Plotin, Œuvres complètes: Les Ennéades
Les passions sont des manières de sentir ou
que du moins elles ne sauraient exister sans la sensation[.Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
C’est le propre d’un principe immortel et
incorruptible que d’être impassible et de donner à autrui sans en rien
recevoir, ou du moins de ne rien tenir que de principes supérieurs. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Un être simple par essence se suffit à lui
même tant qu’il reste dans sa nature. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
On ne saurait non plus attribuer à l’âme
pure la sensation, ni le raisonnement, ni l’opinion : le raisonnement est
l’opération propre de l’âme. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Nous participons de l’essence de l’Âme
universelle, essence qui, comme le dit Platon[36], est indivisible parce
qu’elle fait partie du monde intelligible, et divisible par rapport aux corps.
En effet, elle est divisible relativement aux corps, puisqu’elle se répand dans
toute l’étendue de chacun d’eux tant qu’ils vivent ; mais en même temps
elle est indivisible, parce qu’elle est une dans l’univers ; elle paraît
être présente aux corps, elle les illumine ; elle en forme des êtres
vivants, non en faisant un composé du corps et de sa propre essence, mais en
restant identique ; elle produit en chacun d’eux des images
d’elle-même[37], comme le visage se réfléchit dans plusieurs miroirs. Cette
mesure, qu’elles donnent à notre âme comme une forme à une matière, ressemble à
la mesure des choses intelligibles[5] ; c’est comme un vestige de ce qu’il
y a là-haut de plus parfait. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’âme est mauvaise tant qu’elle est mêlée au
corps, qu’elle partage ses passions, ses opinions ; elle ne devient
meilleure et n’entre en possession de la vertu, que lorsqu’au lieu d’opiner
avec le corps, elle pense par elle-même (ce qui est la vraie pensée et
constitue la prudence), lorsqu’elle cesse de partager ses passions (ce qui est
la tempérance), qu’elle ne craint pas d’être séparée du corps (ce qui est le
courage), lorsqu’enfin la raison et l’intelligence commandent et sont obéies
(ce qui est la justice). Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Quiconque possède les vertus de l’ordre
supérieur possède nécessairement en puissance les vertus inférieures. Mais
celui qui possède les inférieures ne possède pas nécessairement les
supérieures. Tels sont les principaux caractères de la vie de l’homme vertueux.
Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
En certaines circonstances, l’homme vertueux
se servira-t-il dans ses actions de quelques–unes des vertus inférieures [des
vertus civiles] ; mais [alors même], s’élevant à des vertus d’un ordre
supérieur, il se créera d’après elles d’autres règles. Par exemple, il ne fera
pas consister la tempérance seulement à être modéré, mais il cherchera à se
séparer de plus en plus de la matière ; il ne se contentera pas de mener
la vie de l’homme de bien, telle que l’exige la vertu civile : il aspirera
plus haut encore, il aspirera à la vie des dieux. C’est à eux, et non pas seulement
aux hommes de bien, qu’il faut devenir semblable. Chercher seulement à devenir
semblable aux hommes de bien, ce serait faire une image en se bornant à la
rendre semblable à une autre image qui aurait été faite d’après le même modèle.
L’assimilation que nous prescrivons ici consiste à prendre pour modèle un être
supérieur. Plotin, Oeuvres complètes: Les
Ennéades
VI. La dialectique n’est donc qu’une partie
de la philosophie, mais elle en est la partie la plus éminente. En effet, la
philosophie a d’autres branches. D’abord, elle étudie la nature [Physique][11],
et pour cela elle emprunte le secours de la dialectique comme les autres arts
celui de l’arithmétique, quoique la philosophie doive bien plus à la
dialectique. Ensuite, la philosophie traite des mœurs : ici encore, c’est
la dialectique qui pose les principes ; la Morale n’a plus qu’à en faire
naître les bonnes habitudes et à conseiller les exercices qui les engendrent.
Il en est de même des vertus rationnelles[12] : c’est à la dialectique
qu’elles doivent les principes qui semblent leur appartenir en propre ;
car le plus souvent elles s’occupent des choses matérielles [parce qu’elles
modèrent les passions]. Les autres vertus[13] impliquent aussi l’application de
la raison aux passions et aux actions qui sont propres à chacune d’elles ;
seulement la prudence y applique la raison d’une manière supérieure : elle
s’occupe plus de l’universel ; elle considère si les vertus s’enchaînent
les unes aux autres, s’il faut faire présentement une action, ou la différer,
ou en choisir une autre[14]. Or, c’est la dialectique, c’est la science qu’elle
donne, la sagesse, qui fournit à la prudence, sous une forme générale et
immatérielle, tous les principes dont celle-ci a besoin. Ne pourrait-on sans la
dialectique, sans la sagesse, posséder même les connaissances
inférieures ? Elles seraient du moins imparfaites et mutilées. D’un autre
côté, bien que le dialecticien, le vrai sage n’ait plus besoin de ces choses
inférieures, il ne serait jamais devenu tel sans elles ; elles doivent
précéder, et elles s’augmentent avec le progrès qu’on fait dans la dialectique.
Il en est de même pour les vertus : on peut posséder d’abord les vertus
naturelles, puis s’élever, avec le secours de la sagesse, aux vertus parfaites.
La sagesse ne vient donc qu’après les vertus naturelles ; alors elle
perfectionne les mœurs ; ou plutôt, lorsque les vertus naturelles existent
déjà, elles s’accroissent et se perfectionnent avec elle. Du reste, celle de
ces deux choses qui précède donne à l’autre son complément. En général, avec
les vertus naturelles, on n’a qu’une vue [une science] imparfaite et des mœurs
également imparfaites, et ce qu’il y a de plus important pour les
perfectionner, c’est la connaissance philosophique des principes d’où elles dépendent.
Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’Homme a la vie parfaite quand il possède,
outre la vie sensitive, la raison et la véritable intelligence. . Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Ce qui prouve que l’homme parvenu à la vie
parfaite possède le bonheur, c’est que dans cet état il ne désire plus rien.
Que pourrait-il désirer ? Il ne saurait désirer rien d’inférieur : il
est uni à ce qu’il y a de meilleur ; il a donc la plénitude de la vie. Son
bonheur ne diminuera donc pas dans l’adversité, parce qu’il continue à posséder
la vie véritable. S’il perd des parents, des amis, il sait ce que c’est que la
mort, et d’ailleurs, ceux qu’elle frappe le savent aussi s’ils sont vertueux.
Si le sort de ces parents, de ces amis l’afflige, l’affliction n’atteindra pas
la partie intime de son être ; elle ne se fera sentir qu’à cette partie de
l’âme qui est privée de raison et dont il ne partagera pas les souffrances. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Le sage ne sera donc pas malheureux à cause
de la folie des siens ; il ne fera pas dépendre son sort du bonheur ou du
malheur d’autrui. . Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
S’il se portait bien, s’il était beau, mais
sans le sentir, en serait-il moins bien portant, moins beau ? De même,
s’il était sage sans le sentir, il n’en serait pas moins sage. Du reste, cette
activité n’est ignorée que d’une partie de lui-même et non de lui. tout entier.
. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Quand la force végétative[20] s’exerce, la
perception de son activité n’est pas transmise par la sensibilité au reste de
l’homme. . Plotin, Oeuvres complètes: Les
Ennéades
Si c’était la force végétative qui
constituât notre personne, nous agirions dès qu’elle agit ; mais ce n’est
pas elle qui nous constitue : nous sommes l’acte du principe intellectuel,
et c’est pour cela que nous agissons quand ce principe agit. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Si le miroir est placé en face de l’objet,
il se forme une image, et que, si le miroir est éloigné ou qu’il soit mal
disposé, il n’y a plus d’image bien que l’objet lumineux continue d’agir. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Celui qui exécute un acte de courage ne
pense pas non plus, pendant qu’il agit, qu’il agit avec courage. Il en est de
même dans une foule d’autres cas ; de sorte qu’il semble que la conscience
qu’on a d’un acte en affaiblisse l’énergie, et que, quand l’acte est seul [sans
conscience], il soit dans son état de pureté et ait plus de force et de vie. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Si l’on réclame des plaisirs pour l’homme
vertueux, ce ne sont pas sans doute ceux que recherchent les débauchés ni ceux
qu’éprouve le corps. Ces plaisirs ne pourraient lui être accordés sans souiller
sa félicité. On ne demande pas non plus sans doute pour lui des excès de
foie : à quoi bon en effet ? Sans doute on veut seulement que l’homme
vertueux goûte les plaisirs attachés à la présence des biens, plaisirs qui ne
doivent ni consister dans le mouvement, ni être accidentels : or il jouit
de la présence de ces biens, puisqu’il est présent à lui-même ; est dès
lors dans un état de douce sérénité. L’homme vertueux est donc toujours serein,
calme, satisfait ; s’il est vraiment vertueux, son état ne peut être
troublé par aucune de ces choses que nous appelons des maux. Si l’on cherche
une autre espèce de plaisirs dans la vie vertueuse, c’est qu’un cherche autre
chose que la vie vertueuse. XIII. Les actions de l’homme vertueux ne sauraient
être entravées par la fortune, mais elles pourront varier avec les vicissitudes
de la fortune. Toutes seront également belles, et d’autant plus belles
peut-être que l’homme vertueux se trouvera placé dans des circonstances plus
critiques. Quant aux actes qui concernent la contemplation, s’il en est qui se
rapportent à des choses particulières, ils seront tels que le sage pourra les
produire après avoir bien cherché et considéré ce qu’il doit faire. Il trouve
en lui-même la plus infaillible des règles de conduite, une règle, qui ne lui
fera jamais défaut. . Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
On doit regarder comme laid tout objet qui
n’est pas entièrement sous l’empire d’une forme et d’une raison, la matière ne
pouvant pas recevoir parfaitement la forme [que l’âme lui donne]. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Les corps deviennent beaux par leur
participation à une raison (κοινωνίᾳ λόγου) qui leur vient de Dieu. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Comment, par exemple, l’architecte peut-il
juger beau un édifice placé devant ses yeux en le comparant avec l’idée qu’il
en a en lui ? . Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Quand les sens aperçoivent dans un objet la
forme qui enchaîne, unit et maîtrise une substance sans forme et par conséquent
d’une nature contraire à la sienne, qu’ils voient une figure qui se distingue
des autres figures par son élégance, alors l’âme, réunissant ces éléments
multiples, les rapproche, les compare à la forme indivisible qu’elle porte en
elle-même, et prononce leur accord, leur affinité et leur sympathie avec ce
type intérieur. . Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
L’homme de bien, apercevant dans un jeune
homme le caractère de la vertu, en est agréablement frappé, parce qu’il le
trouve en harmonie avec le vrai type de la vertu qu’il a en lui. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Quel est donc cet objet qui vous cause ces
émotions ? Ce n’est ni une figure, ni une couleur, ni une grandeur
