Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner - t – Puf
« Peut-être la suprême vertu, en notre
siècle, serait-elle de regarder en face l’inhumanité sans perdre la foi dans
les hommes. » Raymond Aron Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
L’indignation morale qui devenait permanente
– déjà – servait de cache-misère à ma génération, pas moins
courageuse que les autres mais qui ne trouverait plus d’occasion d’être
véritablement héroïque. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
L’histoire ne s’arrête jamais. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Aujourd’hui, quelqu’un qui détient un compte
sur un réseau social peut directement apporter la contradiction, sur la
question des vaccins par exemple, à un professeur de l’Académie nationale de
médecine. Le premier peut même se targuer d’une audience plus nombreuse que le
second. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Très incommode la vision biblique du monde
qui avait prévalu pendant des centaines d’années, et l’on peut dire que les
modèles intellectuels proposés par la science sont entrés en concurrence
hostile avec ceux proposés par la religion concernant certaines conceptions du
monde. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
seuls 22 % considèrent que « les
êtres humains se sont développés sur des millions d’années à partir de formes de
vie moins avancées, et que Dieu n’a rien à voir dans ce phénomène ». Ils
n’étaient que 9 % en 1983, mais il reste que les tenants des thèses
religieuses de la biologie demeurent – toutes sensibilités
confondues – plus de 70 % aujourd’hui des habitants de la première
puissance mondiale. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Seuls 22 % considèrent que « les
êtres humains se sont développés sur des millions d’années à partir de formes
de vie moins avancées, et que Dieu n’a rien à voir dans ce phénomène ». Ils
n’étaient que 9 % en 1983, mais il reste que les tenants des thèses
religieuses de la biologie demeurent – toutes sensibilités
confondues – plus de 70 % aujourd’hui des habitants de la première
puissance mondiale. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Même les platistes – qui défendent la
théorie selon laquelle la Terre est plate – connaissent aujourd’hui une
certaine audience puisqu’ils ont tenu leur premier congrès international en
2018. Ils aiment d’ailleurs à rappeler qu’ils ont « des membres tout autour
du monde » [sic]. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Le cœur de cette théorie
« évolutionniste » vaut pour les idées relevant du vrai et du faux
comme pour celles relevant du bien et du mal, et repose sur le concept de
raisons qu’il nomme « transsubjectives » parce qu’elles ont
« une capacité à être endossées par un ensemble de personnes, même si l’on
ne peut parler à leur propos de validité objective7 ». Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Ce temps de cerveau libéré, qu’allons-nous
en faire ? v
D’entre toutes les civilisations
intelligentes possibles, l’humanité fera-t-elle partie de celles qui peuvent
surmonter leur destin évolutionnaire ? Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Ainsi, pour la première fois depuis ses
origines, l’homme se trouvera face à face avec son véritable, son éternel
problème – quel usage faire de sa liberté, comment occuper les loisirs que
la science et les intérêts composés lui auront assurés, comment vivre sagement
et agréablement, vivre bien ? Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Aujourd’hui, en France, le temps de travail
représente 11 % du temps éveillé sur toute une vie alors qu’il
représentait 48 % de ce temps en 1800 ! Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Tous ces dispositifs aboutissent à un
progrès spectaculaire de notre disponibilité mentale au cours du temps.
L’humanité s’est peu à peu affranchie de contraintes qui la rendaient peu
disponible à l’usage de certaines de ses fonctions cognitives supérieures.
