Ce qui est
sacré dans la science, c'est la vérité. Ce qui est sacré dans l'art, c'est la
beauté. La vérité et la beauté sont impersonnelles. impersonnelles. Tout cela
est trop évident. Si un enfant fait une addition, et s'il se trompe, l'erreur
porte le cachet de sa personne. S'il procède d'une manière parfaitement
correcte, sa personne est absente de toute l'opération.
Tout
l'effort des mystiques a toujours visé à obtenir qu'il n'y ait plus dans leur
âme aucune partie qui dise “je”.
Imaginons
que le diable est en train d'acheter l'âme d'un malheureux, malheureux, et que
quelqu'un, prenant pitié du malheureux, intervienne dans le débat et dise au
diable : “Il est honteux de votre part de n'offrir que ce prix ;
l'objet vaut au moins le double.” Cette farce sinistre est celle qu'a jouée le
mouvement ouvrier, avec ses syndicats, ses partis, ses intellectuels de gauche.
Bernanos a
eu le courage d'observer que la démocratie n'oppose aucune défense aux
dictateurs.
Si l'on dit
à quelqu'un qui soit capable d'entendre : “Ce que vous me faites n'est pas
juste”, on peut frapper et éveiller à la source l'esprit d'attention et
d'amour. Il n'en est pas de même de paroles comme : “J'ai le droit de...”,
“Vous n'avez pas le droit de...” ; elles enferment une guerre latente et
éveillent un esprit de guerre. La notion de droit, mise au centre des conflits
sociaux, y rend impossible impossible de part et d'autre toute nuance de charité.
À notre
époque d'intelligence obscurcie, on ne fait aucune difficulté de réclamer pour
tous une part égale aux privilèges, aux choses qui ont pour essence d'être des
privilèges. C'est une espèce de revendication à la fois absurde et basse ;
absurde, parce que le privilège par définition est inégal ; basse, parce
qu'il ne vaut pas d'être désiré.
On n'entre
pas dans la vérité sans avoir passé à travers son propre anéantissement ;
sans avoir séjourné longtemps dans un état d'extrême et totale humiliation.
Et chaque
malheureux, sous la contrainte de l'indifférence générale, essaie par le
mensonge ou l'inconscience de se rendre sourd à lui-même.
Quand on
parle du pouvoir des mots il s'agit toujours d'un pouvoir d'illusion et
d'erreur. Mais, par l'effet d'une disposition providentielle, il est certains
mots qui, s'il en est fait un bon usage, ont en eux-mêmes la vertu d'illuminer
et de soulever vers le bien. Ce sont les mots auxquels correspond une
perfection absolue et insaisissable pour nous.
Au-dessus
des institutions destinées à protéger le droit, les personnes, les libertés
démocratiques, il faut en inventer d'autres destinées à discerner et à abolir
tout ce qui, dans la vie contemporaine, écrase les âmes sous l'injustice, le
mensonge et la laideur. Il faut les inventer, car elles sont inconnues, et il
est impossible de douter qu'elles soient indispensables.
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