quelconque ; c’est cette âme invisible [sans couleur], qui possède une
sagesse également invisible, cette âme en qui on voit briller la splendeur de
toutes les vertus, quand on découvre en soi ou que l’on contemple chez les
autres la grandeur du caractère, la justice du cœur[11], la pure tempérance, la
valeur à la figure imposante, la dignité et la pudeur à la démarche ferme,
calme, imperturbable, et par dessus tout l’intelligence, semblable à Dieu et
éclatante de lumière. . Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
L’âme, affranchie des passions qu’engendre
son commerce avec le corps quand elle se livre trop à lui, délivrée des
impressions extérieures, purifiée des souillures qu’elle contracte par son
alliance avec le corps, enfin réduite à elle-même, dépose cette laideur qui ne
lui vient que d’une nature étrangère à la sienne. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
lLe courage, la tempérance, toutes les vertus,
la prudence même, ne sont qu’une purification. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’âme purifiée devient une forme, une raison,
une essence incorporelle, intellectuelle ; elle appartient tout entière à
la divinité, en qui se trouve la source du beau et de toutes les qualités qui
ont de l’affinité avec lui. . Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
VIII. Comment faut-il s’y prendre, que
faut-il faire pour arriver à contempler cette Beauté ineffable, qui, comme la
divinité dans les mystères, reste cachée au fond d’un sanctuaire et ne se
montre pas au dehors, pour ne pas être aperçue des profanes ? Qu’il
s’avance dans ce sanctuaire, qu’il y pénètre, celui qui en a la force, en
fermant les yeux au Spectacle des choses terrestres, et sans jeter un regard en
arrière sur les corps dont les grâces le charmaient jadis. S’il aperçoit encore
des beautés corporelles, il doit ne plus courir vers elles, mais, sachant
qu’elles ne sont que des images, des vestiges et des ombres d’un principe
supérieur, il les fuira pour Celui dont elles ne sont que le reflet. Celui qui
se laisserait égarer à la poursuite de ces vains fantômes, les prenant pour la
réalité, n’aurait qu’une image aussi fugitive que la forme mobile reflétée par
les eaux, et ressemblerait à cet insensé qui, voulant saisir cette image,
disparut lui-même, dit la fable, entraîné dans le courant[25] ; de même,
celui qui voudra embrasser les beautés corporelles et ne pas s’en détacher
précipitera, non point son corps, mais son âme, dans les abîmes ténébreux,
abhorrés de l’intelligence ; il sera condamné à une cécité complète, et
sur cette terre comme dans l’enfer il ne verra que des ombres mensongères.
C’est ici réellement qu’on peut dire avec vérité : fuyons dans notre chère
patrie[26] . Plotin, Oeuvres complètes:
Les Ennéades
Rentre en toi-même et examine-toi. Si tu n’y
trouves pas encore la beauté, fais comme l’artiste qui retranche, enlève,
polit, épure, jusqu’à ce qu’il ait orné sa statue de tous les traits de la
beauté. Retranche ainsi de ton âme tout ce qui est superflu, redresse ce qui
n’est point droit, purifie et illumine ce qui est ténébreux, et ne cesse pas de
perfectionner ta statue jusqu’à ce que la vertu brille à tes yeux de sa divine
lumière, jusqu’à ce que tu voies la tempérance assise en ton sein dans sa
sainte pureté[28]. Quand tu auras acquis cette perfection, que tu la verras en
toi, que tu habiteras pur avec toi-même, que tu ne rencontreras plus en toi
aucun obstacle qui t’empêche d’être un, que rien d’étranger n’altérera plus par
son mélange la simplicité de ton essence intime, que tu ne seras plus dans ton
être tout entier qu’une lumière véritable, qui ne peut être mesurée par une
grandeur, ni circonscrite par une figure dans d’étroites limites, ni
s’accroître en étendue à l’infini, mais qui est tout à fait incommensurable
parce qu’elle échappe à toute mesure et est au-dessus de toute quantité ;
quand tu seras devenu tel, alors, puisque tu es la vue même, aie confiance en
toi, parce que tu n’as plus besoin de guide ; regarde attentivement :
car ce n’est que par l’œil qui s’ouvre alors en toi que tu peux apercevoir la
Beauté suprême. Mais si tu essaies d’attacher sur elle un œil souillé par le
vice, impur, et dépourvu d’énergie, ne pouvant supporter l’éclat d’un objet
aussi brillant, cet œil ne verra rien, quand même on lui montrerait un
spectacle naturellement facile à contempler. Il faut d’abord rendre l’organe de
la vision analogue et semblable à l’objet qu’il doit contempler[29]. Jamais
l’œil n’eût aperçu le soleil, s’il n’en avait d’abord pris la forme[30] :
de même, l’âme ne saurait voir la Beauté si d’abord elle ne devenait belle
elle-même. Tout homme doit commencer par se rendre beau et divin pour obtenir
la vue du Beau et de la Divinité. Ainsi, il s’élèvera d’abord à l’Intelligence[31],
il y contemplera la beauté de toutes les formes, et il proclamera que toute
cette beauté réside dans les idées. En effet, tout est beau en elles, parce
qu’elles sont les filles et l’essence même de l’intelligence. Au-dessus de
l’Intelligence, il rencontrera Celui que nous appelons la nature du Bien, et
qui fait rayonner autour de lui la Beauté ; en sorte que, pour nous
résumer, ce qui se présente le premier, c’est le Beau. Si l’on veut établir une
distinction dans les intelligibles, il faut dire que le Beau intelligible est
le lieu des idées, que le Bien, placé au-dessus du Beau, en est la source et le
principe ; ou bien placer dans un seul et même principe le Bien et le
Beau, mais en regardant ce principe comme le Bien d’abord, et seulement ensuite
