Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Internet, malgré toute sa richesse, est avant tout une machine qui sert à trouver ce que l’on cherche et à s’abreuver de certitudes. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Accepter que la liberté d’expression est la condition de la liberté de conviction et non l’inverse. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

La modernité se retrouve bel et bien face à un pari risqué, en tant que démocratie ouverte, libre marché des idées, où les marchands de pureté semblent plus attractifs que les marchands de nuance. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Nous existons et sommes conscients de nous-mêmes parce que notre cerveau nous apprend à offrir du sens à nos actions, a priori et a posteriori. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter », selon Kant. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Par nature, l’homme éprouve de sérieuses difficultés à penser le chaos, y compris celui dont il est issu. L’écrasante partie du temps, il l’élude en s’inventant des dieux ou des forces de la nature. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

L’être humain affectionne les récits parce qu’ils ont un début, une fin et donc un sens. Nous ne sommes pas faits pour porter le chaos en nous, pour digérer notre commensurabilité mentale sans tenter de l’ordonner en permanence. Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

Notre véritable liberté, comme l’avaient deviné Spinoza et Schopenhauer, ne réside pas dans un investissement démesuré dans un libre arbitre célébré comme la plus grande conquête de l’humanité ; Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet, Lost Ego: La tragédie du « je suis », François de Smet,

 

dimanche 1 août 2021

Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb, Dunod

 

Une brève histoire du cerveau, - T -, Matthew Cobb, Dunod

Nous ne comprenons pas clairement, même si nous avons quelques idées à ce sujet, comment des milliards, des millions, des milliers ou même des dizaines de neurones travaillent ensemble pour produire l’activité cérébrale. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb,

A travers les siècles, chaque nouvelle couche de métaphore technologique est venue ajouter quelque chose à notre compréhension, en permettant de concevoir de nouvelles expériences et de réinterpréter les anciennes. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Les cerveaux, contrairement aux machines, n’ont pas été conçus. Aucun plan n’a été dressé. Ce sont des organes qui ont évolué depuis plus de cinq cents millions d’années, et il n’y a donc que très peu, voire aucune, raison de s’attendre à ce qu’ils fonctionnent comme les machines de notre invention. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Les meilleurs spécialistes de l’apprentissage profond – le domaine le plus dynamique et le plus étonnant de l’informatique actuelle – reconnaissent bien volontiers qu’ils ne comprennent pas comment leurs programmes font ce qu’ils font. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

L’histoire des sciences diffère d’autres types d’histoires car la science est en général cumulative. Chaque étape se construit à partir des savoirs existants, les intégrant, les rejetant ou les transformant. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Les idées d’autrefois n’étaient pas perçues comme des étapes qui mènent aux idées d’aujourd’hui. C’étaient des idées à part entière, dans toute leur complexité et leur obscurité. Toute idée, même celle qui semble aujourd’hui la plus dépassée, a un jour été nouvelle, excitante, moderne. Nous pouvons sourire des idées étranges du passé, mais la condescendance n’est pas de mise. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Nous ne devons jamais juger stupides les idées du passé, ou ceux qui y adhéraient. Un jour, nous appartiendrons au passé, et nos idées apparaîtront certainement bizarres ou ridicules à nos descendants. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Le cœur change de rythme quand nos sentiments changent. Des émotions violentes, comme la colère, le désir sexuel ou la peur modifient même plusieurs organes, saisissant tout le corps jusqu’à modifier nos pensées comme si elles étaient véhiculées par le sang. C’est pourquoi des expressions anciennes comme « du fond du cœur » et d’autres du même genre sont si fréquentes. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Une sorte de brouillard religieux marqué par le dogmatisme des théologiens s’abattit sur les sciences expérimentales, et en particulier l’anatomie. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Dans ce monde d’avant l’imprimerie, les idées s’échangeaient lentement. Les preuves continuaient à être cherchées dans les textes, à commencer par la Bible, ceux des Anciens et tout le corpus théologique de Thomas d’Aquin et autres pères de l’Église. La foi religieuse restait l’essence de la connaissance et structurait la vie intellectuelle européenne. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Les traductions de la Bible en langues vernaculaire et l’essor du protestantisme nourrirent l’idée que la connaissance du monde peut provenir des individus eux-mêmes, et non nécessairement des autorités, en particulier celle des Anciens. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Le système nerveux des animaux fonctionne avec un réel système de communication électro-télégraphique. Ce qui est vu, entendu ou ressenti est télégraphié au cerveau […] et détermine, après intégration dans le circuit de l’ensemble des expériences antérieures, l’action à mener. » Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Toute idée ou toute action du cerveau peut in fine être comprise comme l’action d’une certaine combinaison de fibres nerveuses ». Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Pour Gall, les facultés de l’esprit sont innées et intangibles. En cela, elles peuvent donner, lorsqu’elles sont exprimées avec excès des comportements répréhensibles, comme la luxure, la violence ou la tromperie, ce qui montre l’importance cruciale de la religion pour les maintenir à leur juste niveau Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Comment ces processus physiques sont-ils reliés aux états de conscience ? » Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

L’approche de Darwin selon laquelle il n’y a aucune limite claire entre animaux et humains : Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

