Droit dans
le Mur, Jean François Kahn, Plon
Offrir, en prime, à
Macron 65 % de députés avec 24 % de votes ?
Ce qui, paradoxalement,
laisserait entendre que la question serait sale et, qu’au nom des idées
propres, les choses sales doivent être cachées (alors que la gauche devrait, au
contraire, concourir à rendre la chose propre pour refouler les idées sales).
Aborder la question sociale,
celle des inégalités, des précarités, des pauvretés, aborder la question
territoriale, cela s’impose, évidemment (encore que l’on ait de plus en plus
tendance à occulter aussi ces questions-là au nom de l’impératif écologique),
mais les questions migratoires, tabou ! Non-sujet !
Avec la désindustrialisation
s’est effacée une culture construite dans les luttes du mouvement ouvrier ou
issue du christianisme social et des mouvements d’éducation populaire qui
offraient un cadre sur le plan politique, sociétal ou amical.
L’agitateur, lui, lui
dit : “Continuez de vous gratter.” Il est attiré par le malaise comme les
mouches par le fumier. Il se vautre dans le malaise, il s’en délecte, le
déforme, le creuse, l’exagère jusqu’au point où ce malaise se transforme
presque en relation paranoïaque au monde. »
Ce n’est pas Dieu qui a créé
les hommes, ce sont les hommes qui ont créé les dieux.
On est porté au pouvoir par
le parti qu’on représente. Quand on quitte le pouvoir, il n’y a plus de parti,
on l’a achevé : on n’y est pour rien ?
Avoir tort ou raison, la
question n’est plus posée, il n’est plus vraiment nécessaire d’avoir lu.
Leur analyse s’assimilant en
quelque sorte à une autoanalyse
Deux approches s’étaient
opposées, cela alimentait un débat. Le débat, la controverse constituaient une
fin en soi, constitutive d’un binarisme médiatique structurant, l’opposition de
deux opinions qui n’étaient, et ne devaient rester, que des opinions,
recyclables à toute occasion afin, comme on dit, d’« alimenter le
débat ». Le débat, en somme, ne devait pas être considéré comme un
« moment », mais comme un « état
Les impératifs de son prestige
personnel, de son quant-à-soi, de son orgueil, éternelles sources des erreurs
les plus destructrices.
Le « roman
national » (tous les romans nationaux), c’est d’abord cela : un galet
roulé par les vagues de l’océan du temps, poli par ses houles, trop poli pour
être honnête. Une histoire, en somme, purgée de tout ce à propos de quoi on
risquerait de faire des histoires.
Les pires fautifs (ou fauteurs) qui font partie
du jury, que le « roman national » constitue une sorte de laverie
automatique, de blanchisserie de toutes les taches qui maculèrent les neiges
d’antan, cela, convenons-en, l’autodépeçage volontaire d’une nation,
l’Assemblée constituante
de 1789, Robespierre et Marat proposèrent une loi d’abolition de la peine
de mort, au moins en matière politique. La proposition fut repoussée. La
plupart de ceux qui la repoussèrent perdirent la tête. Sur consigne de
Robespierre et après dénonciation de Marat.
49 % égale zéro.
Puisque peuple ne se décline
qu’au singulier, il ne peut évidemment y en avoir deux, les autres étant
nécessairement des chancres du peuple), il n’était pas envisageable que le pire
s’y soit invité.
Même dégoulinant de sang, le
djihadiste était un insurgé : il ne pouvait donc pas être totalement
coupable.
C’est ainsi que la crapulerie
du pouvoir syrien de Bachar el-Assad justifia que, presque jusqu’au bout,
contre l’évidence, on s’interdise de voir dans ceux qui l’affrontaient, trop
souvent séides d’Al-Qaïda puis de Daech, autre chose que des « rebelles
modérés »
Dépréciation des phares
médiatiques de la pensée progressiste, révolutionnaire ou réformiste ;
double enfermement, dans les deux cas au nom de la « modernité », des
deux ailes d’une nouvelle intelligentsia de plus en plus parcellisée, ici dans
un révolutionarisme libertaire de posture, là dans un droitisme néomaurrassien
d’opportunité
L’injonction
« passe-moi le sel » était déclinée sur un mode heideggérien.
