Ethique du Samourai Moderne, Patrice
Franceschi
Petit
manuel de combat pour temps de désarroi
Pour le
corps et le mental, la transmission de l’ensemble des arts martiaux
traditionnels ; d’autre part, pour l’âme et l’esprit, un guide nouveau
concernant la conduite
L’incessant
et vertigineux progrès technologique masquait la stagnation du progrès humain,
voire sa fin – et cette fin signifiait également la disparition d’une volonté,
celle de vivre librement, c’est-à-dire d’agir et de penser par soi-même.
« l’humanisme combattant ».
Par cette
sorte de « savoir de la chair », il voulait rendre l’excellence
accessible à chacun, sans présupposés culturels ou sociaux.
Préparez-vous
à vivre dans un monde empli de prisons invisibles, un monde de fausses libertés,
dénué de culture et de civilisation, un monde d’hommes à tête sans visage.
Du facile
au difficile, la pente est montante. Du difficile au facile, la pente est
descendante.
Soyez
encore comme l’arbre : ses racines ancrées dans le passé lui fournissent
sa substance de vie, son tronc se nourrit de cette substance pour affronter le
présent, ses branches poussent vers le ciel pour dessiner l’avenir de leur
choix.
Car vivre
seulement dans le passé c’est mourir, seulement dans le présent c’est jouir de
choses fugaces, seulement dans l’avenir c’est se perdre par avance.
Je suis
simplement l’initiateur des choses à penser.
Si vous ne
pouvez rien contre la mort, votre regard peut tout contre elle.
Soyez les
maîtres de votre regard, samouraïs des temps à venir.
Pourquoi
faire durer les naufrages ?
L’air du
temps dédaigne la raison et révère l’insignifiance qui monte. Ne veut-on pas,
pour notre plus grand bien, nous dispenser de tous les efforts – jusqu’à nous
épargner le plus pénible d’entre eux : penser par nous-mêmes ?
Le bonheur
véritable n’est rien d’autre que l’adéquation constante entre ce que l’on pense
et ce que l’on fait.
Penser pour
agir droitement » et « agir pour penser justement » – ainsi que
l’exigent deux de nos préceptes.
« Fais
quelque chose de ta vie » plutôt que : « Jouis des biens de ce
monde. »
Ainsi, que
craint l’homme ancien ? La mort. Que craint le samouraï moderne ? De
mal employer le temps précédant sa mort.
« Homme
insensé, n’as-tu pas vu que le bien c’est au moins ce qui te fait du bien et le
mal ce qui te fait du mal ?
Qu’il est
bon que votre corps soit le serviteur de votre esprit et que vous devez les
faire cheminer ensemble comme un attelage parfait.
Ainsi,
courage et volonté sont les deux chevaux d’un attelage mené par un cocher
nommé raison. L’un des guides logés dans le corps de ce cocher s’appelle
générosité.
À la plus
grande des dignités – mais la plus dangereuse de toutes : devenir à
vous-mêmes votre propre loi. Peu vous importeront alors les lois des pays où
vous cheminerez. Seules compteront les lois de l’éthique du samouraï moderne.
Ainsi, ne
craignez pas les épreuves. Souhaitez-les même avec impatience – s’il le faut,
appelez-les de vos vœux. Car comment connaître votre valeur sans vous soumettre
à ces tribunaux de la vérité ? C’est par elles que vous pourrez répondre à
l’antique interrogation : « Connais-toi toi-même », c’est par
elles que vous serez forgés – et non par le cours paisible qui affecte les vies
sans buts. Souvenez-vous de ceci : la vraie valeur est avide de périls.
Quel que
soit le métier dans lequel vous déciderez d’entrer, samouraïs du futur, il
comportera deux routes entre lesquelles il vous faudra choisir : la route
qui fait les carrières et la route qui fait les destins. Vous savez par avance
ce que doit être votre choix – et rien ne doit vous en détourner. Souvenez-vous
qu’à trop penser à son estomac on finit par imiter le bétail.
Effacer de
votre dictionnaire ces mots de découragement et de renoncement. Cela fait,
demandez-vous quel est votre adversaire principal, celui dont vous ne pourrez
jamais effacer le nom : vous-même.
Vous serez
à tout instant la somme de vos actes –
Par valeur
universelle, nous autres samouraïs modernes entendons une valeur partagée par
tous les hommes, en tout temps, en tout lieu, et dans toutes les sociétés.
Trois de ces valeurs ont pour noms : générosité, courage, intégrité.
Elles demandent des efforts pour exister en acte.
L’un de vos
adversaires se nomme : aveuglement.
Mieux vaut
risquer de se perdre qu’hésiter à agir. Vivez dangereusement.
Qu’est-ce
que le progrès ? Toute nouveauté qui rend l’homme plus humain qu’il
n’était. C’est une évidence au regard de notre éthique. Par conséquent, les
choses nouvelles qui ne mènent pas à ce but doivent être appelées : « faux
progrès ».
Pour lutter
contre la vie aseptisée, il faut parler vrai. De manière générale, soyez
poliment incorrects quand il faut être correct et polis incorrectement quand il
faut être poli.
Si le pire
nous arrive, nous pouvons toujours le surmonter par le mépris.
Et
qu’est-ce que le vrai ? Ce que l’on ne peut plus dépasser.
Qu’est-ce
que le respect ? Tout acte envers un homme – ou toute parole – qui lui
donne le sentiment « d’être ce qu’il sent qu’il est ».
Qu’est-ce
que le discernement ? La faculté de distinguer les biens et les maux, le
juste et l’injuste, l’honnête et le malhonnête, l’utile et l’inutile, le grand
et le petit.
Si tu
reconnais que la tension des opposés peut être fructueuse, tu rendras fécondes
toutes les contradictions qui sont en toi. »
Faites-en
au contraire votre plus grande force – puisque vous demeurez propriétaires
de votre vision du monde par la maîtrise de votre regard.
Aucune
éthique ne subsiste sans une force pour la défendre.
Il arrive
que ce soit en mourant que l’on se sauve.
Puisqu’un
samouraï moderne agit toujours pour plaire à son âme.
Quand les
circonstances et la nécessité l’exigent, il faut entrer dans la mêlée et
préférer la mort à la servitude. »
Vous ne
devez jamais accepter l’humiliation dans vos vies. Ni l’humiliation qu’on vous
inflige, ni celle que vous pouvez infliger.
Lutter
avant tout contre la contrefaçon qui hante le monde – l’autre nom du mensonge
et de la tromperie.
Nous ne
sommes pas simplement responsables de nos actes. Nous sommes responsables de
tout ce qui se passe sous nos yeux.
Toujours
ils vous convieront au grand banquet du divertissement et de sa société pour
faire en sorte qu’à trop aimer le plaisir vous ne soyez plus capables de rien.
Être
davantage victime que son voisin, telle est la grande compétition des temps
modernes – amour dénaturé de la fierté.
Ne faites
jamais vos choix en calculant les gains ou les pertes, vous n’iriez jamais très
loin –
Décidez-vous
toujours en fonction de ce en quoi vous avez foi – et quel que soit le prix,
payez avec joie.
Car les
hommes qui sont à plaindre sont ceux qui s’assoupissent dans le bonheur jusqu’à
perdre leur fonction créatrice.
Voilà
quelqu’un qui n’a besoin que de lui-même.
Ne plus
avoir à penser par soi-même. C’est surtout cela que l’on pourrait appeler la
fin du monde.
Il y a une
colère qui naît à cause de notre sottise et une colère qui naît devant ce que
nous devons refuser. Cette colère positive est l’origine profonde de nos
révoltes et de nos décisions de combat.
« Avant
nous, il était des choses qui étaient mieux et d’autres qui ne l’étaient pas.
Après nous, il y aura des choses qui seront mieux et d’autres qui ne le seront
pas. »
Qu’il est
agréable de déplaire aux gens mauvais. N’est-ce pas la preuve que l’on se trouve
sur la bonne voie ?
« S’ils
tombent, ils combattent à genoux. »
Ne tenez
jamais compte des jugements que l’on porte sur vous – ni ceux en bien, ni ceux
en mal. C’est l’une des conditions de votre liberté.
Dans notre
« monde mondialisé » où chacun juge chacun, seuls les vaniteux se
réjouissent du bien que l’on pense d’eux, et seuls les incertains s’accablent
du mal que l’on propage sur eux.
Que l’on
vous juge autant au nombre de vos amis qu’à celui de vos ennemis.
Aussi
longtemps que vous existerez, vous devrez vivre aux aguets
Ce qui doit
être acquis est tout ce qui vient au secours de l’esprit pour le faire passer
de l’obscurité à la lumière. Ce qui peut être délaissé est tout le reste – le
superflu.
L’insécurité,
la solitude, l’inconfort, vous garderont de toute dérive.
Ce qui nous
arrive dans l’existence, le bon comme le mauvais, nous ne le devons qu’à
nous-même.
« Qu’est-ce
que la résignation, maître Isogushi ? » Je vous réponds : « Le fait
de soupirer en haussant les épaules devant une chose négative au lieu de la
refuser. »
Liberté et
beauté ou – comme je l’ai déjà dit – vérité et silence, bruit et mensonge.
Concorde et
discorde. Construction et destruction. Toute chose et son contraire.
Harmonie
des contraires.
Il existe
un remède à la brutalité de la loi des rapports de force. Pour les relations
entre les hommes, ce remède s’appelle : amitié. Entre les États, il se
nomme : réciprocité.
« Qu’est-ce
exactement que la réciprocité, maître Isogushi ? » Je
réponds : « L’acceptation par le fort d’un équilibre de puissance
avec le faible.
Faire de
chaque seconde une vie entière
Mémoires –
ce lieu où nous déposons sans cesse notre identité
Que faut-il
supprimer chez un homme pour espérer le voir devenir ce qu’il doit
devenir ? La réponse tient dans la “liste de toutes les peurs” : La
peur de mourir. La peur de vivre. La peur des autres. La peur de soi. La peur
de l’avenir. La peur d’aimer.
La
littérature comme arme de combat. Et la poésie comme cuirasse de vie.
Cette
rhétorique du contre-progrès existe depuis l’origine des temps et ce sont
toujours des hommes sans squelette qui l’utilisent et la maintiennent en vie
Conservez
en votre être intime la certitude qu’exister, agir et penser sont aussi une
seule et même chose et vous ne craindrez rien ni personne.
Ne jamais
confondre Idéal et Idéologie. L’Idéal dit : il est dommage que les hommes
ne puissent pas voler comme les oiseaux. Voyons voir comment les imiter.
L’Idéologie dit : il est injuste que les hommes ne puissent pas voler
comme les oiseaux. Voyons voir comment punir ces derniers et prendre leur
place.
Ne craignez
pas de penser à l’inverse du plus grand nombre, d’aller à contre-courant, de
naviguer contre vents et marées – d’être seuls.
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