Cette histoire du temps de cerveau libéré est une autre façon de penser notre
histoire commune. Nos prédécesseurs ont beaucoup rêvé à ce moment que nous
sommes en train de vivre. Mais avaient-ils vu que ce rêve pourrait se
transformer en cauchemar ? Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Thalès de Milet, dont Aristote (1991, I,
983b, 20) écrit qu’il fut le fondateur de la philosophie des
« physiciens » ou « physiologues ». Pour eux, il fallait
chercher des causes naturelles aux choses plutôt que des explications
surnaturelles par le biais des mythes. Jean Brun souligne : Thalès a
peut-être eu le mérite […] de ne pas se demander ce qui était avant ce qui est,
mais de chercher de quoi le monde est fait (1989, p. 17). Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Prédominance du comment sur le pourquoi. Le
processus prendra des milliers d’années, certes, mais en passant de l’animisme
au polythéisme, du polythéisme au monothéisme et jusqu’à des formes de religion
où la figure de Dieu devient de plus en plus abstraite et lointaine, on aboutit
à une forme de désenchantement du monde, selon la formule de Max Weber. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Ils gagnent en sécurité matérielle ce qu’ils
perdent en sécurité cognitive car l’univers n’est plus expliqué (et
imparfaitement) que par le comment et non plus par le pourquoi. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Si l’on peut par un mécanisme simuler un
acte ou une pensée, ne va-t-on pas aboutir à l’évidence que tout n’est que
tristes engrenages et processus désincarnés ? Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Abandonner l’idée de singer le fonctionnement
de l’esprit humain pour miser sur la force brute de la machine :
l’escalade de la vitesse de calcul ne fait que commencer. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
La façon la plus ordinaire que nous avons
d’anticiper le futur est de concevoir qu’il sera à l’image d’une tangente imaginaire
que nous traçons à partir des données passées et présentes. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Ils révèlent enfin que la machine, moins
porteuse de stéréotypes, a tendance à introduire beaucoup plus de diversité dans
ses propositions que ne le ferait un cerveau humain. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Les intelligences artificielles pourraient
ainsi nous libérer de certains de nos a priori culturels et mieux ouvrir
nos esprits au possible. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
On peut s’attendre à ce que tout ce qui peut
être automatisé dans les activités humaines le soit. Ce sont donc à présent nos
activités cognitives mêmes qui sont l’objet de l’invasion du numérique. Cette
perspective est effrayante car, au-delà du mythe apocalyptique d’une machine
qui prendrait le pouvoir, elle nous confronte à la possibilité obsédante que
nous ne soyons que des machines évoluées. Que resterait-il de notre humanité
s’il était démontré que tout en nous pouvait être algorithmisé ? Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Elles sont incapables – et peut-être
définitivement – d’explorer l’univers des possibles lorsque cet univers
n’a pas déjà été circonvenu. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Dois-je
mettre mon pull rouge ou mon pull bleu aujourd’hui ? : cette tâche
d’arbitrage ne peut être l’objet d’un algorithme. Par conséquent, il n’est pas
certain que cette avancée des machines nous dépouille de notre humanité :
au contraire, sans doute nous habilitera-t-elle à utiliser ce que nous avons de
plus spécifiquement humain en nous libérant de tout ce qui peut être
automatisé. De sorte que si l’on accepte d’être optimiste, on peut se
demander : et si l’invasion des robots nous rendait plus
humains ? L’arrivée massive de ces prothèses cognitives va permettre à
l’humanité de se libérer de tâches algorithmiques qui n’étaient pas à la
hauteur des formidables potentialités de son cerveau. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
« Dormeurs
sentinelles » : des individus qui sont sur le qui-vive, habités du
sentiment qu’ils pourraient manquer quelque chose. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
le réel s’est fractionné en une multitude de
micro-événements qui créent chez beaucoup d’entre nous, bien au-delà des seuls
adolescents, une forme d’addiction. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Internet, parce qu’il est l’outil le plus
puissant à ce jour de la fluidification entre l’offre et la demande, permet
d’ajuster l’agenda de ses désirs à la libre disponibilité de propositions. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Le problème, c’est que les médias
traditionnels sont en train d’agir et de se comporter comme les médias sociaux
le font. Il se transpose une culture de médias sociaux dans le média
traditionnel. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Après une catastrophe, les ressources
récoltées découlaient mécaniquement de l’exposition médiatique de
l’événement : 18 % de dons en plus tous les 700 mots
supplémentaires écrits dans la presse et 13 % pour chaque minute à la
télévision. La récolte des fonds est un bon outil pour rendre visible cette
balance déréglée de notre perception des risques. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Pour des raisons de survie économique, les
médias conventionnels se tournent facilement vers des sujets à propos desquels
il existe une demande importante. Cet ajustement réciproque entre l’offre et la
demande s’est toujours produit dans l’histoire des médias mais Internet offre,
plus qu’aucun autre dispositif, la possibilité massive de cet ajustement. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Ainsi, nombre d’associations qui, à juste
titre, se préoccupent des questions climatiques, n’hésitent pas à demander
aussi la fin du recours à l’énergie nucléaire. Le débat est difficile mais il
est possible de se souvenir que cette énergie – qui n’est pas sans risque,
c’est entendu – est l’une des plus
vertueuses en matière d’émission de gaz à effet de serre. Le dernier rapport du
GIEC32 – auquel ces associations ne manquent pas de se référer
constamment – ne l’oublie pas, lui, puisque dans les quatre scénarios
qu’il envisage pour limiter le réchauffement climatique, il est toujours
question d’une augmentation de la part du nucléaire dans le mix énergétique.