Viagra logomachique pour
tendre vers des cimes de l’incommunicable.
En prenant en compte tout ce
qui était mentalement dérangeant, on eût subverti, non pas une façon de mal
penser, mais, ce qui était pire, ou plus traumatisant, une façon de « bien
penser ». Refuser le réel revenait, en quelque sorte, à protéger le réel
de lui-même, à le purger de sa dégradation et à s’accrocher de la sorte à toute
raison, honorable, de continuer à se convaincre qu’on pensait bien.
La première erreur, celle
des scolastiques, le refus d’accueillir, d’admettre le « moment de
vérité » galiléen, eut cette conséquence que le monopole de la pensée,
puis la pensée elle-même échappèrent aux clercs. La seconde erreur, celle
d’aujourd’hui, eut cette autre conséquence que le monopole de la représentation
du peuple, puis le peuple lui-même, échappèrent à la gauche.
Voter à droite pour un
électeur ouvrier ou chômeur d’Hénin-Beaumont, c’eût été de la collaboration de
classe. Voter Front national, ça ne l’était plus.
Un complexe néocolonial,
paternaliste donc, avait conduit toute une fraction de la gauche à considérer
que les acquis de son combat séculaire ne pouvaient pas concerner une
population, la population musulmane, qui n’était pas au « niveau ».
Au point d’accepter de comprendre, de défendre même, qu’elle déroge à la règle
commune, fruit de ce combat émancipateur, exactement comme hier on lui parlait
petit nègre ! De la conception, juste, que ceux qui nous enrichissaient de
leur différence ne sont pas nécessairement « comme nous », on en
était arrivé, subrepticement, à la nécessité de régulariser (sorte d’apartheid
culturel en somme) le fait qu’ils étaient moins que nous. En dessous de nous.
Et finalement, à bien y
réfléchir, à la droite extrême on fit ce cadeau-là aussi : on lui sacrifia
l’universalité. On la conforta, cette droite extrême, dans le préjugé qu’une
religion était hors norme, inintégrable aux acquis de notre pluralité, que nos
principes, nos valeurs, nos lois mêmes ne lui étaient pas applicables. Et, en
cela, nous démocrates, nous respectueux des différences, nous enfants de
l’émancipation laïque, dans l’enseignement en particulier, nous nous rendîmes
coupables d’une double trahison : on abandonna, on livra même ceux, parmi
les musulmans, potentiellement majoritaires, qui menaient le même combat que
celui que nous avions mené, et on accepta au nom, en réalité, d’une dépréciation
méprisante de l’autre, que, en vertu de sa différence confessionnelle, une
catégorie humaine soit rejetée hors de l’universalité des principes et des
valeurs qui nous soudait, qui nous constituait en tant que communauté.
La social-démocratie, à qui
notre civilisation doit tant, avait, à peu près partout, trompé son électorat
pour se vautrer voluptueusement dans le plumard néolibéral au moment même où
ses édredons perdaient leurs plumes.
Modernité qui dévastait,
ravageait, tout ce qui participait de l’identité spécifique des classes
populaires.
A la fois l’incontestabilité
de l’erreur et le refus des protagonistes d’en prendre acte, d’en analyser les
causes et les fondements, de s’interroger sur les failles de leurs
raisonnements.
Le binarisme manichéen entraîne
mécaniquement la conviction que les ennemis de mes ennemis représentant le camp
du bien et figurant, en cela, mes alliés de cœur, on ne saurait leur contester
ce statut sans se dénoncer en agents objectifs du camp du mal.
Quand l’extrémiste islamiste
afghan, l’extrémiste islamiste algérien, l’extrémiste islamiste syrien,
l’extrémiste islamiste tchétchène révélèrent leur véritable nature, en même
temps que l’ascendant qu’ils avaient pris, le mal étant incarné par l’occupant
russe, les généraux algériens, le dictateur Bachar el-Assad ou Vladimir
Poutine, les coupables furent aussi longtemps innocentés que le fut Esterhazy.
Le problème n’était pas
qu’on ait eu tort ou raison, mais qu’on se soit placé ou pas du bon côté.
Mieux vaut avoir tort avec
l’un que raison avec l’autre.