comme le Beau[32]est un principe possédant une Beauté suprême, principe
supérieur aux choses qui sont les meilleures[7] ; il règne dans le monde
intelligible[8], étant l’Intelligence même, bien différente de ce que nous
appelons les intelligences humaines. Ces dernières en effet sont tout occupées
de propositions, discutent sur le sens des mots, raisonnent, examinent la
validité des conclusions, contemplent les choses dans leur enchaînement,
incapables qu’elles sont de posséder la vérité à priori, et vides de toute idée
avant d’avoir été instruites par l’expérience, quoiqu’elles soient cependant
des intelligences. Telle n’est pas l’Intelligence première : tout au
contraire, elle possède toutes choses ; elle est toutes choses, mais en
restant en elle-même ; elle possède toutes choses, mais sans les posséder
à la manière ordinaire], les choses qui subsistent en elle ne différant pas
d’elle et n’étant pas non plus séparées entre elles : car chacune d’elles
est toutes les autres[9], est tout et partout, quoiqu’elle ne se confonde pas
avec les autres et qu’elle en reste distincte. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Pour mieux déterminer le Mal, on peut se le
représenter comme le manque de mesure par rapport à la mesure, comme
l’indétermination par rapport au terme, comme le manque de forme par rapport au
principe créateur de la forme, comme le défaut par rapport à ce qui se suffit à
soi-même, comme l’illimitation et la mutabilité perpétuelle, enfin comme la
passivité, l’insatiabilité et l’indigence absolues[14]. Ce ne sont pas là de
simples accidents du Mal, c’est pour ainsi dire son essence même : quelque
portion du Mal qu’on examine, on y découvre tout cela. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Ce qui est le sujet de la figure, de la
forme, de la détermination, de la limitation, ce qui doit à autrui ses
ornements, mais qui n’a rien de bon par soi-même, ce qui n’est par rapport aux
êtres véritables qu’une vaine image, en un mot l’essence du Mal, s’il peut y
avoir une telle essence, voilà ce que la raison nous oblige à reconnaître pour
le Premier mal, le Mal en soi. . Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Le ciel est pur de tout mal parce qu’il se
meut éternellement avec régularité, dans un ordre parfait, parce que dans les
astres il n’y a ni injustice ni aucune autre espèce de mal, qu’ils ne se
nuisent pas réciproquement dans leur cours et qu’à leurs révolutions préside la
plus belle harmonie ; tandis que la terre offre le spectacle de
l’injustice, du désordre, parce que notre nature est mortelle et que nous habitons
un lieu inférieur. . Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Le Mal est nécessaire parce qu’il faut que
le Bien ait son contraire. . Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
La vertu, sans être le Bien en soi, est un
bien cependant, un bien qui nous fait dominer la matière. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Puisque le Bien ne reste pas seul, il est
nécessaire que le Mal existe par l’éloignement du Bien (τῇ ἐϰϐάσει τῇ παρ’
αὐτὸ) [c’est-à-dire par l’infériorité relative des êtres qui, procédant les uns
des autres, s’éloignent de plus en plus du Bien]. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Comme le feu séparé de la matière ne brûle
pas, aucune forme, lorsqu’elle reste en elle-même, ne fait ce qu’elle fait
quand elle est dans la matière. . Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
En un mot, le premier mal, c’est ce qui par
soi-même manque de mesure ; le second, c’est ce qui tombe dans la défaut
de mesure par accident, soit par assimilation, soit par participation. . Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
De même que nos membres sont des parties de
notre corps, nous sommes nous-mêmes des parties de l’univers. Les choses sont
donc faites les unes pour les autres. Tout est plein de signes, et le sage peut
conclure une chose d’une autre. Aussi beaucoup de faits habituels sont-ils
prévus par tous les hommes. Tout est coordonné dans l’univers (σύνταξις
μία)[25]. C’est en vertu de cette coordination que les oiseaux fournissent des
auspices, que les autres animaux nous donnent des présages. Toutes choses
dépendent mutuellement l’une de l’autre. Tout conspire à un but unique
(σύμπνοια μία[26]) non seulement dans chaque individu, dont les parties sont
parfaitement liées ensemble, mais, antérieurement et à un plus haut degré, dans
l’univers. . Plotin, Oeuvres complètes:
Les Ennéades
lLÂme, comprenant ou prévoyant les effets de
ses œuvres, détermine et enchaîne par eux toutes les choses qui doivent
arriver ; elle considère donc les antécédents et les conséquents, et,
d’après ce qui précède, prévoit ce qui doit suivre[74]. C’est [parce que les
êtres procèdent ainsi les uns des autres] que les races s’abâtardissent
continuellement : par exemple, les hommes dégénèrent parce qu’en
s’éloignant continuellement et nécessairement [du type primitif] les raisons [séminales]
cèdent aux passions de la matière[75]. . Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Plotin explique la génération des êtres par
une irradiation. Il représente habituellement le principe suprême des choses
comme un foyer de lumière duquel émanent éternellement, sans l’épuiser, des
rayons par lesquels il manifeste sa présence sur tous les points de l’infini.
Cette lumière n’est autre chose que l’Intelligence divine, comme Plotin le dit
dans le livre suivant (§ 5). Le foyer dont elle découle sans interruption,
c’est l’Un, au sein duquel l’existence et la pensée se confondent, et qui
manifeste sa puissance par l’ensemble des êtres qui lui doivent la vie (liv.
IV, § 13 ; liv. IX, § 9). Voici comment Plotin s’exprime à ce sujet dans
un passage analogue à celui qui termine ici le § 18 : «
L’Intelligence est le Soleil qui brille là-haut. Considérons-le comme le modèle
de la Raison. Plotin, Oeuvres complètes:
Les Ennéades
La forme des objets sensibles n’étant qu’une
image, leur matière n’est également qu’une image. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Il
est impossible qu’il existe quelque chose sans l’intelligence et l’âme, Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
En entrant dans la matière, la quantité
l’étend-elle pour lui donner la grandeur ? Nullement : la matière
n’avait pas été resserrée. La forme donne à la matière la grandeur qu’elle
n’avait pas, comme elle lui imprime la qualité dont elle manquait[32]. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Le feu et la chaleur ? La chaleur se
trouve dans le feu, mais le feu ne se trouve pas nécessairement compris dans la
chaleur ; Plotin, Oeuvres complètes:
Les Ennéades
Comment la détermination peut-elle, s’unir à
l’infini sans en détruire la nature, puisque cet infini n’est pas tel par
accident ? Elle détruirait cet infini s’il était infini en quantité ;
mais cela n’a pas lieu. Elle lui conserve au contraire son essence, elle
réalise et complète sa nature ; comme la terre qui ne contenait pas de
semences [conserve sa nature] quand elle en reçoit, ou la femelle quand elle
est fécondée par le mâle ; alors la femelle ne cesse pas d’être
femelle ; elle l’est au contraire à un plus haut degré, elle réalise son
essence. Plotin, Oeuvres complètes: Les
Ennéades
La matière continue-t-elle à être le mal
quand elle vient à participer du bien ? Oui, parce qu’antérieurement elle
était privée du bien, qu’elle ne le possédait point[61]. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Le corps est la matière avec la raison qui y
est présente Plotin, Oeuvres complètes:
Les Ennéades
L’objet éloigné nous paraît voisin, parce
que l’impossibilité où nous sommes de distinguer les parties de l’espace
intermédiaire ne nous permet pas d’en déterminer exactement la grandeur. Quand
la vue ne peut parcourir la longueur d’un intervalle en en déterminant la
qualité sous le rapport de la forme, elle ne peut pas non plus en déterminer la
quantité sous le rapport de la grandeur. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Il ne faut pas accorder que le monde est mal
fait, parce qu’on y souffre mille peines : c’est exiger pour le monde
sensible une trop grande perfection et le confondre avec la monde intelligible
dont il n’est que l’image (εἰϰών)[33] ? Mais pourrait-il en exister une
plus belle image ? Pourrait-il y avoir, après le feu céleste, un feu meilleur
que notre feu ? Comment concevoir, après la terre intelligible, une autre
terre que celle-ci ? après l’acte par lequel le monde intelligible
s’embrasse lui-même, une sphère plus parfaite, plus admirable, mieux ordonnée
dans ses mouvements[34] ? Enfin comment concevoir, après le soleil
intelligible, un autre soleil que celui qui frappe notre vue ? Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
En nommant une multitude de principes
intelligibles (πλῆθος νοητῶν ὀνομάζοντες)[52], ils croient paraître en posséder
une connaissance exacte, tandis que, en les supposant si nombreux, ils les
rabaissent et les rendent semblables aux êtres inférieurs et sensibles. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Efforce-toi de devenir aussi bon que
possible, mais ne t’imagine pas que tu en es seul capable[93] : car alors
tu ne serais plus bon. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Les amis de Dieu supportent avec douceur
tout ce qui résulte du cours de l’univers, quand il leur survient un accident
qui en est une conséquence nécessaire[103]. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Pour posséder un bien, il ne suffit pas
d’affirmer qu’on le possède : il y a beaucoup d’hommes qui, sachant
parfaitement qu’ils n’ont pas un bien, se vantent néanmoins de le posséder, qui
croient le posséder quand ils ne le possèdent pas, ou le posséder seuls quand
ils sont les seuls qui ne le possèdent pas. Plotin,
Oeuvres omplètes: Les Ennéades
Celui qui se plaint de la nature du monde ne
sait donc pas ce qu’il fait, ni jusqu’où va son audace. C’est que beaucoup
d’hommes ignorent qu’un enchaînement étroit unit les choses du premier, du
second et du troisième rang[130], et descend jusqu’à celles du plus bas degré.
Au lieu de blâmer ce qui est inférieur aux premiers principes, il faut se
soumettre avec douceur aux lois de l’univers[131], s’élever soi-même aux
premiers principes, ne pas éprouver ces terreurs tragiques[132], inspirées à
certaines gens par les sphères du monde qui n’exercent sur nous qu’une
influence bienfaisante[133]. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Qu’est-ce qui empêche de répéter le nom de
Dieu, tout en se laissant dominer par ses passions et en ne faisant rien pour
les réprimer ? La vertu, portée à sa perfection, établie solidement dans
l’âme par la sagesse, voilà ce qui nous montre Dieu. Sans la véritable vertu,
Dieu n’est qu’un mot[152]. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Si Dieu privait le monde de sa présence, il
vous en priverait aussi, et vous ne pourriez rien dire ni de lui ni des êtres
qui sont au-dessous de lui. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Qui de ces hommes si orgueilleux est aussi
bien ordonné, aussi sage que l’univers, et pourrait même se comparer avec lui
sans ridicule, sans absurdité ? Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Quand on voit briller dans un visage une
éclatante image de la beauté, on s’élève à l’intelligible[159]. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
il est impossible qu’un être soit réellement
beau à l’extérieur, et laid à l’intérieur : car l’extérieur n’est beau que
parce qu’il est dominé par l’intérieur [par l’âme qui donne la forme][164].