Dans l’état actuel de la connaissance, il est possible d’être contre le
nucléaire, il est possible de vouloir lutter ici et maintenant contre le
réchauffement climatique, mais il n’est pas vraiment cohérent de faire les deux
en même temps. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Il est compréhensible que des peuples qui se
sentent en insécurité parce qu’ils croient vivre dans un monde empoisonné, ou
en décadence, ou encore simplement parce qu’ils ont le sentiment qu’ils perdent
de leur autonomie et de leur souveraineté, réclament une reprise de contrôle de
leur environnement. Est-ce pour ce type de raisons qu’une partie non
négligeable des peuples démocratiques se déclarent prêts à renoncer à une part
de leur liberté pour plébisciter un pouvoir autoritaire ? Toujours est-il
qu’un sondage de l’Ifop34 a montré récemment qu’en France, 41 % des répondants
se déclaraient favorables à l’établissement d’une forme autoritaire de pouvoir,
même si cela impliquait moins de contrôle démocratique. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Réseaux sociaux – qui sont devenus nos
habitats numériques – Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Dans la vie ordinaire, la proximité spatiale
entre les individus les enjoint souvent à éviter d’utiliser l’insulte ou
l’invective. Ce n’est pas que la chose soit impossible mais elle est plus rare
car en faire usage, c’est prendre le risque de payer instantanément le prix de
son agressivité : les réseaux sociaux n’offrent pas cette garantie
pacificatrice. Les échanges sur Internet incitent à ce que le professeur John
Suler (2004) appelle la « désinhibition numérique ». Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Sidérante extension que permet
l’hyper-conséquentialisme ? Le monde est enserré dans un filet de
causalités si complexe que n’importe qui, et en particulier ceux qui
bénéficient de cette asymétrie sociale qu’on appelle le pouvoir, peut être jugé
responsable d’une partie des malheurs qui y surviennent. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
N’importe quel drame, n’importe quel
accident mortel est inscrit dans un ensemble grand de causes partielles que le
zèle moral peut désigner une armée de responsables. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
N’importe lequel d’entre nous qui, par une
déclaration malheureuse, une blague pas toujours du meilleur goût ou une simple
expression qui ne plaît pas, peut être tenu responsable de rendre le monde plus
sombre. Le risque d’excommunication est d’autant plus fort que les opérateurs
de l’hyper-conséquentialisme éructent leur indignation au milieu du silence des
gens raisonnables, qui ne souhaitent pas être entraînés dans la fosse. Ceux qui
sont traînés dans la boue courent par ailleurs le risque d’une forme de
radicalisation. En effet, les seules mains qui se tendront vers eux sont celles
d’extrémistes de tout poil qui ont pour ainsi dire renoncé à la considération
morale de la norme. Il se trouve que nul ne peut être à la hauteur des
exigences morales de cet hyper-conséquentialisme car l’injonction d’assumer des
conséquences qui se situent en deçà de notre vigilance consciente est tout
simplement inhumaine. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Ceux qui peuvent revendiquer d’une façon ou
d’une autre le statut de victime. À ceux-là, une forme d’innocence adamique est
conférée, aux autres, une responsabilité morale dès la naissance. C’est la
reformulation du péché originel par l’hyper-conséquentialisme. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Choquer ne saurait être un but en soi, mais
vouloir se mettre à l’abri de propos perturbants, c’est la négation même de
l’acte de transmission du savoir. La théorie de l’évolution peut choquer
certains croyants, par exemple, il n’en demeure pas moins que la connaissance a
des droits que la croyance ne peut pas revendiquer. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Jouant sur la polysémie du terme
« violence », la rhétorique hyper-conséquentialiste suppose une
relation d’équivalence grossière entre la violence symbolique et la violence
physique, qui seraient à distinguer par le degré plutôt que par la nature. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Certains
problèmes sociaux peuvent sembler insolubles parce que la réduction de leur
prévalence porte les individus à élargir la définition implicite qu’ils ont
d’un phénomène. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Les violences objectives ont beau avoir
diminué massivement sur le long cours de l’histoire, comme le montre Steven
Pinker (2017), on finit par en voir sans cesse même dans un environnement
pacifié parce que subrepticement, on a modifié la conception même que l’on se
fait de la violence. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Cette sensibilité exacerbée du marché
