L’Esprit des Lumières, - T
- Christophe Martin, Armand Colin
En dépit de l’Inquisition et la
Contre-Réforme, le flambeau a été maintenu par quelques grands esprits éclairés
« qui, sans avoir l’ambition dangereuse d’arracher le bandeau des yeux de
leurs contemporains, préparaient de loin dans l’ombre et le silence la lumière
dont le monde devait être éclairé peu à peu et par degrés insensibles ».
Au fil des différentes livraisons de l’Encyclopédie (dont la publication, très
houleuse, ne sera achevée qu’en 1770), les encyclopédistes ne cessent
d’exploiter se répandant grâce à
l’audace des hommes. 2. Sapere aude ! C’est cette audace
intellectuelle qui, aux yeux d’Emmanuel Kant (1724-1804), serait la
caractéristique propre des Lumières. En décembre 1783, une revue
berlinoise publie le texte d’un pasteur, Johann Friedrich Zöllner, qui posait
la question suivante : « Qu’est-ce que les lumières ? L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
Armand Colin
« Les “Lumières” se définissent comme la
sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable.
L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans être
dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute lorsqu’elle résulte
non pas d’une insuffisance de l’entendement, mais d’un manque de résolution et
de courage pour s’en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude !
Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle place à l’extrême
diversité des options philosophiques dogmes, ces idées qu’il faut accepter sans
les comprendre, sont précisément ce que rejettent la plupart des écrivains des
Lumières. L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
Car l’une des grandes idées nouvelles que
les Lumières introduisent dans la pensée est l’exigence du bonheur. rendre
l’homme heureux ici-bas. L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
À partir de 1685, la révocation de l’édit de
Nantes, qui datait de 1598 et assurait une liberté de conscience et de culte
aux protestants, entraîne une importante émigration protestante qui trouve
refuge dans des pays comme la Hollande ou l’Angleterre. En réaction contre ces
persécutions et cet esprit d’intolérance, des écrivains manifestent plus ou
moins directement une revendication de liberté dans l’exercice de la pensée et
une condamnation du fanatisme. L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
En Rousseau une conscience critique puisque
ce dernier récuse violemment l’idée que le progrès des sciences et des
techniques puisse conduire à un progrès moral et à un plus grand bonheur
individuel et collectif. L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
L’exigence fondamentale des Lumières est
aussi le premier trait qui les définit : ne jamais consentir à la reprise
docile de la pensée d’autrui. L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Pierre Bayle : « La raison humaine
[…] est un principe de destruction, et non pas d’édification, elle n’est propre
qu’à former des doutes ». L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Madame de Staël qui déplore la perte de
l’« esprit national, L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
La raison individuelle serait vouée à
l’aveuglement et à tous les errements dès lors qu’elle refuse d’être guidée par
la tradition et les dogmes immémoriaux. L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Sous prétexte qu’il ne faut admettre que ce
qu’on entend clairement […], chacun se donne la liberté de dire :
“J’entends ceci et je n’entends pas cela” et sur ce seul fondement, on approuve
ou on rejette tout ce qu’on veut. […] Il s’introduit sous ce prétexte une
liberté de juger qui fait que, sans égard à la tradition, on avance
témérairement tout ce qu’on pense » L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Le naturalisme spinoziste bouleverse toute
la conception chrétienne du monde, de la vie et des valeurs. L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
Armand Colin
En rejetant l’idée que Moïse puisse être
l’auteur du Pentateuque, Spinoza ouvrait, en effet, la voie à une lecture
critique de la Bible. L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Lorsqu’il y a un désaccord entre ce qui est
écrit dans la Bible et ce que la Raison nous montre, c’est cette dernière qu’il
faut suivre puisqu’il est impossible de penser contre la Raison. L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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Les miracles ne peuvent être produits par
Dieu que pour rendre les hommes meilleurs ou pour les guider vers la lumière
divine. L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
Vue des religions révélées, le miracle est
un signe adressé par Dieu qui manifeste ainsi sa toute-puissance sur l’ordre de
la nature. À ce titre, il occupe une place centrale dans l’apologétique
traditionnelle. De son côté, la physique moderne étend peu à peu son empire et
impose une vision rationaliste et mécaniste du monde qui tend à circonscrire de
plus en plus étroitement l’espace du miracle. L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
l’impossibilité logique du miracle, qui
oblige à supposer un phénomène entrant en contradiction avec les lois immuables