Dès lors qu’un
« fait » va dans le sens souhaité, sa véracité doit être affirmée,
établie, même s’il s’avère faux, dût-on imaginer un faux pour prouver qu’il est
vrai. Maurras ne cessa de théoriser cette assertion : l’utilité d’une
thèse doit l’emporter sur la probation de sa pertinence.
Mais qu’en est-il, quand une
forme de raisonnement, une forme de rapport intellectuel au réel, n’engendrent
systématiquement que des catastrophes ou des ignominies
Imaginer le forfait, le
conceptualiser, le préconiser, le justifier, serait moins grave que de le
commettre ? On ne saurait dévaloriser plus radicalement l’intelligence que
proclamer aussi froidement que le cerveau n’a pas à rendre compte des
agissements du corps, qu’il n’est pas ordinateur ou ordonnateur mais amas de
mou.
Un scientifique, dont toutes
les recherches ou expériences tourneraient au fiasco, perdrait toute sa
crédibilité. Un philosophe, qui se serait systématiquement trompé, peut fort
bien, en revanche, conserver son statut et maintenir sa réputation. Comme si,
là encore, la preuve de sa totale inadéquation à la réalité (parfois même à
toute réalité) n’invalidait nullement le processus intellectuel qui a présidé
au rapport du penseur en question à cette réalité.
L’intellectuel, le
philosophe, le penseur ne sont presque jamais confrontés aux concrétisations de
leurs recommandations, de leurs préconisations, de leurs exigences ou de leurs
croisades.
Un industriel dont la
gestion est catastrophique fait faillite. Si un théoricien préconise un système
qui, à l’expérience, s’avère désastreux, c’est le système qui fait faillite,
pas le théoricien.
Quand, derrière telle ou
telle personnalité, c’est toute une « école » qui s’est trompée,
l’école sert de blockhaus à la personnalité, après que la personnalité aura
servi de char d’assaut à l’école.
Le communisme et le
christianisme offrirent longtemps leur muraille protectrice à ceux qui
diffusèrent, de l’intérieur de leur citadelle, des assertions que l’on préféra
oublier plutôt que de reconnaître leur insanité et d’analyser les causes qui
expliquent qu’elles aient pu être proférées.
L’activisme associatif et
médiatique de la gauche libertaire lui suffit.
Regard implacable dans le
rétroviseur : en 1938, l’approbation unanime – oui,
unanime ! – par les socialistes français des accords de Munich, le
lâchage de l’Espagne républicaine, le vote majoritaire des pleins pouvoirs au
maréchal Pétain, le leadership de l’action résistante abandonné aux gaullistes,
aux communistes, voire aux démocrates-chrétiens, la lamentable aventure de
Suez, l’effarante sous-estimation de la dynamique de libération nationale dans
l’ensemble de l’espace colonial, la démission devant les diktats de la haute
hiérarchie militaire en Algérie.
La social-démocratie
à 6 % en France, à 5 % en Israël, inexistante en Russie,
quasiment à 0 % au Japon, en Hongrie, en Pologne, écroulée même en
Allemagne, sa patrie). Jusqu’au bout on refusa de regarder cette réalité en
face : pourquoi, pour quelles raisons, un mouvement politico-social qui a
tant apporté au progrès de nos civilisations s’est-il, à partir d’un certain
moment et en si peu de temps, affaissé à ce point ? Pourquoi, surtout, à
la suite de quelles fautes impardonnables sa base sociale a-t-elle
irrésistiblement glissé en direction du camp d’en face, cette extrême droite
parfois fascisante qu’on eut la folie de qualifier de
« populiste » ?
Le « revenu
universel », quelle bonne idée ! Milton Friedman, le pape du
néolibéralisme, l’avait eue, cette idée, l’un des premiers. L’idée en question
était qu’on cesse d’imposer des contraintes sociales au patronat, qu’il
dégraisse à sa guise, mais qu’à tous les exclus qui en seraient les victimes
l’État verse une compensation. Un revenu. Une aumône ?
Quand Benoît Hamon réactualisa
le « revenu universel »,, sans
en avoir vraiment étudié les implications, la proposition, on l’avisa vite que,
dans bien des cas, le revenu en question risquait d’être plus faible que les
diverses prestations sociales existantes et que les salariés réagiraient mal à
l’idée que, à côté d’une rémunération du travail, il y en aurait une du
non-travail.
Binarisme manichéen qui
refuse de voir du mal dans ce qui s’oppose au camp du bien, en prenant en
compte le fait que le pire de l’erreur peut, au départ, s’être articulé à la
plus juste ou plus respectable des raisons qui ont contribué à la commettre.
C’est le résultat qui
désigne l’erreur, pas l’intention première
Mouvement des « gilets
jaunes », dont progressivement l’Histoire retiendra qu’il véhicula le
pire, alors même que, dans le tréfonds de ses origines, il exprimait le
meilleur. Combien d’inquisiteurs furent-ils convaincus d’agir, animés par un
saint objectif de purification, au nom de Dieu ?
La façon dont on arrive à
ses fins, passé un certain niveau d’inacceptable, finit presque toujours
(presque… pas dans le cas de la constitution des États-Unis ou de la Grande
Russie par exemple, mais dans celui de la plupart des aventures impérialistes
et colonialistes) par se retourner contre ces fins. L’erreur, alors, redevient
une composante de l’horreur. Le nazisme est définitivement déshonoré et
diabolisé.
Le bien ne garantit pas
contre l’erreur,
L’erreur, particulièrement
en politique, n’est, dans la plupart des cas, possible que si elle est portée
par une cause qui apparaît louable et qui, dans une certaine mesure, l’est.
Il est incontestable que la
politique d’aide sociale, en France, coûte un « pognon de dingue »
pour un résultat qui n’est pas, et de loin, à la hauteur de la dépense. Mais
décocher une telle saillie (ou proférer une telle évidence) quand on vous
taille un fort seyant costard de « président des riches », c’est le
comble de la bourde !
L’intellectuel qui influence
est estimé, a priori, moins coupable que ceux qu’il a influencés. La pensée qui
entraîne l’acte est innocentée de l’acte.
Sanctionne l’action mais
amnistie l’idée
Comme si on ne pouvait pas
faire peser sur le vent et sur l’étincelle la responsabilité de l’incendie.
Progrès considérable, donc,
mais qui, poussé à son paroxysme, en arrive à déresponsabiliser totalement la
pensée à travers le penseur.
L’idée a été déclarée
juridiquement irresponsable.
« déconstruction »
pour Derrida. Mais, derrière le mot, qui serait capable de définir le concept,
lequel s’épuise alors dans le mot ?
Le penseur, au fond, ne
serait qu’un instrument, que l’on peut d’ailleurs instrumentaliser.
Plus encore qu’hier compte
moins ce qu’on dit que le minaret d’où on le lance
Sur le monde des
idées : l’étiquetage l’emporte sur la marchandise.
Façon, quelque peu frimeuse,
d’idéaliser obscurément une pensée qui vous épouvanterait s’il était question
de lui donner un contenu concret ?
On en est arrivé à délaisser
les oppressions terre à terre, celles dont sont victimes les gens ordinaires,
les gens tout court, dont les combats et les résistances ont été
« archaïsés », « plouquisés », pour ne plus valoriser,
esthétiquement toujours, que ce mystificateur front du refus que constituent
les marginalités les plus spectaculairement transgressives, hédonistes, narcissiques,
sexuelles, nihilistes, fussent-elles les plus asociales et les plus amorales.
Le dealer devient plus emblématique que le gréviste. Le combat pour la
libéralisation du commerce du cannabis (pour commencer) plus valorisant que
celui pour la revalorisation de la feuille de paye. Le prolétaire, y compris
immigré, n’intéresse que s’il est sans papiers. Un temps, assez court, Philippe
Sollers se voulut comme le Karl Marx pathétique de cette dérive.
Des Républicains démocrates
manifestent aux côtés d’islamistes : les islamistes cannibalisent les
manifestations des Républicains démocrates. La gauche médiatique se déchaîne
contre la police : les jeunes des cités tendent des embuscades à la
police. Les conservateurs libéraux croient habile de surfer sur la thématique
des néofascistes : leurs électeurs en déduisent qu’on peut allégrement
passer d’un vote à l’autre.
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