cognitif à la conflictualité crée des attitudes opportunistes, c’est-à-dire une
tentation pour certains acteurs de jouer de la culture du conflit pour se faire
remarquer. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Le clash est un passage obligé pour qui veut
obtenir et consolider une position légitime, le clash est recherché, créé s’il
le faut artificiellement, car il est un très bon produit pour capter notre
disponibilité mentale. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Survenue d’une forme d’imprévu parfaitement
prévisible, qui est l’un des principaux attracteurs de notre attention. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Lors du procès, l’un des deux harceleurs
répond à la question du juge : pourquoi une telle méchanceté ? :
« Je ne vais pas dire que c’était pour gagner des points sur le forum ou des
points internet mais… c’est presque ça51. » Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Ensauvagement du Web, qui fait fondre comme
neige au soleil une partie de notre capital de disponibilité mentale tout en
dévoilant certaines de nos faces cachées. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Dans le monde du vivant, l’inédit veut donc
dire : « danger potentiel », mais aussi :
« opportunité ». Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
La poursuite jusqu’à l’obsession de ce qui
fait événement est particulièrement sensible pour les médias d’informations en
continu. Ils nous offrent parfois le spectacle d’un suspens vide, prenant des
élans de commentateurs sportifs pour gloser une énième fois sur les mêmes
images d’une poubelle qui brûle. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
C’est pourquoi ils se trompent sur la nature
humaine, ceux qui, à travers l’histoire, ont rêvé de sociétés purgées de toutes
les incertitudes de nos vies. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Les cités imaginées par More, Cabet,
Campanella et d’autres empruntent à la rigoureuse géométrie et lancent toutes
la promesse d’une vie débarrassée des grandes incertitudes humaines :
famine, guerre, maladie, angoisse liée à l’altérité amoureuse, pauvreté ou
délinquance… La gouvernance politique, en s’inspirant de la meilleure
ingénierie de l’époque et en promulguant quelques lois peu nombreuses mais
astucieuses, y a réussi à concevoir une société parfaitement égalitaire.
Nourriture et habits sont fournis gratuitement pour tous. L’éducation est
dispensée sans distinction de sexe ni d’origine sociale. Et pourtant, lorsque
l’on se plonge dans ces textes, c’est plutôt l’impression d’un enfer que d’un
paradis qui se dégage. Leur programme, aussi imaginaire soit-il66, ne permet
d’abolir l’incertitude qu’au prix d’une négation des distinctions
interindividuelles et donc des libertés fondamentales. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Exploration du possible, le désir de
surprise et l’appétit pour l’imprévu. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Ceux qui vivent de la diffusion de
l’information doivent sans cesse remonter la pente de la routinisation que
notre esprit fait subir à tout signal redondant. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Ces dix dernières années, près de
300 personnes sont mortes par « selficides ». C’est le terme
désignant les individus qui ont payé de leur vie le fait d’avoir voulu prendre
une photo d’eux-mêmes trop près d’un gouffre, d’un train en mouvement ou en
plaquant un pistolet contre leur tempe en matière de plaisanterie. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Le développement de la photographie nous a
permis de démultiplier notre image. Qu’on y songe : il se prenait moins
d’un milliard de photographies par an en 1930 alors qu’on en compte
aujourd’hui, chaque année, près de 1 000 milliards ! Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Quand l’inégalité est la loi commune d’une
société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout
est à peu près de niveau, les moindres le blessent […]. C’est à ces causes qu’il faut attribuer
la mélancolie singulière que les habitants des sociétés démocratiques font
souvent voir au sein de leur abondance89. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Facebook, ne cache pas que les algorithmes
du célèbre réseau social ont été conçus pour créer et renforcer des addictions qui
ressemblent à celles des joueurs frénétiques devant les machines à sous. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
59 % des personnes qui partagent des
articles sur les réseaux sociaux n’ont lu que les titres et rien de leurs
contenus. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Cette dérégulation a pour conséquence de
fluidifier sur bien des sujets la rencontre entre une offre et une demande, et
ce, en particulier sur le marché cognitif. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