La volonté n’est pas la cause d’un acte volontaire, mais la traduction de cet état du cerveau qui engendre l’acte ». Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Alors que tous pensent être doués de volonté, Huxley affirmait que le libre arbitre, entendu comme faculté de considérer différentes alternatives et de choisir entre elles, n’est qu’une illusion. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Ce n’est pas parce qu’un phénomène reste incompréhensible qu’il le sera toujours. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

La cause initiale de toute action est à chercher dans la stimulation sensorielle externe, sans laquelle la pensée est inconcevable. » Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Le haschich et l’alcool entraîneraient ainsi une « exaltation apparente de certaines facultés devant être interprétée comme la levée de certains contrôles plus que comme une stimulation desdites facultés » Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Dans sa Critique de la raison pure, publiée en 1787, Kant soutient que certains aspects de notre perception sont innés, en ce sens qu’ils ne dépendent pas de l’expérience. Même s’il s’intéressait surtout à l’espace, au temps, et au jugement moral, Kant avait bien identifié un aspect crucial de notre interaction avec notre environnement. Nos sens ne sont pas des valves ouvertes qui font entrer tous les stimuli dans nos cerveaux. Au contraire, nous ne percevons que certaines fractions de notre environnement. Un exemple trivial en est que nous sommes incapables de percevoir la lumière ultraviolette, alors que d’autres animaux comme les insectes ou les oiseaux le peuvent. D’autres filtres plus complexes existent aussi dans nos cerveaux. De nombreux scientifiques se réfèrent ainsi à ce qu’ils appellent dans leur jargon « la synthèse a priori kantienne », à savoir que notre système nerveux possède un dispositif cognitif inné qui filtre et traite les informations sensorielles brutes pour produire une image du monde Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

La théorie cellulaire est l’une des plus grandes avancées scientifiques du XIXe siècle. En montrant que tous les organismes sont constitués de cellules, et qu’une cellule provient toujours d’une autre cellule, elle implique aussi que la vie ne peut apparaître spontanément. Avec la cellule, la biologie avait découvert sa particule élémentaire. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Des souvenirs qui appartiennent clairement à la mémoire du patient peuvent être forcés à revenir à la surface par la stimulation électrique Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Lorsque nous sommes attentifs à ce que nous vivons, soutenait-il, nous « enregistrons simultanément tout cela dans le cortex temporal »5. Cet enregistrement, contenant tant les stimuli visuels qu’auditifs, serait selon lui conservé au centre du cerveau dans une région connectée au cortex par un ensemble complexe de fibres nerveuses. Lors d’une stimulation, les influx représentant la sensation « passent dans le sens inverse de celui qui a créé cette trame ». Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Nos souvenirs ne permettent pas de revoir seconde par seconde un évènement. Ils sont bien plus vagues, et construits par le cerveau qui y introduit de faux éléments, ou des éléments qu’il déduit du contexte. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Une démonstration que le cerveau contient une carte précise du corps et un système efficace de stockage de la mémoire d’évènements très précis.

L’esprit comme un simple produit de l’activité du cerveau. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Que nous échouions à résoudre un problème ne le rend pas insoluble. Il est logiquement impossible d’être déterministe en physique, en chimie et en biologie, et d’être mystique en psychologie Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Le cerveau crée quelque chose de bien plus riche qu’une simple carte spatiale, et les cellules de localisation ou de grille font plus que de fournir un genre de GP. S. biologique. Des informations cognitives relatives à l’odorat, au toucher, à la vision, mais aussi au temps ou à l’existence d’une récompense sont également intégrées à leur activité Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Les neurosciences manquent toujours d’un cadre théorique permettant de transformer les données sur le cerveau en une connaissance et une compréhension fondamentale »2. Notre compréhension du cerveau semble enfoncée dans une impasse. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Les big data ne forment pas du savoir . Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Préférer ceux qui testent une hypothèse plutôt que ceux qui accumulent des données. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Le cerveau est une structure intégrée et évoluée, formée de différentes parties apparues à différents moments de l’évolution et adaptée à résoudre des problèmes différents. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Le cerveau ne représente pas l’information, mais la construit. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Les neurones et les phénomènes qu’ils produisent, donc la conscience, sont une seule et même chose, alors que dans un ordinateur les logiciels sont distincts du disque dur. Imaginer que l’on puisse réinitialiser notre système nerveux pour y faire tourner différents programmes, ou charger notre esprit sur un serveur, peut sembler scientifique, mais relève en fait d’une approche non matérialiste Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Les ordinateurs sont des architectures systématiques qui reçoivent des entrées, les codent, manipulent l’information, et produisent des sorties. C’est, pour autant que nous y comprenions quelque chose, exactement ce que fait le cerveau. La bonne question n’est pas de se demander si le cerveau est un système de traitement de l’information en soi, mais plutôt comment il stocke et traite l’information, et quelle opération il lui fait subir après l’avoir codée. » Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Simuler le cerveau dans un genre de tube à essais – ce qui est au fond ce que fait le Projet cerveau humain – prive le système d’un de ses composants essentiels, les entrées du monde extérieur. Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb

Pour comprendre véritablement une émotion, elle doit être étudiée dans le contexte d’un organisme entier, lui-même interagissant avec le monde extérieur Une brève histoire du cerveau, Matthew Cobb