Ceux qu’on appelle beaux, et qui sont laids intérieurement, n’ont au dehors qu’une
beauté mensongère. Si l’on prétend qu’il y a des hommes qui possèdent un beau
corps avec une âme laide, j’affirme qu’on n’en a pas vu et qu’on s’est trompé
en les croyant beaux, ou que, si l’on a vu de pareils hommes, leur laideur
intérieure était accidentelle et qu’ils avaient une âme naturellement
belle : car nous rencontrons ici-bas de grands obstacles qui nous
empêchent d’arriver à notre fin. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Il faut bien, tant que nous avons un corps,
demeurer dans ces maisons construites par l’Âme du monde[166] Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’Âme du monde n’est troublée par rien,
parce qu’elle est en dehors de toute atteinte. Mais nous, qui sommes ici-bas
exposés aux coups de la fortune, repoussons-les par notre vertu, affaiblissons
les uns, rendons les autres impuissants par notre constance et par notre
grandeur d’âme[170] Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Quand nous nous serons ainsi rapprochés de
cette puissance qui est en dehors de toute atteinte, de l’Âme de l’univers et
des âmes des astres, nous tâcherons d’en être l’image et de pousser même cette
ressemblance jusqu’à l’identité. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Les essences premières n’ont point de cause
parce qu’elles existent toujours. Les essences qui dépendent des essences
premières tiennent d’elles aussi l’existence. Quant aux choses qui deviennent,
elles ont toutes une cause. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
La doctrine (stoïcienne) que toutes choses
dérivent l’une de l’autre par un enchaînement fatal détruit la liberté humaine,
parce que, dans ce cas, toutes nos déterminations sont des impulsions que nous
recevons du Destin. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
L’Intelligence constitue elle-même le monde
intelligible, unité vivante et intelligente, permanente et immuable, type de la
perfection et de la béatitude. Ensuite, en vertu d’une nécessité inhérente à
son essence, elle engendre le monde sensible, qui est le théâtre de la
pluralité, de la division, de la lutte des contraires, parce qu’il est un
mélange de la matière et de la raison. L’harmonie qu’on y découvre lui est
donnée par l’Âme universelle qui le gouverne. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Le mal n’est qu’un défaut de bien[1]. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
On demande comment il se fait que les hommes
vicieux obtiennent si souvent tous les avantages auxquels on attache tant de
prix, richesses, honneurs, beauté, etc., et que les hommes vertueux aient une
condition contraire. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Dieu n’est point responsable des actes
volontaires et libres des âmes. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
On ne peut raisonnablement demander à la
Providence de venir à chaque instant suspendre les lois de la nature et en
interrompre le cours, par son intervention. En effet, l’action de la Providence
ne doit pas anéantir la liberté de l’homme : son rôle est d’assurer à
chacun, soit ici-bas, soit après la mort, la récompense ou la punition qu’il a
méritée par sa conduite. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
La Raison de l’univers n’a pas dû donner à
tout une perfection uniforme, parce que les inégalités mêmes et les différences
des êtres contribuent à la beauté de l’univers.
Si chaque individu, considéré isolément,
laisse à désirer, c’est parce qu’il ne peut réunir en lui seul toutes les
perfections de son espèce. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Les actes de l’homme, quoiqu’il soit libre,
sont compris dans le plan de l’univers, parce que la Providence a tenu compte
de notre liberté. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Notre Démon est la puissance immédiatement
supérieure à celle qui agit principalement en nous ; selon que nous vivons
soit de la vie sensitive, soit de la vie rationnelle, soit de la vie
intellectuelle, nous avons pour démon soit la Raison, soit l’Intelligence, soit
le Bien. Plotin, Oeuvres complètes: Les
Ennéades
La vertu consiste à ce que toutes les
facultés soient en harmonie. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’Être absolu est impassible : car,
possédant de soi et par soi l’existence, il se suffit pleinement à lui-même, il
est par conséquent parfait, éternel, immuable, possède la vie et
l’intelligence. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
L’éternité est la forme de la vie qui est
propre à l’Être intelligible : elle n’est ni l’Être intelligible ni le
repos de cet être ; elle est la propriété qu’a sa vie d’être permanente,
immuable, indivisible, infinie, et de posséder une plénitude perpétuelle qui
exclut la distinction du passé et de l’avenir. Les choses engendrées, au
contraire, ne sont rien sans leur futur, parce que leur existence consiste à
réaliser continuellement leur puissance. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Eternité, qui dérive de ἀεὶ ὄν (aei on),
l’Être qui est toujours. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Source de tous les êtres, la racine de ce
grand arbre qui est l’univers. Chaque chose a pour principe une unité plus ou
moins simple : en remontant d’unité en unité, on arrive à une unité
absolument simple, au-delà de laquelle il n’y a plus rien à chercher, parce
qu’elle est le principe, la source et la puissance de tout. Elle ne peut être
saisie que par une intuition absolument simple. Sa grandeur se manifeste par
les êtres qui en procèdent ; c’est d’elle que l’Intelligence tient sa plénitude.
Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Si l’âme était uniquement divisible, il n’y
aurait pas communauté d’affection dans chacun de nous, ni sympathie entre les
âmes. Plotin, Oeuvres complètes: Les
Ennéades
Si l’âme était uniquement indivisible, elle
ne pourrait entrer en rapport avec le corps et l’animer tout entier. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Comme les âmes particulières, l’Âme
universelle est à la fois une et multiple, parce qu’elle communique la vie à
une multitude d’êtres qui forment une unité ; indivisible et divisible,
parce qu’elle est présente à la fois dans toutes les parties du monde qu’elle
administre. Plotin, Oeuvres complètes:
Les Ennéades
La connaissance de l’âme est la condition de
la connaissance des principes dont elle procède et des choses dont elle est
elle-même le principe. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
L’Âme universelle n’est pas descendue dans
le monde ; mais, par sa procession, elle a produit l’espace, en engendrant
à la fois la matière et la forme. Elle a ainsi déterminé, selon son essence
propre, l’étendue que le monde occupe : car elle l’a engendré et ordonné
de tout temps, non par choix ni par délibération, mais en vertu de sa nature.
Étant souverainement maîtresse de la matière, elle l’a façonnée par les raisons
séminales, et elle a fait participer tous les êtres à la vie qu’elle possède
elle-même. Son rôle est en effet de transmettre à la Nature les idées qu’elle
contemple dans l’intelligence divine ; elle en est l’interprète :
c’est par elle que tout descend du monde intelligible dans le monde sensible,
c’est par elle que tout y remonte. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’intelligence est affaiblie par son union
avec un corps. Plotin, Oeuvres complètes:
Les Ennéades
L’âme est indivisible en elle-même, quand
elle produit les opérations qui relèvent de la Raison et de
l’Intelligence ; elle est divisible par son rapport avec le corps, quand
elle exerce les Sens, la Concupiscence, la Colère, la Puissance végétative et
nutritive, parce qu’elle a dans ce cas besoin des organes. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Quand on considère ainsi la nature de l’âme,
on voit sa grandeur et sa puissance, on comprend combien sont admirables et
divines une telle essence et les essences supérieures. Sans avoir d’étendue,
l’âme est présente dans toute étendue ; elle est dans un lieu, et elle
n’est cependant pas dans ce lieu[10] ; elle est à la fois divisée et
indivise ; ou plutôt, elle n’est jamais divisée réellement, elle ne se
divise jamais : car elle demeure tout entière en elle-même. Si elle semble
se diviser, ce n’est que par rapport aux corps, qui, en vertu de leur propre
divisibilité, ne peuvent la recevoir d’une manière indivisible. Ainsi la
division est le fait du corps et non le caractère propre de l’âme[11] Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Si l’âme était absolument une,
essentiellement indivisible et une en elle-même, si elle avait une nature
incompatible avec la multiplicité et la division, elle ne pourrait en pénétrant
le corps l’animer tout entier : se plaçant comme au centre, elle
laisserait sans vie toute la masse de l’animal. Il est donc nécessaire que
l’âme soit à la fois une et multiple, divisée et indivise, et il ne faut pas
nier, comme chose impossible, que l’âme, bien qu’une et identique, soit en
plusieurs points du corps à la fois. Si l’on refuse d’admettre cette vérité, on
anéantira par cela même cette nature contient et administre l’univers[15], qui
embrasse tout en même temps et dirige tout avec sagesse, nature à la fois
multiple, parce que les êtres sont multiples, et une, parce que le principe qui
contient tout doit être un : c’est par son unité multiple qu’elle
communique la vie à toutes les parties de l’univers ; c’est par son unité
indivisible qu’elle dirige tout avec sagesse. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Platon a voulu indiquer allégoriquement par
ces paroles divines : « De l’essence indivisible et toujours la même,
et de l’essence qui devient divisible dans les corps, Dieu forma par leur
mélange une troisième espèce d’essence[16]. » Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Déterminer ici quelles sont, parmi les
questions qu’on élève sur l’âme, celles qu’on peut résoudre avec certitude, et
celles sur lesquelles il faut s’en tenir au doute, en regardant ce doute même
comme la récompense de ses recherches. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Si l’Âme universelle et les âmes
particulières sont conformes, comment se fait-il que la première ait créé le
monde et que les autres ne l’aient point créé, puisqu’elles contiennent aussi chacune
toutes choses en elle-même, et que nous avons déjà montré que la puissance
productrice peut exister à la fois en plusieurs êtres ? Expliquons-en la
raison maintenant. Nous pourrons ainsi examiner et découvrir comment la même
essence peut agir, ou pâtir, ou agir et pâtir, d’une manière différente en
différents êtres. Comment donc et pourquoi l’Âme universelle a-t-elle fait
l’univers, tandis que les âmes particulières en administrent seulement chacune
une partie ? Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
L’enfant est de même engendré dans le sein
de sa mère, et que cependant l’âme qui entre dans son corps est distincte de
celle de sa mère[43]. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Succession que nous établissons ainsi entre
ses actes est purement verbale[57] : car il n’y a jamais eu de moment où
l’univers ne fût pas animé, où son corps existât sans l’Âme, où la matière
subsistât sans avoir de forme[58] Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’art en effet est postérieur à la
nature : il l’imite en produisant d’obscures et faibles imitations de ses
œuvres, des jouets sans prix ni mérite, et il emploie d’ailleurs un grand
appareil de machines pour produire ces images[63] Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’Âme universelle, au contraire, dominant les
corps par la vertu de son essence, les fait devenir et être ce qu’elle
veut : car les choses mêmes qui existent depuis le commencement ne peuvent
opposer de résistance à sa volonté. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Les êtres que nous appelons des dieux
méritent d’être regardés comme tels parce que jamais ils ne s’écartent des
intelligibles, qu’ils sont suspendus à l’Âme universelle considérée dans son
principe, au moment même où elle sort de l’Intelligence. Ainsi, ces êtres sont
des dieux en vertu même du principe auquel ils doivent leur existence, et parce
qu’ils se livrent à la contemplation de l’Intelligence, dont l’Âme universelle
elle-même ne détache point ses regards. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Une intelligence, tout entière à son objet,
ne peut en même temps contempler l’intelligible et penser à une autre chose.
L’acte de la pensée n’implique pas le souvenir d’avoir pensé. — Ce souvenir,
dira-t-en, est postérieur à la pensée. — Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Lorsque Dieu même ou un dieu inférieur
envoya les âmes dans la génération, il donna au visage de l’homme des yeux
destinés à l’éclairer[2], il plaça dans le corps les autres organes propres aux
sens, prévoyant (προορώμενος (proorômenos)) que l’animal ne pourrait se
conserver qu’à la condition de voir les objets placés devant lui, de les
entendre et de les toucher, afin de rechercher les uns et d’éviter les autres.
Mais comment Dieu le prévit-il ? — Il ne faut pas croire qu’il ait
commencé par faire des animaux qui aient péri faute de posséder des sens, et
qu’ensuite il en ait donné aux hommes et aux autres animaux afin qu’ils pussent
se préserver de la mort[3]. On fera peut-être l’objection suivante : Dieu
savait que les animaux seraient exposés au chaud, au froid et aux autres
impressions physiques ; par suite de cette connaissance, pour empêcher les
animaux de périr, il leur a accordé les sens et les organes destinés à leur
servir d’instruments. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Non-seulement la forme (εἶδος (eidos)[19])
d’un être est pour lui sa raison d’être (ce qui est une vérité incontestable),
mais encore, si l’on analyse chaque forme considérée en elle-même, on y
trouvera sa raison d’être. Il n’y a que ce qui n’a qu’une vie sans réalité et
une vaine existence qui ne porte pas en soi sa raison d’être. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Besoin d’acquérir quelque chose. L’homme
intelligible est éternel ; il est donc toujours ce qu’il est de son
essence d’être. L’être qui devient homme est un être engendré. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Un organe comme l’œil. Ainsi, quand on
assigne la cause d’une chose, on explique tout. Pourquoi dans l’homme des yeux,
des sourcils ? C’est pour qu’il possède tout ce qui est impliqué dans son
essence. Dira-t-on que ces parties du corps lui sont données pour le garantir
des dangers ? Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Percevoir les objets sensibles ? Mais
il serait absurde que là-haut l’homme possédât de toute éternité la puissance
de sentir et qu’il ne sentît qu’ici bas, que cette puissance ne passât à l’acte
que quand l’âme est devenue moins bonne [par son union au corps]. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
L’âme disposée de telle façon, présente à la
matière disposée de telle façon (puisque l’âme est telle chose, selon qu’elle
est dans telle disposition), même sans le corps, est ce qui constitue
l’homme[27]. Elle façonne dans le corps une forme à sa ressemblance. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Aussi Intelligence et Vie parfaite.
L’Intelligence a pour caractère non d’être une, mais d’être universelle :
elle renferme donc toutes les intelligences particulières ; elle est
toutes les intelligences et en même temps elle est quelque chose de plus grand.
Elle possède la vie non comme Âme une, mais comme Âme universelle, ayant la
puissance supérieure de produire les âmes particulières. Elle est enfin
l’Animal universel ; par conséquent, elle ne doit pas renfermer l’homme
seul [mais encore toutes les autres espèces d’animaux] ; sinon, l’homme
seul existerait sur la terre. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Toutes ces vies, qui représentent autant de
mouvements, toutes ces intelligences, qui forment une pluralité, ne pouvaient
pas être identiques, il fallait donc qu’elles différassent entre elles, et leur
différence devait consister à manifester plus ou moins clairement
l’intelligence et la vie : celles qui occupent le premier rang sont
distinguées par les premières différences, celles qui occupent le deuxième rang
par les différences de deuxième espèce, et ainsi de suite. Ainsi, parmi les
intelligences, les unes constituent les dieux, les autres les êtres placés au
deuxième rang et doués de raison ; d’autres enfin les êtres que nous
appelons privés de raison. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
Plus les puissances de l’Intelligence se
développent, plus elles deviennent imparfaites. Dans leur procession, elles
perdent à chaque degré quelque chose, et comme c’est un moindre degré d’être
qui constitue tel ou tel animal, son infériorité se rachète par quelque chose
de nouveau. Ainsi, à mesure que la vie est moins complète dans l’animal,
apparaissent les ongles, les serres, ou les cornes et les dents. Partout où
l’intelligence baisse d’un côté, elle se relève d’un autre côté par la
plénitude de sa nature, et elle trouve en elle-même de quoi compenser ce qui
manque[41]. Plotin, Oeuvres complètes:
Les Ennéades
L’Essence universelle est la Pensée qui
embrasse la Vie universelle, et qui après une chose en conçoit toujours une
autre, parce que, ce qui en elle est identique étant aussi différent, toujours
elle divise et toujours elle trouve une chose différente des autres. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Dans le monde intelligible, la vie dont on
parcourt le champ est toujours identique à elle-même, mais aussi elle est
toujours différente, Il en résulte qu’elle ne nous paraît pas identique, parce
que dans son évolution (διέξοδος (diexodos)), qui est identique, elle parcourt
des choses qui ne le sont pas ; elle ne change pas pour cela : car
elle parcourt des choses différentes d’une manière uniforme et identique. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Ici-bas, nous n’aimons pas les corps pour
eux-mêmes, mais pour la beauté qui reluit en eux[76] Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Chaque intelligible est par lui-même ce
qu’il est ; mais il ne devient désirable que quand le Bien l’illumine et
le colore en quelque sorte, donnant à ce qui est désiré les grâces et à ce qui
désire les amours. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Pourquoi, entre plusieurs statues, les plus
vivantes paraissent-elles plus belles que d’autres mieux proportionnées ?
Pourquoi un animal vivant, fût-il laid, est-il plus beau qu’un animal en
peinture, ce dernier eût-il d’ailleurs une forme plus parfaite ? C’est que
la forme vivante nous paraît plus désirable, c’est qu’elle a une âme, c’est
qu’elle est plus conforme au Bien ; c’est enfin que l’âme est colorée par
la lumière du Bien, qu’éclairée par lui elle en est comme plus éveillée et plus
légère, et qu’à son tour elle allége, elle éveille et fait participer du Bien,
autant qu’il en est capable, le corps dans lequel elle réside. Plotin, Oeuvres complètes: Les Ennéades
Le bien de la matière, c’est la forme :
car la matière la recevrait avec plaisir si elle devenait sensible. Le bien du
corps, c’est l’âme : car sans elle il ne saurait ni exister ni durer. Le
bien de l’âme, c’est la vertu ; puis, plus haut, l’Intelligence. Le bien
de l’Intelligence enfin, c’est le principe que nous nommons la Nature première
(πρώτη φύσις (prôtê phusis)). Chacun de ces biens produit quelque chose dans
l’objet dont il est le bien : il lui donne soit l’ordre et la beauté
[comme la forme le fait à la matière], soit la vie [comme l’âme le fait au
corps], soit la sagesse et le bonheur [comme l’Intelligence le fait à l’âme].
Enfin, le Bien communique à l’Intelligence ce que nous disons passer de lui en
elle : il lui donne d’être un acte émané du Bien et il répand sur elle ce
que nous appelons sa lumière. Plotin,
Oeuvres complètes: Les Ennéades
La forme est en effet le vestige de Celui
qui n’a pas de forme. Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
L’âme doit donc écarter d’elle tout mal,
tout bien même, en un mot toute chose, quelle qu’elle soit, pour recevoir Dieu
seule à seul[116] Plotin, Oeuvres
complètes: Les Ennéades
Il résulte de là que le Bien ne se pense
lui-même Plotin, Oeuvres complètes: Les
Ennéades