La dérégulation du marché cognitif fait aboutir
en acte ce qui n’existait que sous la forme d’une potentialité. Sur le temps
long de l’histoire, cette potentialité a été contrariée par toutes formes de
régulation ou d’incommodités : censure, interdits religieux, obstacles
géographiques, limites informationnelles, paternalisme plus ou moins
bienveillant… Aujourd’hui, par l’entremise de la dérégulation du marché
cognitif, l’offre et la demande s’entrelacent pour le meilleur et pour le pire,
et nous contraignent à scruter une image réaliste de nous-mêmes. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
L’objectif d’un certain nombre de marketeurs
et de publicitaires est de nous faire confondre le plaisir et le bonheur. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Ce que nous pouvons comprendre du monde nous
est suggéré par une représentation préalable. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
L’offre, surtout lorsqu’elle cherche à
survivre dans un environnement devenu ultra-concurrentiel, est tentée de
proposer des récits amorcés par la peur ou l’indignation, par exemple. Disons-le
autrement : l’offre s’indexe de plus en plus sur la demande supposée. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Lorsqu’une mesure devient un objectif, elle
cesse d’être une bonne mesure. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Déclaration d’indépendance des États-Unis,
Thomas Jefferson, énonçait en 1785 dans ses Notes on the State of
Virginia : « Seule l’erreur a besoin du soutien du gouvernement. La
vérité peut se débrouiller toute seule. » Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
« La
quantité d’énergie nécessaire à réfuter des idioties est supérieure à celle
qu’il faut pour les produire. » Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Rétablir la vérité est souvent plus coûteux
que de la travestir. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Alexis de Tocqueville soulignait-il
qu’« une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de
puissance dans le monde qu’une idée vraie, mais complexe » Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Lorsqu’un esprit est distrait et qu’il doit
décider rapidement, il a statistiquement tendance à endosser des croyances
fausses125. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
La période de la pandémie, et en particulier
celle du confinement qui a été observé un peu partout dans le monde, a agi
comme un incubateur de crédulité. La raison la plus évidente est que ce temps
d’isolement spatial a coïncidé avec un recours plus massif à Internet et aux
réseaux sociaux126. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Une partie
des internautes à fréquenter des formes de raisonnements faux mais
vraisemblables. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Toujours le même périmètre
idéologique : trahison du peuple, doute sur les vaccins,
climato-scepticisme, rhétorique appelant au bon sens, et bien souvent
complotisme. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Plus il existe d’informations disponibles,
plus il est aisé d’en trouver au moins une qui confirme nos croyances –, Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Description présentée au premier
groupe : Steve est intelligent, travailleur, sanguin, critique, têtu et
envieux. Description présentée au deuxième groupe : Steve est envieux,
têtu, critique, sanguin, travailleur et intelligent. Le psychologue constata
que dans le premier cas, les sujets de l’expérience avaient une opinion de
Steve supérieure à celle que se faisaient les individus confrontés à la seconde
description. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Plus nous rencontrons le même argument, les mêmes
posts ou le même tweet, plus nous avons l’impression qu’il est vrai132. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
John Perry Barlow explique que grâce à
Internet, désormais, « ce que l’esprit humain crée peut être reproduit et
distribué à l’infini pour un coût nul. L’acheminement global de la pensée n’a
plus besoin de [n]os usines ». Apocalypse
cognitive, Gérald Bronnr
Nous créerons une civilisation de l’esprit
dans le cyberespace. Puisse-t-elle être plus humaine et plus juste que le monde
issu de vos gouvernements133. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Dans toute initiation, si l’on veut
entrevoir le Paradis, il faut d’abord en passer par l’Enfer. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
« La
réalité, c’est ce qui continue d’exister lorsqu’on cesse d’y croire. » Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Assurons-nous bien du fait avant que de nous
inquiéter de la cause. » Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
On entend parfois dire que si les humains
consomment des produits culturels médiocres, c’est parce que l’on ne leur fait