de la nature que Dieu a lui-même établies : L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Foi consiste à croire ce que la raison ne
croit pas, ce qui est encore un autre miracle ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Expliquer l’origine des mythes et fables,
c’est « étudier l’esprit dans ses plus étranges productions » et
contribuer de manière décisive à « l’histoire des erreurs de l’esprit
humain ». L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
L’intérêt pour les fables primitives
s’inscrit dans le champ plus large d’une sorte d’archéologie de l’égarement et
de l’illusion, projet fondamental de Fontenelle qui se propose de faire une
sorte d’histoire naturelle de la sottise humaine, de nos préjugés et de notre
ignorance : « il est assez curieux de voir comment l’imagination
humaine a enfanté les fausses divinités ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
La même ignorance a produit à peu près les
mêmes idées […]. Les Grecs avec tout leur esprit, lorsqu’ils étaient un peuple
encore nouveau ne pensèrent point plus raisonnablement que les Barbares
d’Amérique ». L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
Il établit dans ses Carnets des listes
mettant en évidence ces ressemblances troublantes où il détecte un fonds commun
de fables, des archétypes du merveilleux. Il procède au rapprochement incessant
des mythes : celui d’un déluge universel, celui de la création de l’homme,
celui des résurrections, des métamorphoses… La perspective est essentiellement
polémique. Voltaire mine la croyance dans les miracles en usant de cette
méthode comparatiste qui rapproche des prodiges semblables, les uns attestés
dans le monde païen, les autres dans les Écritures. L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
But assigné par Diderot à toute
l’entreprise, comme le souligne son article fondamental
« Encyclopédie », est bien de « changer la manière commune de
penser », de « renverser l’édifice de fange » et « l’amas
de poussière » que constituent l’accumulation immémoriale des préjugés
nationaux et les dogmes religieux : chaque instant on pense, on parle, on
écrit comme si l’on persévérait dans le préjugé de la liberté L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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Dictionnaire de Trévoux, rédigé sous la
direction des Jésuites, ainsi que l’a montré Marie Leca-Tsiomis, comme d’une
sorte de catalogue alphabétique des préjugés religieux, politiques et sociaux,
un véritable répertoire de cette « façon commune de penser » qu’il s’agit
de bouleverser. L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
« Naître »
reprend d’abord exactement la définition du Trévoux : « venir au
monde », avant d’ajouter : « S’il fallait donner une définition
bien rigoureuse de ces deux mots, naître et mourir, on y trouverait peut-être
de la difficulté […]. À proprement parler, on ne naît point, on ne meurt
point ; on était dès le commencement des choses, et on sera jusqu’à leur
consommation ». L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Naître, vivre et passer, c’est changer de formes »…
L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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Les avancées de la science, repoussant les
frontières du monde connu et découvrant des espaces infinis, détruisent
l’ancienne vision aristotélicienne d’un univers clos et centré autour de la
terre, et ébranlent violemment la croyance en un univers ordonné par la
providence divine. L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
Freud désignera comme l’une des trois
grandes « blessures narcissiques » infligées par la science à
« l’égoïsme naïf de l’humanité » (la découverte copernicienne,
darwinienne et la découverte freudienne elle-même). L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
N’avez-vous pas eu quelquefois une idée plus
sublime de l’univers, et ne lui avez-vous point fait plus d’honneur qu’il ne
méritait ? ». L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Histoire de la terre et du cosmos qui en
finit avec l’idée que la nature telle que nous la voyons est celle même qui
sortit des mains du créateur. Autrement dit, on envisage l’homme et le monde
comme les produits d’une histoire, et non plus seulement d’une volonté divine
qui aurait présidé à la création. L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
On s’était demandé dès le xvie siècle
comment envisager ces peuples qui n’avaient pas connu le message du Christ et
s’ils n’étaient pas les restes d’une humanité qui n’aurait pas connu la Chute
et le péché originel. L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Tout ce que nous respections, tout ce qui
réclamait notre foi, devient l’objet d’une connaissance détachée et désormais
libre. Le préjugé qui nous asservissait a dévoilé sa vraie nature :
imaginaire, c’est-à-dire nulle aux yeux de la raison. Nous allons enfin pouvoir
juger clairement : le jour commence, nous nous éveillons et les songes
anciens n’obscurcissent plus notre vue » (Jean Starobinski). L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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Cette ardeur de savoir, cette activité de
l’esprit qui ne veut pas laisser un effet sans en rechercher la cause ».
Le Sapere aude des Lumières est aussi et surtout une invitation à légitimer
cette curiosité, cette libido sciendi (« désir de savoir ») condamnée
par saint Augustin et par Bossuet pour qui cette passion est « l’une des
plus violentes » de l’esprit humain (Sermon sur la mort, 1662). L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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L’on bannit l’homme ou l’être pensant et
contemplateur de dessus la surface de la terre, ce spectacle pathétique et
sublime de la nature n’est plus qu’une scène triste et muette. L’univers se
tait, le silence et la nuit s’en emparent. Tout se change en une vaste solitude
où les phénomènes inobservés se passent d’une manière obscure et sourde. C’est
la présence de l’homme qui rend l’existence des êtres intéressante ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
Armand Colin
« L’homme
est le terme unique, d’où il faut partir, et auquel il faut tout ramener, si
l’on veut plaire, intéresser, toucher, jusque dans les considérations les plus
arides et les détails les plus secs. Abstraction faite de mon existence et de
du bonheur de mes semblables, que m’importe le reste de la
nature ? ». L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Au sein d’une nature dépourvue de toute
finalité et qui obéit à ses propres lois, seule la présence de l’homme donne du
sens à la vie, L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
« Faites
que la philosophie me fournisse toujours des plaisirs nouveaux ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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Cette « concupiscence des yeux »
génère l’exercice des sciences, dangereuses par principe puisqu’elles procèdent
d’une curiosité qui, dans la Bible, est à l’origine du péché originel :
tentée par le serpent, Ève juge que le fruit de « l’arbre de la science du
bien et du mal » est « beau et agréable à la vue ». Elle en
prend et en donne à Adam : et « en même temps, leurs yeux furent
ouverts à tous deux » (Genèse, III, 6-7)… L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Dans les coulisses, comprendre les
engrenages, et découvrir que le spectacle merveilleux procède d’un simple
mécanisme d’horloge. Loin de diminuer la jouissance du spectacle, cette
connaissance la décuple. Encore faut-il ne pas s’y tromper : ce qui
procure un plaisir de la pensée, ce n’est pas la simplicité ou la trivialité du
mécanisme à l’œuvre dans la nature mais l’union surprenante entre la simplicité
extrême des principes et la prolifération inattendue des connaissances
déductibles : L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
Pessimisme anthropologique, ou du moins avec
une conscience aiguë de l’inadéquation entre le désir infini de savoir et la
finitude humaine. L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
On veut savoir plus qu’on ne voit, c’est là
la difficulté ». L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
En rassemblant « les connaissances éparses
sur la surface de la terre », il s’agit, proclame Diderot dans l’article
« Encyclopédie », « d’en exposer le système général aux hommes
avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après
nous ; afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été des travaux
inutiles pour les siècles qui succéderont ; que nos neveux, devenant plus
instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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« Il
faut considérer, explique encore Diderot, un dictionnaire universel des
sciences et des arts comme une campagne immense couverte de montagnes, de
plaines, de rochers, d’eaux, de forêts, d’animaux et de tous les objets qui
font la variété d’un grand paysage. La lumière du ciel les éclaire tous, mais
ils en sont tous frappés diversement ». L’Encyclopédie se conçoit comme un
vaste spectacle. On comprend dès lors le rôle capital joué par les fameuses
« planches ». L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
L’Encyclopédie propose un monde sans
peur ». Grâce aux planches, le savoir technique de l’homme devient lisible
de part en part. La décomposition visuelle des étapes de la fabrication de
l’objet permet de manifester l’intelligence humaine en acte. L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
Armand Colin
« Les
philosophes trop indolents, trop peu curieux pour rechercher les moyens de s’instruire,
[qui] aiment mieux argumenter que voir » et préfèrent se bercer de
« mots obscurs » et de « systèmes
usés » plutôt que de consulter la nature. Or, « en philosophie il
faut tout examiner, tout combiner, faire toutes les suppositions et ne
s’effrayer de rien ». De qu’on ne va au grand qu’en foulant aux pieds les
préjugés populaires ». L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Les Lumières comme ce moment historique où
la Science s’est retrouvée investie d’une valeur nouvelle et proprement
mythique, laissant percevoir autant de perspectives radieuses que
d’inquiétantes dérives. L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Or, il importe d’autant plus, aux yeux de
Rousseau, de respecter le voile de la nature que la violence exercée contre
elle pour le lui arracher est précisément ce qui met les hommes hors de la
nature et entraîne la catastrophe. L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Rousseau l’explique dans le Discours sur les
sciences et les arts : « Le voile épais dont [la sagesse éternelle] a
couvert toutes ses opérations semblait nous avertir assez qu’elle ne nous a
point destinés à de vaines recherches. Mais est-il quelqu’une de ses leçons
dont nous ayons su profiter, ou que nous ayons négligée impunément ?
Peuples, sachez donc une fois que la nature a voulu vous préserver de la
science, comme une mère arrache une arme dangereuse des mains de son
enfant ; que tous les secrets qu’elle vous cache sont autant de maux dont
elle vous garantit ». L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Célèbre devise de Cremonini « intus ut
libet, foris ut moris est » (« À l’intérieur, fais comme il te
plaît ; à l’extérieur, agis selon la coutume »). Une ligne de partage
séparait nettement le petit cercle des initiés, s’adonnant librement à toutes
les audaces de pensée, à la foule vulgaire vouée au conformisme et à la
tradition. L’Esprit des Lumière, Christophe
Martin, Armand Colin
Comme l’a bien souligné Ernst Cassirer dans
La Philosophie des Lumières, « le désir et la jouissance sensuels se
joignent à la puissance de l’esprit pour arracher l’homme au simple donné et
l’envoyer prendre l’air au pays du possible ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Le sourire, l’ironie et le badinage ont un
effet proprement séduisant (« séduire », c’est étymologiquement
détourner du droit chemin) : ils arrachent le lecteur au concert habituel
de la tradition et l’entraînent sur les voies du libre examen et de l’autonomie
de la pensée.
Une célèbre formule de Montesquieu, dans
L’Esprit des lois résume parfaitement cette exigence : « Il ne s’agit
pas de lire mais de faire penser ». Avec des modalités diverses,
Fontenelle, Bayle, Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau et bien d’autres
ont tous pratiqué une écriture de l’éveil, dont l’un des mots d’ordre est
l’injonction à « ne pas tout dire ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
« il
ne faut pas toujours épuiser un sujet qu’on ne laisse rien à faire au
lecteur ».
Les livres les plus utiles sont ceux dont
les lecteurs font eux-mêmes la moitié ; ils étendent les pensées dont on
leur présente le germe ; ils corrigent ce qui leur semble défectueux, et
fortifient par leurs réflexions ce qui leur paraît faible ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
Armand Colin
Helvétius développe la thèse de l’égalité de
tous les esprits humains et d’une toute-puissance de l’éducation conçue comme
unique cause connue et observable des différences d’esprit et de caractère, que
ce soit entre le sauvage et le civilisé, entre les différentes nations, ou à
l’échelle des individus. Selon Helvétius, le défaut d’instruction, et pire
encore, l’éducation des « scolastiques », jésuites et autres prêtres,
sont seuls responsables des différences entre les qualités et les compétences
des individus : « les talents et les vertus sont des
acquisitions », affirme le philosophe. L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
La conclusion de La Mettrie a la force de
l’évidence : « La Nature nous avait donc faits pour être au-dessous
des animaux, ou du moins pour faire par là même éclater les prodiges de
l’éducation, qui seule, nous […] élève enfin au-dessus d’eux ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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Car « de l’éducation d’un enfant dépend
le bonheur ou le malheur du reste de sa vie, et de l’éducation de tous les
enfants d’un royaume, dépend le bonheur ou le malheur futur du royaume
entier ». L’éducation entre désormais pour une part essentielle dans un
projet global de réorganisation rationnelle de la société. Telle sera bien
aussi l’ambition des nombreux autres « plans d’éducation » élaborés
au siècle des Lumières. L’éducation devient l’objet d’une action politique :
elle doit transformer l’esprit de la nation, fabriquer de nouvelles mœurs,
former de bons citoyens animés par le souci de l’utilité publique. L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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Il faut employer beaucoup d’art pour
empêcher l’homme social d’être tout à fait artificiel ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin,
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« Qu’il
croie toujours être le maître, et que ce soit toujours vous qui le soyez. Il
n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la
liberté ; on captive ainsi la volonté même ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Si la méthode pédagogique mise en œuvre dans
l’Émile était « une éducation pour la liberté, ce n’est certainement pas
une éducation par l’appel à une liberté authentique […]. Émile se sent libre et
ne l’est pas. Mille contraintes invisibles conditionnent sa conduite : le
monde “naturel” dans lequel il vit est en réalité l’œuvre du précepteur.
Émile est le captif d’un piège raffiné ». L’Esprit des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Contrat social) : « s’il est bon
de savoir employer les hommes tels qu’ils sont, il vaut beaucoup mieux les
rendre tels qu’on a besoin qu’ils soient ; l’autorité la plus absolue est
celle qui pénètre jusqu’à l’intérieur de l’homme, et ne s’exerce pas moins sur
les volontés que sur les actions ». L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
les philosophes allemands Theodor Adorno et
Max Horkheimer, en particulier, ont voulu montrer que, dans le processus même
de leur développement, les Lumières avaient dramatiquement abouti à leur
contraire. Au lieu d’œuvrer pour une société plus humaine, la rationalité des
Lumières aurait dégénéré en une forme de positivisme et de technicisme,
conduisant à une nouvelle forme de barbarie et d’oppression, contre laquelle
les Lumières s’étaient pourtant soulevées. Une telle lecture des Lumières
trouvait sens dans le contexte d’une interrogation sur l’avènement des
totalitarismes et du nazisme. L’Esprit
des Lumière, Christophe Martin, Armand Colin
Le phénomène des Lumières est riche de
tensions, de contradictions et d’ambiguïtés qu’il importe de ne pas ignorer.
Mais il importe encore davantage, pour reprendre les termes de Michel Foucaut,
de ne pas rompre « le fil qui peut nous rattacher à l’Aufklärung ».
De ces Lumières, nous sommes en effet toujours les héritiers. Encore faut-il
considérer cet héritage, souligne encore Michel Foucault, « non certes
comme une théorie, une doctrine, ni même un corps permanent de savoir qui
s’accumule », mais bien plutôt comme une attitude, « un êthos
philosophique » invitant à une critique permanente de ce que nous sommes
et de notre être historique. L’Esprit des
Lumière, Christophe Martin, Armand Colin