pas des propositions de qualité. À l’inverse, les plus pessimistes affirment
que les individus ont des goûts médiocres et sont incapables de se tourner vers
des spectacles exigeants. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Ainsi a-t-on pu supposer qu’il suffirait de
rendre gratuits les musées pour que les masses populaires les visitent avec
plus d’assiduité. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Les mass-médias comme des entreprises de
manipulation visant à asservir les foules en les uniformisant et en diffusant
une nouvelle forme de culture d’évasion et de divertissement plutôt qu’une
confrontation à la réalité,. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Comme le déclarait dans les années 1920
Charles Kettering, de la General Motors : « La clé de la prospérité
économique, c’est la création d’une insatisfaction organisée2. » Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Les grandes firmes ne répondent pas tant aux
demandes des individus qu’elles ne les fabriquent. Selon lui, elles agissent, par le truchement de la publicité
notamment, en créant artificiellement des manques que le produit qu’elles
proposent viendra combler. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
L’échelle de temps qui constitue notre
expérience directe n’est pas en mesure de nous faire prendre conscience que
99,9 % des espèces qui ont existé un jour ont disparu aujourd’hui. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Thèse de l’homme dénaturé par le marché rend
des services idéologiques, mais elle empêche de penser l’homme révélé par le
marché. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Jamais prendre de pari sur le goût du plus
grand nombre. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Les big data sont des outils de dévoilement
très puissants de notre médiocrité commune. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Ce n’est pas la qualité de l’information qui
lui assure une bonne diffusion mais plutôt la satisfaction cognitive qu’elle
procure. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Les mass-médias sont une usine
déterritorialisée, dans laquelle les spectateurs se fabriquent eux-mêmes de
façon à correspondre aux protocoles libidinaux, politiques, temporels,
corporels et, bien entendu, idéologiques, d’un capitalisme en voie
d’intensification croissante (2006, p. 112). Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Si l’on emploie dix minutes si précieuses
pour dire des choses si futiles, c’est que les choses si futiles sont en fait
très importantes dans la mesure où elles cachent des choses précieuses
s’enfermer dans un oligopole cognitif et de n’être alimenté que par des sources
d’information qui vont dans le même sens. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Ceux que décrivent la théorie de l’homme
dénaturé. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
D’une certaine façon, tous ces auteurs sont
un peu les enfants de Rousseau, qui est l’incarnation philosophique de cette
anthropologie naïve. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Il parie sur l’idée que c’est la multitude
qui pervertit l’individu. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Le thème de l’autosuffisance, si présent
dans l’idéologie décroissante, par exemple, est un signe patent de la
détestation du présent : un présent colonisé, à la faveur de la division
intensive du travail, par une forme de mécanisation et même d’algorithmisation
de nos gestes. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Ils en viennent à trouver le monde
déshumanisé, alors même que la représentation qu’ils se font de l’humanité
n’est guère réaliste. Apocalypse cognitive,
Gérald Bronner
Discours religieux, qui ne veut pas voir que
les êtres humains sont, par exemple, éminemment intéressés par la sexualité. Et
pourtant, cet attrait est impitoyablement révélé par les données massives qui
émergent du marché cognitif. Mais plutôt que d’accepter cette part de notre
humanité, les religions ont inventé un état adamique et une dénaturation par le
péché originel. Plutôt que de chercher à aménager des compulsions qui peuvent
être funestes, elles préfèrent en nier la naturalité. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
La classe dominante a plus d’un tour dans
son sac. Le plus pernicieux d’entre eux est la domination même des esprits, qui
contraint les dominés à aimer le système qui les asservit. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Ces idées rousseauistes d’un homme dénaturé
ont imprégné notre façon de voir le monde. Elles conduisent même à penser que
tous les invariants révélés par la dérégulation du marché cognitif ne sont
qu’artificiels. Nous avons vu les services idéologiques que rend cette
partition entre l’essentiel et l’accidentel, mais elle en rend un autre.
Augmenter l’empire de l’accidentel sur l’essentiel, comme le font les travaux
sur la construction sociale, par exemple, est porteur d’un grand espoir :
on autorise l’idée qu’il est possible de tout changer puisque le monde est
malléable. Plus nous concentrons nos efforts pour montrer que tel élément de
notre vie, y compris biologique, n’est rien d’autre qu’une construction
sociale, plus nous étendons les frontières de l’action politique. Toutes les
utopies sont alors possibles, il suffit de le décider. C’est là une perspective
réjouissante, mais qui n’est jamais dénuée d’intentions dont on peut craindre
qu’elles sont plus politiques que scientifiques. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Le pouvoir est inhérent à toute société […]
une société parfaitement homogène, où les relations réciproques entre les
individus et les groupes élimineraient toute opposition et toute coupure,
paraît une société impossible. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
L’écart cruel qui existe entre une
représentation anthropologique naïve et l’univers des probables tel qu’il est
prédit par les invariants de l’espèce. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Cette vaine tentative reflète malgré tout la
pertinence de nos idées, car tout ne fut pas négatif et l’échec ne tient pas
aux idées libertaires mais peut-être au fait qu’elles furent mal appliquées ou
mal digérées. Ce maudit communisme anarchiste qui n’a pas fini de nous séduire,
va bien finir par vivre (2001). Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Les mesures d’audience fournissent désormais
des preuves empiriques. Avant, on pouvait facilement blâmer les journalistes
pour avoir appliqué leurs propres stéréotypes […] mais aujourd’hui, informés de
toutes ces données d’audience, ils peuvent affirmer […] qu’ils répondent
simplement à la nature humaine20. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Existe des conflits au cœur même de notre
cerveau. La résolution de ces conflits vient souvent de ce que nous acceptons
de céder à des satisfactions à court terme en nous promettant de régler le
problème à long terme. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Les informations et les choix qui nous sont
proposés sur les réseaux sociaux, les plateformes d’achat de livres ou de consommation
de fictions, dépendent des traces d’intérêt que nous avons déjà laissées dans
cet univers. De la sorte, le risque est grand que les algorithmes amplifient la
médiocrité de nos choix et nous y enferment plutôt qu’ils nous aident à nous en
émanciper et à édifier nos esprits. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Programmés pour tirer profit des traces
sociales que nous laissons un peu partout, ceux-ci amplifient jusqu’à la
déraison la logique de ces traces, au point parfois de créer des effets pervers
préoccupants. Cathy O’Neil montre, par exemple, que les notations automatiques
des enseignants ont aggravé les inégalités qu’elles prétendaient corriger ou
que les processus d’attribution de crédit ont tendance à renforcer les logiques
discriminatoires qui y président. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Il est vrai que la dérégulation du marché de
l’information rend visibles des aspirations auparavant confinées. La volonté de
parler directement au « peuple » et de faire parler directement le
« peuple » est une des autres narrations possibles de la
fluidification de l’offre et de la demande. Les thèmes de cette fiction
politique sont bien connus et anciens mais les méthodes, elles, très modernes.
C’est pourquoi on peut qualifier ceux qui proposent cette interprétation de la
situation de néo-populistes. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Les démocraties, dès les premiers moments
historiques qui les ont fait advenir, ont ménagé un espace plus ou moins formel
de contrôle du politique, toujours suspect de trahir le peuple. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Structure argumentative que se construisent
certains mythes du complot. Ceux-ci convoquent souvent une avalanche
d’arguments disparates pour semer la confusion dans l’esprit de qui est disposé
à douter de la réalité historique, et un certain nombre peuvent paraître
convaincants sans être vrais. Le célèbre argument is fecit cui prodest (à qui
profite le crime), utilisé comme prologue dans toutes les théories
conspirationnistes, est particulièrement représentatif de cette démagogie
cognitive qui s’épanouit dans le monde contemporain. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Symptômes de la démagogie cognitive. Une
analyse spécifique de la rhétorique de Donald Trump montre que, de tous ses
prédécesseurs, il est celui qui utilise le moins la pensée analytique et parle
avec le plus de témérité. Le président ne représente donc pas tant une anomalie
historique que la continuation caricaturale d’une tendance de fond. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
L’anthropologue Edward T. Hall (1974).
Le terme « proxémie », sous sa plume, désignait la distance minimum
que les individus maintiennent entre eux au cours de leurs interactions. Le
terme « proxémie politique » indique ici une distance symbolique
plutôt que spatiale. Lorsque ces corps essentiels à la vie démocratique que
sont les élus et les électeurs ont l’un de l’autre des représentations
fantasmées, la proxémie politique atteint un niveau critique. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
La transparence permettra de lever les
malentendus entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. La
seconde prétend réformer nos systèmes politiques en en renouvelant les formes
d’expression par la démocratie participative : une façon parfois de
délégitimer les experts pour renouer avec le bon sens populaire. Ces deux
recours sont légitimes d’un point de vue démocratique mais problématiques au
regard de leurs applications pratiques33.
Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Rire confère une impression illusoire de
complicité, donc de proximité. Il est l’outil idéal de la désintermédiation. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
On ne cesse de voir opposé le « bon
sens » au cynisme des experts, par exemple. C’est également pour cette
raison sans doute croyance se trouve contaminée par le désir : dans le
doute, crois ce que tu souhaites vrai ! Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Sondage Ifop indiquait-il que les
sympathisants de La France insoumise et du Rassemblement national croyaient,
plus que les autres, aux vertus de l’hydroxychloroquine. Celle-ci était presque
devenue une molécule d’opposition, voire de contestation. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
En témoigne le fait que les sondés se
sentant Gilets jaunes lui affichaient un soutien particulièrement marqué
(80 %). Un autre sondage, mené par Harris Interactive en mai 202042,
indiquait que, si 45 % de l’ensemble des sondés déclaraient avoir une
« bonne opinion » du professeur, sa cote de popularité grimpait à
72 % chez les sympathisants du Rassemblement national et chez ceux de La
France insoumise. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Il existe même des cabinets de conseils
prédictifs fondés sur les allégations d’auteurs de science-fiction. PwC propose
ainsi ses services aux 500 entreprises les plus riches du monde, parmi
lesquelles Visa ou Pepsi, en convoquant les romans d’anticipation pour
favoriser l’innovation. Ces nouvelles techniques de planification pour les
entreprises portent des noms très explicites comme future casting ou
encore world building51. Un appariement s’opère donc entre la fiction et
le possible parce qu’entre tous les mondes explorables, notre imagination
s’oriente vers ceux qui ont déjà fait valoir leur puissance d’évocation par la
fiction. Apocalypse cognitive, Gérald
Bronner
Sidérante extension que permet
l’hyper-conséquentialisme ? Le monde est enserré dans un filet de
causalités si complexe que n’importe qui, et en particulier ceux qui
bénéficient de cette asymétrie sociale qu’on appelle le pouvoir, peut être jugé
responsable d’une partie des malheurs qui y surviennent. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
N’importe quel drame, n’importe quel
accident mortel est inscrit dans un ensemble grand de causes partielles que le
zèle moral peut désigner une armée de responsables. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
N’importe lequel d’entre nous qui, par une
déclaration malheureuse, une blague pas toujours du meilleur goût ou une simple
expression qui ne plaît pas, peut être tenu responsable de rendre le monde plus
sombre. Le risque d’excommunication est d’autant plus fort que les opérateurs
de l’hyper-conséquentialisme éructent leur indignation au milieu du silence des
gens raisonnables, qui ne souhaitent pas être entraînés dans la fosse. Ceux qui
sont traînés dans la boue courent par ailleurs le risque d’une forme de
radicalisation. En effet, les seules mains qui se tendront vers eux sont celles
d’extrémistes de tout poil qui ont pour ainsi dire renoncé à la considération
morale de la norme. Il se trouve que nul ne peut être à la hauteur des
exigences morales de cet hyper-conséquentialisme car l’injonction d’assumer des
conséquences qui se situent en deçà de notre vigilance consciente est tout
simplement inhumaine. Apocalypse
cognitive, Gérald Bronner
Ceux qui peuvent revendiquer d’une façon ou
d’une autre le statut de victime. À ceux-là, une forme d’innocence adamique est
conférée, aux autres, une responsabilité morale dès la naissance. C’est la
reformulation du péché originel par l’hyper-conséquentialisme. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Choquer ne saurait être un but en soi, mais
vouloir se mettre à l’abri de propos perturbants, c’est la négation même de
l’acte de transmission du savoir. La théorie de l’évolution peut choquer
certains croyants, par exemple, il n’en demeure pas moins que la connaissance a
des droits que la croyance ne peut pas revendiquer. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Jouant sur la polysémie du terme
« violence », la rhétorique hyper-conséquentialiste suppose une
relation d’équivalence grossière entre la violence symbolique et la violence
physique, qui seraient à distinguer par le degré plutôt que par la nature. Apocalypse cognitive, Gérald Bronner
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire