Aurore, - T - Friedrich
Nietzsche
Peut-être avoir une longue
obscurité pour lui, des choses qui lui soient propres, des choses
incompréhensibles, cachées, énigmatiques, parce qu’il sait ce qu’il aura en
retour : son matin à lui, sa propre rédemption, sa propre aurore ?...
Aurore, Friedrich Nietzsche
Saper notre confiance en la
morale. Mais vous ne me comprenez pas qu’en présence de la morale, comme
en regard de toute autorité, il n’est pas permis de réfléchir et, encore moins,
de parler : là il faut —obéir Aurore,
Friedrich Nietzsche
Anarchistes : comme ils
parlent moralement pour convaincre ! Ils finissent par s’appeler eux-mêmes
« les bons et les justes ».
Aurore, Friedrich Nietzsche
À quoi cela tient-il donc
si, depuis Platon, tous les constructeurs philosophiques en Europe ont
construit en vain ? Aurore,
Friedrich Nietzsche
Si tout menace de
s’effondrer ou se trouve déjà perdu dans les décombres — tout ce qu’ils
croyaient eux-mêmes, loyalement et sérieusement, être tous les philosophes ont
construit leurs édifices sous la séduction de la morale, Kant comme les autres
—, que leur intention ne se portait qu’en apparence sur la certitude, sur la
« vérité », mais en réalité sur le majestueux édifice morale Aurore, Friedrich Nietzsche
Kant, comme tout bon
Allemand, dès l’origine, était pessimiste ; il croyait en la morale, non
parce qu’elle est démontrée par la nature et par l’histoire, mais malgré que la
nature et l’histoire y contredisent sans cesse. Aurore, Friedrich Nietzsche
Le grand résultat que l’humanité
a obtenu jusqu’à présent, c’est que nous n’avons plus besoin d’être dans une
crainte continuelle des bêtes sauvages, des barbares, des dieux et de nos
rêves. Aurore, Friedrich Nietzsche
Les choses les plus
« simples » sont très compliquées, — on ne peut pas assez s’en
étonner ! Aurore, Friedrich
Nietzsche
Il n’y a pas de
moralité ; et moins l’existence est déterminée par les coutumes, moins est
grand le cercle de la moralité. Aurore,
Friedrich Nietzsche
On a même poussé la folie
jusqu’à inviter à voir dans l’existence elle-même une punition. — On dirait que
c’est l’imagination extravagante des geôliers et des bourreaux qui a dirigé
jusqu’à présent l’éducation de l’humanité ! Aurore, Friedrich Nietzsche
La cruauté procure la plus
haute volupté du sentiment de puissance. Aurore,
Friedrich Nietzsche
C’est ainsi que s’introduit
dans la notion de l’« homme moral », telle qu’elle existe dans la
communauté, la vertu de la souffrance fréquente, de la privation, de
l’existence pénible, de la mortification cruelle, — non, pour le répéter
encore, comme moyen de discipline, de domination de soi, d’aspiration au
bonheur personnel, — mais comme une vertu qui dispose favorablement pour la
communauté les dieux méchants, parce qu’elle élève sans cesse à eux la fumée
d’un sacrifice expiatoire. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Les mœurs représentent les
expériences des hommes antérieurs sur ce qu’ils considéraient comme utile et
nuisible, — mais le sentiment des mœurs ne se rapporte pas à des expériences mais à l’antiquité, à la sainteté, à
l’indiscutabilité des mœurs. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Tous ceux qui ont renversé
la loi morale établie ont toujours été considérés d’abord comme de méchants
hommes : mais lorsque l’on ne parvenait pas à rétablir cette loi et que l’on
s’accommodait du changement, l’attribut se transformait peu à peu ; —
l’histoire traite presque exclusivement de ces méchants hommes qui, plus tard,
ont été appelés bons Aurore, Friedrich
Nietzsche
La connaissance et la foi,
malgré toutes les promesses qu’elles renferment, ne peuvent donner ni la force
pour l’action, ni l’habileté pour l’action, elles ne peuvent pas remplacer
l’habitude de ce mécanisme subtil et multiple qui a dû être mis en mouvement
pour que n’importe quoi puisse passer de la représentation à l’action. Avant
tout, et en premier lieu, les œuvres ! C’est-à-dire l’exercice,
l’exercice, et encore l’exercice ! La « foi » qui en fait partie
se trouvera par surcroît — soyez-en certain ! Aurore, Friedrich Nietzsche
Les origines de la justice,
comme celles de la sagesse, de la modération, de la bravoure, — en un mot de
tout ce que nous désignons sous le nom de vertus socratiques — sont animales :
ces vertus sont une conséquence de ces instincts qui enseigne à chercher la
nourriture et à échapper aux ennemis. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Si nous considérons donc que
l’homme supérieur n’a fait que s’élever et s’affiner dans la qualité de sa
nourriture et dans l’idée de ce qu’il considère comme opposé à sa nature, il ne
sera pas interdit de qualifier d’animal le phénomène moral tout entier. Aurore, Friedrich Nietzsche
27. La valeur dans la
croyance aux passions surhumaines. Disposer favorablement les
esprits ! » — avec cela on peut remplacer tous les arguments et
vaincre toutes les objections ! Aurore,
Friedrich Nietzsche
Le christianisme imposa un
frein à ces comédiens de la vertu : il inventa l’usage d’étaler ses péchés
d’une façon répugnante, d’en faire parade, il amena dans le monde l’état de
péché mensonger (jusqu’à nos jours il est considérée comme étant de « bon
ton » parmi les bons chrétiens). Aurore,
Friedrich Nietzsche
La moralité de la
distinction n’est, en dernière instance, que la joie que procure la cruauté raffinée,
c’est là une nouveauté par là trop paradoxale et presque blessante. Aurore, Friedrich Nietzsche
L’habitude d’une action qui
distingue devient héréditaire, l’arrière-pensée ne se transmet pas (seuls les
sentiments et non les pensées peuvent s’hériter) Aurore, Friedrich Nietzsche
On préfère de beaucoup
souffrir et se sentir de la sorte transporté au-dessus de la réalité (par la
conscience de s’approcher ainsi de ce « monde de vérité plus
profond »), que de vivre sans souffrance et d’être privé de ce sentiment
du sublime. Aurore, Friedrich Nietzsche
Le mépris des causes, des
conséquences et des réalités. Ces hasards néfastes qui frappent une communauté,
tels que les orages subits, les sécheresses ou les épidémies, éveillent chez
tous les membres de la communauté le soupçon que des fautes contre les mœurs
ont été commises, ou font croire qu’il faut inventer de nouvelles coutumes,
pour apaiser une nouvelle puissance et une nouvelle lubie des démons. Ce genre
de suspicion et de raisonnement évite donc justement d’approfondir la véritable
cause naturelle et considère la cause démoniaque comme raison première. Il y a
là une des sources des travers héréditaires de l’esprit humain : et
l’autre source se trouve tout à côté, car, de même et tout aussi
systématiquement, on accorde une attention beaucoup moindre aux conséquences véritables
et naturelles d’une action que celle que l’on accorde aux conséquences
surnaturelles (ce que l’on appelle les punitions et les grâces de la divinité).
Aurore, Friedrich Nietzsche
On se contente de se mettre
en règle avec la convenance, qui veut qu’un être raisonnable connaisse les
arguments de son pour et de son contre, des arguments qu’il puisse indiquer et
qui soient acceptables. Aurore, Friedrich
Nietzsche
En ce sens l’histoire des
sentiments moraux est toute différente de l’histoire des concepts moraux. Les
premiers sont puissants avant l’action, les seconds surtout après l’action, en
face de la nécessité de s’expliquer à leur sujet. Aurore, Friedrich Nietzsche
Autrefois le hasard fut le
plus grand inventeur et le plus grand observateur, le bienveillant inspirateur
de cette époque ingénieuse et que, pour les inventions les plus insignifiantes
que l’on fait maintenant, on use plus d’esprit, plus d’énergie et d’imagination
scientifique qu’il n’en existait autrefois pendant de longs espaces de temps. Aurore, Friedrich Nietzsche
On ne peut jamais expliquer,
par l’utilité, la nécessité de l’existence. Aurore,
Friedrich Nietzsche
L’esprit moderne qui a
appris du christianisme à croire à l’espérance comme à une vertu. Aurore, Friedrich Nietzsche
Alors que nous nous
contentons de l’espérance, les Grecs, grâce aux prédictions de leurs devins,
estimaient fort peu l’espérance et l’abaissaient à la hauteur d’un mal ou d’un
danger. Aurore, Friedrich Nietzsche
Partout où a régné la
doctrine de la spiritualité pure, elle a détruit par ses excès la force
nerveuse : elle enseignait à mépriser le corps, à le négliger ou à le
tourmenter, à tourmenter et à mépriser l’homme lui-même, à cause de tous ses
instincts ; elle produisait des âmes assombries, raidies et oppressées, —
qui en outre, croyaient connaître la cause de leur sentiment de misère et
espéraient pouvoir supprimer cette cause. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Ce qu’il y avait justement
d’absurde dans une coutume finissait par devenir la sacro-sainte sainteté. Aurore, Friedrich Nietzsche
Nous voici arrivés sur
l’énorme terrain de manœuvre de l’intelligence : non seulement les
religions s’y développent et s’y achèvent, mais la science, elle aussi, y
trouve ses précurseurs vénérables, quoique terribles encore ; c’est là que
le poète, le penseur, le médecin, le législateur ont grandi ! La peur de
l’intelligible qui, d’une façon équivoque, exige de nous des cérémonies a
revêtu peu à peu l’attrait de ce qui est difficile à comprendre, et, lorsque
l’on ne parvenait pas à approfondir, on apprenait à créer. Aurore, Friedrich Nietzsche
Peut-être que lorsque l’on
sera parvenu à fraterniser avec les habitants d’autres planètes, en vue de
parvenir à la connaissance, et que, pendant quelques milliers d’années, on se
sera communiqué son savoir d’étoile en étoile, peut-être qu’alors le flot
d’enthousiasme provoqué par la connaissance aura atteint une pareille
hauteur ! Aurore, Friedrich
Nietzsche
Ce n’est que lorsque l’homme
aura atteint la connaissance de toute chose qu’il pourra se connaître lui-même.
Car les choses ne sont que les frontières de l’homme. Aurore, Friedrich Nietzsche
Autrefois, on cherchait à
éveiller le sentiment de la souveraineté de l’homme en montrant son origine
divine : ceci est devenu maintenant un chemin interdit, car à sa porte il
y a le singe, avec quelque autre gent animale non moins effroyable : —
elle grince des dents, comme si elle voulait dire : pas un pas de plus
dans cette direction ! Aurore,
Friedrich Nietzsche
Le chemin que prend l’humanité doit servir
de preuve à sa souveraineté et à sa nature divine.
Le devenir traîne derrière
lui ce qui fut le passé : pourquoi y aurait-il pour une petite étoile
quelconque et encore pour une petite espèce sur cette étoile, une exception à
cet éternel spectacle ! Éloignons de nous de telles sentimentalités. Aurore, Friedrich Nietzsche
Tout comme l’on corrompt maintenant à bref délai les
sauvages par l’« eau de feu » qui les fait périr, l’humanité a été
corrompue dans son ensemble, lentement et foncièrement, par les eaux de feu
spirituelles des sentiments enivrants et par ceux qui en maintenaient vivace le
désir : peut-être finira-t-elle par en périr. Aurore, Friedrich Nietzsche
L’inqualifiable charlatanisme dont s’est
servi jusqu’à présent l’humanité pour traiter ses maladies de l’âme sous les
noms les plus sublimes ?
Combien de cruautés
superflues, combien de mauvais traitements sont venus des religions qui ont
inventé le péché ! Et des hommes qui, par ces religions, ont voulu avoir
la plus haute jouissance de leur pouvoir Aurore,
Friedrich Nietzsche
Tranquilliser l’imagination
du malade pour qu’il n’ait plus à souffrir des idées qu’il se fait de sa
maladie, plus que de la maladie elle-même. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Les chemins que l’on a
appelés « les plus courts » ont toujours fait courir à l’humanité les
plus grands dangers ; Aurore,
Friedrich Nietzsche
Nous ne sommes pas tout à
fait sûrs de nous-mêmes ! Que nous plantons autour de nous, au bon moment,
les buissons du mépris le plus épineux, pour qu’au moment décisif où l’âge nous
rend faibles et oublieux, nous ne puissions plus enjamber notre mépris ! —
Aurore, Friedrich Nietzsche
Notre siècle nie l’existence
de cette menace, et en bonne conscience : et pourtant il traîne encore
après lui les vieilles habitudes de la certitude chrétienne, de la jouissance,
de la récréation, de l’évaluation chrétiennes Aurore, Friedrich Nietzsche
On a son idéalisme et son
excuse dans l’énorme impossibilité de sa tâche. Aurore, Friedrich Nietzsche
C’est justement par-delà que
se trouve le monde entier, que le christianisme n’est, somme toute, qu’un
recoin Aurore, Friedrich Nietzsche
Comment quelqu’un peut-il
considérer comme une révélation sa propre opinion sur les choses ? C’est
là le problème de la formation des religions Aurore, Friedrich Nietzsche
Soudain, une nouvelle idée
lui vient un jour, son idée, et ce qu’il y a d’enivrant dans une grande
hypothèse personnelle qui embrasse l’existence et le monde tout entier, pénètre
avec tant de puissance dans sa conscience, qu’il n’ose pas se croire le
créateur d’une telle béatitude, et qu’il en attribue la cause, et aussi la
cause qui occasionne cette pensée nouvelle, à son Dieu : en tant que
révélation de ce Dieu. Comment un homme pourrait-il être l’auteur d’un si grand
bonheur ? Aurore, Friedrich
Nietzsche
Le christianisme possède le
flair du chasseur pour tous ceux que, de quelque façon que ce soit, on peut
amener au désespoir, — d’avoir des visions — c’est-à-dire d’être possédé d’un
profond trouble cérébral Aurore, Friedrich
Nietzsche
L’estime exagérée où l’on
tient les personnes à moitié dérangées, fantasques, fanatiques, soi-disant
géniales, ait persisté jusqu’à nos jours ? « Elles ont vu des choses
que d’autres ne voient pas » — certainement, et cela devrait nous mettre
en garde contre elles et nullement nous rendre crédules ! Aurore, Friedrich Nietzsche
L’idée de l’union avec le
Christ lui a fait perdre toute pudeur, toute mesure, toute soumission, et
l’indomptable volonté de domination se révèle dans un enivrement anticipant la
gloire divine. — Tel fut le premier chrétien, l’inventeur du
christianisme ! Avant lui il n’y avait que quelques sectaires juifs. Aurore, Friedrich Nietzsche
L’église chrétienne est une
encyclopédie des cultes d’autrefois, des conceptions d’origines multiples, et
c’est pour cela qu’elle a tant de succès Aurore,
Friedrich Nietzsche
Le christianisme qui résuma
Rome, le « monde » et le « péché », dans un seul
sentiment ; on se vengea de Rome en imaginant la fin du monde prochaine et
soudaine, on se vengea de Rome en introduisant de nouveau un avenir Aurore, Friedrich Nietzsche
Il faut démontrer la vérité
autrement que la véracité, et que cette dernière n’est nullement un argument en
faveur de la première. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Le sentiment des pauvres
gens de province devant le préteur romain : « Il est trop fier pour
que nous osions être innocents. » Pourquoi ce sentiment n’aurait-il pas
reparu lorsque les chrétiens voulurent se représenter le juge suprême Aurore, Friedrich Nietzsche
Les femmes en Orient
considèrent le châtiment et la claustration sévère de leur personne, à l’écart
du monde, comme un témoignage d’amour de la part de leur mari, et elles se
plaignent lorsque ce témoignage fait défaut. Aurore, Friedrich Nietzsche
Toute notre poésie, toute
notre pensée, du plus haut au plus bas, est marquée et plus que marquée par
l’importance diffuse que l’on donne à l’amour, présenté toujours comme
événement principal. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Quel épouvantable asile le
christianisme a-t-il su faire de cette terre, rien qu’en exigeant partout des
crucifix, désignant ainsi la terre comme un lieu où « le juste est
tourmenté à mort Aurore, Friedrich
Nietzsche
Ce n’est que dans le
christianisme que toute punition devint punition méritée : le
christianisme rend encore souffrante l’imagination de celui qui souffre, en
sorte que le moindre malaise provoque chez cette victime le sentiment d’être
moralement réprouvé et répréhensible. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Votre amour du prochain est donc une
grâce ? Votre pitié est une grâce ? Eh bien ! si cela vous est
possible, faites un pas de plus : aimez-vous vous-mêmes par grâce, — alors
vous n’aurez plus du tout besoin de votre Dieu, et tout le drame de la chute et
de la rédemption se déroulera en vous-mêmes jusqu’à sa fin ! Aurore, Friedrich Nietzsche
La compassion chrétienne en
face de la souffrance du prochain a un revers : c’est la profonde
suspicion en face de toutes les joies du prochain, de la joie que cause au
prochain tout ce qu’il veut, tout ce qu’il peut. Aurore, Friedrich Nietzsche
« Il nous appartient de ne point nous
former d’opinion sur telle ou telle chose, pour épargner de la sorte
l’inquiétude à notre âme. Car, de par leur nature, les choses ne peuvent nous
forcer à avoir une opinion. » Aurore,
Friedrich Nietzsche
C’est que l’on se trouvait
en état de lutte et que l’on songeait aux adversaires et non à la loyauté. Aurore, Friedrich Nietzsche
Vertu impossible : les
hommes qui aspirent encore à une perfection morale doivent apprendre, en regard
d’un pareil canon, à se sentir de plus en plus éloignés de leur but, ils
doivent désespérer de la vertu et finir par se jeter au cœur de l’Être
compatissant. — hommes, le devoir d’être précis et véridique dans ses
communications. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Pascal n’a jamais pu se
tranquilliser à ce sujet : mais il parle avec tant de confiance que l’on
pourrait croire qu’il s’est trouvé par hasard dans les coulisses. Aurore, Friedrich Nietzsche
Il parlait aussi haut qu’il
pouvait, comme quelqu’un qui a peur. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Un Dieu qui, dans son amour,
dispose tout pour notre bien final, un Dieu qui nous donne et nous prend notre
vertu tout comme notre bonheur, en sorte que tout finit, en somme, par bien se
passer, et qu’il ne reste plus de raison pour prendre la vie en mauvaise part
ou même pour l’accuser, en un mot la résignation et l’humilité élevées au rang
de divinité, — c’est là ce qui est demeuré du christianisme de meilleur et de
plus vivant. Aurore, Friedrich Nietzsche
Le christianisme a passé à
un doux moralisme : à la place de « Dieu, la liberté et
l’immortalité », c’est une façon de bienveillance et de sentiments
honnêtes qui est resté, et aussi la croyance que, dans l’univers tout entier,
règneront la bienveillance et les sentiments honnêtes : c’est l’euthanasie du
christianisme. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Les chrétiens n’ont pas
cessé d’épancher sur une victime la mauvaise humeur qu’ils se causaient à
eux-mêmes, — que ce soit le « monde », ou l’« histoire »,
ou la « raison », ou la joie, ou encore la tranquillité des autres
hommes, — il faut que n’importe quoi, mais quelque chose de bien, meure pour
leurs péchés (si ce n’est même qu’en effigie) ! Aurore, Friedrich Nietzsche
Accepter une croyance
simplement parce qu’il est d’usage de l’accepter — ne serait-ce pas là être de
mauvaise foi, être lâche, être paresseux ! — La mauvaise foi, la lâcheté,
la paresse seraient-elles donc la condition première de la moralité ? Aurore, Friedrich Nietzsche
Je ne nie pas, ainsi qu’il
va de soi — en admettant que je ne sois pas insensé —, qu’il faut éviter et
combattre beaucoup d’actions que l’on dit immorales ; de même qu’il faut
exécuter et encourager beaucoup de celles que l’on dit morales ; mais je
crois qu’il faut faire l’une et l’autre chose pour d’autres raisons qu’on l’a
fait jusqu’à présent. Il faut que nous changions notre façon de voir — pour
arriver enfin, peut-être très tard, à changer notre façon de sentir. Aurore, Friedrich Nietzsche
Chaque individu ne sait pas
opposer, dans ce grand nombre, un ego véritable, qui lui est propre et qu’il a
approfondi, à la pâle fiction universelle qu’il détruirait par là même. Aurore, Friedrich Nietzsche
La moralité n’a-t-elle pas,
dans son ensemble, créé une telle source de déplaisir que l’on pourrait plutôt
prétendre qu’avec chaque affinement de la moralité l’homme est devenu plus
mécontent de lui-même, de son prochain et de son sort dans l’existence Aurore, Friedrich Nietzsche
Si la raison de l’humanité
grandit avec une si extraordinaire lenteur que l’on a pu nier parfois cette
croissance pour toute la marche de l’humanité, à qui faut-il s’en prendre, si
ce n’est à cette solennelle présence, je dirai même omniprésence, de
commandements moraux qui ne permettent même pas à la question individuelle du
« pourquoi » et du « comment » de se poser. Aurore, Friedrich Nietzsche
À l’individu, en tant qu’il
veut son bonheur, il ne faut pas donner de préceptes sur le chemin qui mène au
bonheur : car le bonheur individuel jaillit de par des lois inconnues Aurore, Friedrich Nietzsche
Il y a, au contraire, sur
toutes les échelles de l’évolution, un bonheur particulier et incomparable Aurore, Friedrich Nietzsche
Atteindre, un bonheur qui
n’est ni haut ni bas, mais précisément individuel. Aurore, Friedrich Nietzsche
L’évolution ne veut pas le
bonheur, elle veut l’évolution et rien de plus. Aurore, Friedrich Nietzsche
Il existe une pratique
intellectuelle qui consiste à associer à l’idée de satisfaction une pensée
pénible et cela avec tant d’intensité qu’avec un peu d’habitude l’idée de
satisfaction devient chaque fois pénible elle aussi. (Par exemple lorsque le
chrétien s’habitue à songer pendant la jouissance sexuelle, à la présence et au
ricanement du diable, ou à l’enfer éternel Aurore,
Friedrich Nietzsche
Eviter les occasions,
implanter la règle dans l’instinct, créer la satiété et le dégoût de
l’instinct, amener l’association d’une idée martyrisante (comme celle de la
honte, des suites néfastes ou de la fierté offensée), ensuite la dislocation
des forces et enfin l’affaiblissement et l’épuisement général, — ce sont là les
six méthodes. Aurore, Friedrich Nietzsche
Nos devoirs — ce sont les
droits que les autres ont sur nous. Aurore,
Friedrich Nietzsche
L’« homme
équitable » a donc besoin sans cesse du toucher subtil d’une balance pour
évaluer les degrés de pouvoir et de droit qui, avec la vanité des choses
humaines, ne resteront en équilibre que très peu de temps et ne feront que
descendre ou monter : — être équitable est donc difficile et exige beaucoup
d’expérience, de la bonne volonté et énormément d’esprit. Aurore, Friedrich Nietzsche
Colère, haine, amour, pitié,
désir, connaissance, joie, douleur, — ce ne sont là que des noms pour des
conditions extrêmes ; les degrés plus pondérés, plus moyens nous
échappent, plus encore les degrés inférieurs, sans cesse en jeu, et c’est
pourtant eux qui tissent la toile de notre caractère et de notre destinée. Aurore, Friedrich Nietzsche
Chacun de nous est un juge
moral, compétent et parfait, connaissant exactement le bien et le mal,
sanctifié en aimant le bien et en détestant le mal, — chacun est tout cela,
tant que ce ne sont pas ses propres actes, mais des actes étrangers qui sont en
cause, et qu’il peut se contenter d’approuver ou de désapprouver, tandis que le
poids de l’exécution est porté par des épaules étrangères. Chacun peut, par
conséquent, tenir comme confesseur la place de Dieu. » Aurore, Friedrich Nietzsche
Les habitudes de nos sens
nous ont enveloppés dans un tissu de sensations mensongères qui sont, à leur
tour, la base de tous nos jugements et de notre « entendement », — il
n’y a absolument pas d’issue, pas d’échappatoire, pas de sentier détourné vers
le monde réel ! Aurore, Friedrich
Nietzsche
Chaque moment de notre vie
fait croître quelques bras du polype de notre être et en fait se dessécher
quelques autres, selon la nourriture que le moment porte ou ne porte pas en
lui. Aurore, Friedrich Nietzsche
Toutes nos expériences sont
des aliments, mais répandus d’une main aveugle, ignorant celui qui a faim et
celui qui est déjà rassasié. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Nos rêves servent à
compenser, en une certaine mesure, l’absence accidentelle de
« nourritures » pendant le jour. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Interprétations de nos
excitations nerveuses pendant le sommeil, des interprétations très libres, très
arbitraires de la circulation du sang, du travail des intestins, de la pression
des bras et de la couverture, du son des cloches d’une église, du bruit d’une
girouette, des pas des noctambules et d’autres choses du même genre. Aurore, Friedrich Nietzsche
Tout ce que nous appelons conscience n’est
en somme que le commentaire plus ou moins fantaisiste d’un texte inconnu,
peut-être inconnaissable, mais pressenti ? Aurore, Friedrich Nietzsche
Que sont donc les événements
de notre vie ? Bien plus ce que nous y mettons que ce qui s’y trouve Aurore, Friedrich Nietzsche
Ou bien faudrait-il même
dire : ils sont vides par eux-mêmes ? Vivre, c’est inventer ? Aurore, Friedrich Nietzsche
Je ne sais absolument pas ce
que je fais ! Je ne sais absolument pas ce que je dois faire ! »
— Tu as raison, mais n’aie à ce sujet aucun doute : c’est toi que l’on
fait ! Aurore, Friedrich Nietzsche
L’humanité a, de tous temps,
confondu l’actif et le passif, ce fut là son éternelle faute de grammaire. Aurore, Friedrich Nietzsche
AURORE Livre deuxième Table
des matières Retour à la liste des oeuvres 121. « Effet et
cause ! ». Sur ce miroir — et notre intellect est un miroir — il se
passe quelque chose qui manifeste de la régularité, une chose déterminée suit
chaque fois une autre chose déterminée, — c’est ce que nous appelons, lorsque
nous nous en apercevons, et que nous voulons lui donner un nom, cause et effet
— insensés que nous sommes ! Comme si, dans ce cas, nous avions compris
quelque chose, pu comprendre quelque chose ! Or, nous n’avons rien vu que
les images des « effets » et des « causes » ! Et c’est
précisément cette vision en images qui rend impossible de voir des liens
essentiels tels qu’en comporte une succession ! AURORE Aurore,
Friedrich Nietzsche
Les grands problèmes gisent
dans la rue. Aurore, Friedrich Nietzsche
Œdipe avait raison, que nous
ne sommes vraiment pas responsables de nos rêves, — mais pas davantage de notre
état de veille, et que la doctrine du libre arbitre a son père et sa mère dans
la fierté et dans le sentiment de puissance de l’homme ? Je nous confondons la lutte des motifs avec la
comparaison des conséquences possibles de différentes actions, — une des
confusions les plus riches en conséquences et les plus néfastes pour le
développement de la morale ! Aurore,
Friedrich Nietzsche
Nous autres nains malins,
avec notre volonté et nos causes finales, nous sommes importunés, foulés aux
pieds, souvent assommés, par des géants imbéciles, archi-imbéciles : les
hasards, — mais malgré tout cela nous n’aimerions pas être privés de
l’épouvantable poésie de ce voisinage, car ces monstres surviennent souvent,
lorsque l’existence dans la toile d’araignée des causes finales est devenue
trop ennuyeuse et trop pusillanime, et ils provoquent une diversion supérieure
en déchirant soudain de leurs mains la toile tout entière. Aurore, Friedrich Nietzsche
Peut-être n’y a-t-il ni
volonté, ni causes finales, et peut-être est-ce nous qui nous les sommes
imaginées. Aurore, Friedrich Nietzsche
Si vous êtes pour vous-mêmes un tel objet
d’ennui ou un spectacle si laid, vous faites bien de penser aux autres plutôt
qu’à vous ! Aurore, Friedrich
Nietzsche
La célèbre formule morale « vivre pour
autrui », a, en effet, surchristianisé le christianisme
N’existe peut-être pas
aujourd’hui de préjugé plus répandu que celui de croire que l’on sait ce qui
constitue véritablement la chose morale. Aurore,
Friedrich Nietzsche
On ne veut rien moins — qu’on se l’avoue ou
non — qu’une transformation foncière, qu’un affaiblissement même, qu’une
suppression de l’individu : on ne se fatigue point d’énumérer et d’accuser tout
ce qu’il y a de mauvais, d’hostile, de prodigue, de dispendieux, de luxueux
dans l’existence individuelle, pratiquée jusqu’à ce jour, on espère diriger la
société à meilleur compte, avec moins de danger et plus d’unité, lorsqu’il n’y
aura plus que de grands corps et les membres de ceux-ci. Aurore, Friedrich Nietzsche
Nous ne nous délivrons donc
que de cette souffrance personnelle, en nous livrant à des actes de compassion.
Aurore, Friedrich Nietzsche
Qu’est-ce qui distingue, en
fin de compte, les hommes sans pitié des hommes compatissants ? Avant
tout, pour ne donner encore qu’une esquisse à gros traits, ils n’ont pas
l’imagination irritable de la crainte, la subtile faculté de pressentir le
danger ; aussi leur vanité est-elle blessée moins vite s’il arrive quelque
chose qu’ils auraient pu éviter Aurore,
Friedrich Nietzsche
Ne pas se mêler inutilement
des affaires des autres, ils aiment même, puisqu’ils agissent ainsi, que chacun
s’aide soi-même et joue de ses propres cartes). Aurore, Friedrich Nietzsche
La compassion ne possède pas
plus un caractère bienfaisant que tout autre instinct : c’est seulement
quand on l’exige et la vante — et cela arrive lorsqu’on ne comprend pas ce qui
porte préjudice en elle, mais que l’on y découvre une source de joie — qu’elle
revêt une sorte de bonne conscience Aurore,
Friedrich Nietzsche
Le bonheur, cependant, quel
qu’il soit, donne de l’air, de la lumière et de libres mouvements. Aurore, Friedrich Nietzsche
Regarder et accueillir par
contre les événements de la vie des autres, comme s’ils étaient les nôtres — la
revendication d’une philosophie de la pitié —, cela nous ruinerait à fond, en
très peu de temps ; que l’on en fasse donc l’expérience sans divaguer plus
longtemps. Aurore, Friedrich Nietzsche
Pitié comme principe de
l’action avec ce commandement : souffre du mal de l’autre autant qu'il en
souffre lui-même, amènerait par contre forcément le point de vue du moi, avec
son exagération et ses déviations, à devenir aussi le point de vue de l’autre,
du compatissant : en sorte que nous aurions à souffrir en même temps de
notre moi et du moi de l’autre, et que nous nous accablerions ainsi volontairement
d’une double déraison, au lieu de rendre le poids de la nôtre aussi léger que
possible. Aurore, Friedrich Nietzsche
Il y a quelque chose
d’abaissant dans la souffrance et, dans la compassion, quelque chose qui élève
et donne de la supériorité ; ce qui sépare éternellement l’un de l’autre
les deux sentiments. Aurore, Friedrich
Nietzsche
La musique est l’imitation
d’une imitation de sentiments et si, malgré ce qu’il y a là d’éloigné et de
vague, elle nous fait participer souvent encore de ces sentiments, en sorte que
nous devenons tristes sans avoir aucun prétexte à la tristesse, comme font les
fous, simplement parce que nous entendons des sons et des rythmes qui
rappellent d’une façon quelconque l’intonation et le mouvement de ceux qui sont
en deuil ou même les usages de ceux-ci. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Nous ne pouvons être pour
eux ni secourables, ni réconfortants, si nous voulons être l’écho de leur
misère, et aussi si nous voulons sans cesse prêter l’oreille à cette misère, Aurore, Friedrich Nietzsche
Lorsque l’homme ne se considérera plus comme
mauvais, il cessera de l’être ! Aurore,
Friedrich Nietzsche
On devrait, publiquement,
déclarer invalables les serments des amoureux et leur refuser le mariage :
— et cela parce que l’on devrait attacher au mariage une importance beaucoup
plus grande ! en sorte que, dans les cas où il se concluait jusqu’à
présent, il ne se conclurait justement pas Aurore,
Friedrich Nietzsche
La plupart des mariages ne
sont-ils pas faits de telle sorte que l’on ne désire pas avoir pour témoin une
troisième personne? Et cette troisième personne ne manque généralement pas —
c’est l’enfant — elle est plus que le témoin, elle est le bouc émissaire !
Aurore, Friedrich Nietzsche
Culture de la connaissance
désintéressée du monde arrive en lui, le penseur-homme, à une floraison
merveilleuse, cette culture qui a son poète en Sophocle, son homme d’État en
Périclès, son médecin en Hippocrate, son savant naturaliste en Démocrite :
cette culture qui mérite d’être baptisée du nom de ses maîtres, les sophistes Aurore, Friedrich Nietzsche
La musique qui nous est
propre et qui nous exprime véritablement laisse déjà deviner le labyrinthe (car
en musique les hommes se laissent aller parce qu’ils se figurent qu’il n’y a
personne qui soit capable de les voir mêmes sous leur musique). Aurore, Friedrich Nietzsche
Avec notre intention,
poussée jusqu’à l’énormité, de vouloir enlever à la vie toute rudesse dans les
contours, toute espèce de coins, ne sommes-nous pas en bonne passe de réduire
l’humanité jusqu’à en faire du sable ? Du sable ! Du sable fin, mou,
granuleux, infini ! Est-ce là votre idéal, à vous qui êtes les héros des
affections sympathiques ? Aurore,
Friedrich Nietzsche
Donner à la société la
sécurité contre les voleurs et contre le feu, la rendre infiniment commode pour
toute espèce de commerce et de relations, et transformer l’État en providence,
au bon et au mauvais sens, — ce sont là des buts inférieurs, médiocres et
nullement indispensables, à quoi l’on ne devrait pas viser avec les moyens et
les instruments les plus élevés qu’il y ait, — les moyens que l’on devrait
réserver justement aux fins supérieures et les plus rares ! Notre époque,
bien qu’elle parle beaucoup d’économie, est bien gaspilleuse : elle
gaspille ce qu’il y a de plus précieux, l’esprit. Aurore, Friedrich Nietzsche
Peut-être rira-t-on aussi un jour de ce qui,
dans la jeune génération, à éducation parlementaire, est le fait considéré
comme moral : je veux dire de placer la politique des partis au-dessus de
la sagesse personnelle, et de répondre à chaque question qui concerne le bien
public, selon le vent dont il faut gonfler les voiles du parti. « Il faut
avoir à ce sujet l’opinion qu’exige la situation du parti » tels seraient
les termes du canon. On fait maintenant, au service d’une pareille morale,
toute espèce de sacrifices, jusqu’à la victoire sur soi-même et le martyre. Aurore, Friedrich Nietzsche
Il faut supprimer les
mendiants, car on se fâche lorsqu’on leur donne l’aumône et l’on se fâche
lorsqu’on ne la leur donne point. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Lorsque l’homme a le
sentiment de la puissance, il se croit et s’appelle bon : et c’est alors
justement que les autres, sur lesquels il lui faut épancher sa puissance,
l’appellent méchant ! Aurore,
Friedrich Nietzsche
Je vous enseigne le
Surhumain. [41]L’homme est quelque chose qui doit être surmonté. Qu’avez-vous
fait pour le surmonter ? Aurore,
Friedrich Nietzsche
Tous les êtres jusqu’à
présent ont créé quelque chose au-dessus d’eux, et vous voulez être le reflux
de ce grand flot et plutôt retourner à la bête que de surmonter l’homme restez
fidèles à la terre et ne croyez pas ceux qui vous parlent d’espoirs
supraterrestres ! Ce qu’il y a de plus terrible maintenant, c’est de
blasphémer la terre et d’estimer les entrailles de l’impénétrable plus que le
sens de la terre Aurore, Friedrich
Nietzsche
L’heure où vous dites :
« Qu’importe mon bonheur ! Il est pauvreté, ordure et pitoyable
contentement de soi-même. Mais mon bonheur devrait légitimer l’existence elle-même ! »
Aurore, Friedrich Nietzsche
Ce ne sont pas vos péchés —
c’est votre contentement qui crie contre le ciel, c’est votre avarice, même
dans vos péchés, qui crie contre le ciel ! Aurore, Friedrich Nietzsche
L’homme est une corde tendue
entre la bête et le Surhumain, — une corde sur l’abîme. Aurore, Friedrich Nietzsche
Ce qu’il y a de grand dans
l’homme, c’est qu’il est un pont et non un but Aurore, Friedrich Nietzsche
J’aime celui qui ne réserve
pour lui-même aucune parcelle de son esprit, mais qui veut être tout entier
l’esprit de sa vertu Aurore, Friedrich
Nietzsche
I faut porter encore en soi
un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Je vous le
dis : vous portez en vous un chaos. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Qui voudrait encore gouverner ?
Qui voudrait obéir encore ? Ce sont deux choses trop pénibles. Aurore, Friedrich Nietzsche
Est-ce cela : être
malade et renvoyer les consolateurs, se lier d’amitié avec des sourds qui
n’entendent jamais ce que tu veux ? Aurore,
Friedrich Nietzsche
Quel est le grand dragon que
l’esprit ne veut plus appeler ni dieu ni maître ? « Tu dois »,
s’appelle le grand dragon. Mais l’esprit du lion dit : « Je veux. Aurore, Friedrich Nietzsche
Il aimait jadis le « Tu
dois » comme son bien le plus sacré : maintenant il lui faut trouver
l’illusion et l’arbitraire, même dans ce bien le plus sacré, pour qu’il fasse,
aux dépens de son amour, la conquête de la liberté : il faut un lion pour
un pareil rapt. Aurore, Friedrich
Nietzsche
L’enfant est innocence et oubli,
un renouveau et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, un premier
mouvement, une sainte affirmation. Oui, pour le jeu divin de la création, ô mes
frères, il faut une sainte affirmation : l’esprit veut maintenant
sa propre volonté, celui qui a perdu le monde veut gagner
son propre monde. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Ainsi moi aussi, je jetai
mon illusion par-delà les hommes, pareil à tous les hallucinés de
l’arrière-monde. Par-delà les hommes, en vérité ? Hélas, mes frères, ce
dieu que j’ai créé était œuvre faite de main humaine et folie humaine, comme
sont tous les dieux. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Tu dis « moi » et
tu es fier de ce mot. Mais ce qui est plus grand, c’est — ce à quoi tu ne veux
pas croire — ton corps et son grand système de raison : il ne dit
pas moi, mais il est moi. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Il y a plus de raison dans
ton corps que dans ta meilleure sagesse. Aurore,
Friedrich Nietzsche
« Ce qui fait le tourment et la douceur
de mon âme est inexprimable et sans nom, et c’est aussi ce qui cause la faim de
mes entrailles. » Aurore, Friedrich
Nietzsche
Autrefois tu avais des
passions et tu les appelais des maux. Mais maintenant tu n’as plus que tes
vertus : elles naquirent de tes passions. Lur vertu consiste à vivre
longtemps dans un misérable contentement de soi. Aurore, Friedrich Nietzsche
Mais pourquoi auriez-vous le
matin votre fierté et le soir votre soumission ? Aurore, Friedrich Nietzsche
La terre est pleine de
superflus, la vie est gâtée par ceux qui sont de trop. Qu’on les attire
hors de cette vie, par l’appât de la « vie éternelle » Aurore, Friedrich Nietzsche
Ls phtisiques de
l’âme : à peine sont-ils nés qu’ils commencent déjà à mourir, et ils
aspirent aux doctrines de la fatigue et du renoncement. Aurore, Friedrich Nietzsche
Vous dont la vie est
inquiétude et travail sauvage : n’êtes-vous pas fatigués de
la vie ? N’êtes-vous pas mûrs pour la prédication de la mort ? Aurore, Friedrich Nietzsche
L’État, c’est le plus froid
de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le mensonge qui
rampe de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le Peuple. Aurore, Friedrich Nietzsche
C’est un mensonge ! Ils
étaient des créateurs, ceux qui créèrent les peuples et qui suspendirent
au-dessus des peuples une foi et un amour : ainsi ils servaient la vie. Aurore, Friedrich Nietzsche
Ce sont des destructeurs,
ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui appellent cela un
État : ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits. Aurore, Friedrich Nietzsche
Certes, il vous devine, vous
aussi, vainqueurs du Dieu ancien ! Le combat vous a fatigués et maintenant
votre fatigue se met au service de la nouvelle idole Aurore, Friedrich Nietzsche
Voyez donc ces
superflus ! Ils sont toujours malades, ils rendent leur bile et appellent
cela des journaux. Ils se dévorent et ne peuvent pas même se digérer. Aurore, Friedrich Nietzsche
Voyez donc ces
superflus ! Ils acquièrent des richesses et en deviennent plus pauvres. Aurore, Friedrich Nietzsche
La place publique est pleine
de bouffons tapageurs — et le peuple se vante de ses grands hommes !
Ils sont pour lui les maîtres du moment. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Puisque tu es bienveillant
et juste, tu dis : « Ils sont innocents de leur petite
existence. » Mais leur âme étroite pense : « Toute grande
existence est coupable. » Aurore,
Friedrich Nietzsche
L’amitié. Si l’on veut
avoir un ami il faut aussi vouloir faire la guerre pour lui Aurore, Friedrich Nietzsche
En son ami on doit voir son
meilleur ennemi. C’est quand tu luttes contre lui que tu dois être le plus près
de son cœur. Aurore, Friedrich Nietzsche
C’est l’homme qui mit des
valeurs dans les choses, afin de se conserver, — c’est lui qui créa le sens des
choses, un sens humain ! C’est pourquoi il s’appelle « homme »,
c’est-à-dire, celui qui évalue. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Votre amour du prochain,
c’est votre mauvais amour de vous-mêmes. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Plus haut que l’amour du
prochain se trouve l’amour du lointain et de ce qui est à venir. Aurore, Friedrich Nietzsche
Tu as peur et tu t’enfuis chez ton prochain. Aurore, Friedrich Nietzsche
Vous ne vous aimez pas
assez : c’est pourquoi vous voudriez séduire votre prochain par votre
amour et vous dorer de son erreur. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Vous invitez un témoin quand
vous voulez dire du bien de vous-mêmes ; et quand vous l’avez induit à
bien penser de vous, c’est vous qui pensez bien de vous. Aurore, Friedrich Nietzsche
L’un va chez le prochain
parce qu’il se cherche, l’autre parce qu’il voudrait s’oublier. Aurore, Friedrich Nietzsche
Ce sont les plus lointains
qui payent votre amour du prochain ; et quand vous n’êtes que cinq
ensemble, vous en faites toujours mourir un sixième. Aurore, Friedrich Nietzsche
Il y y a tant de grandes
pensées qui n’agissent pas plus qu’une vessie gonflée. Elles enflent et rendent
plus vide encore. Aurore, Friedrich
Nietzsche
J’aime celui qui veut créer
plus haut que lui-même et qui périt ainsi. — Aurore, Friedrich Nietzsche
Chez la femme tout est une
énigme : mais il y a un mot à cet énigme : ce mot est grossesse. Aurore, Friedrich Nietzsche
L’homme est pour la femme un
moyen : le but est toujours l’enfant. Mais qu’est la femme pour
l’homme ? Aurore, Friedrich
Nietzsche
Ennemi, ne lui rendez pas le
bien pour le mal ; car il en serait humilié. Démontrez-lui, au contraire,
qu’il vous a fait du bien. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Chez celui qui veut être
juste au fond de l’âme, le mensonge même devient philanthropie. Aurore, Friedrich Nietzsche
Tu dois construire des
monuments vivants à ta victoire et à ta délivrance. Tu dois construire plus
haut que toi-même. Mais il faut d’abord que tu sois construit toi-même, carré
de la tête à la base. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Tu ne dois pas seulement
propager ta race plus loin, mais aussi plus haut. Aurore, Friedrich Nietzsche
Tu dois créer un corps
d’essence supérieure, un premier mouvement, une roue qui roule sur elle-même, —
tu dois créer un créateur. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Mariage : c’est ainsi
que j’appelle la volonté à deux de créer l’unique qui est plus que ceux qui
l’ont créé. Respect mutuel, c’est là le mariage, respect de ceux qui veulent
d’une telle volonté. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Je n’en veux pas de ce ciel
des superflus ! Non, je n’en veux pas de ces bêtes empêtrées dans le filet
céleste Aurore, Friedrich Nietzsche
Et tous ceux qui cherchent
la gloire doivent au bon moment prendre congé de l’honneur, et exercer l’art
difficile de s’en aller à temps. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Il faut cesser de se faire
manger, au moment où l’on vous trouve le plus de goût Aurore, Friedrich Nietzsche
Il est mort trop tôt ;
il aurait lui-même rétracté sa doctrine, s’il avait vécu jusqu’à mon âge !
Il était assez noble pour se rétracter ! Aurore, Friedrich Nietzsche
Que votre mort ne soit pas
un blasphème sur l’homme et la terre, ô mes amis : telle est la grâce que
j’implore du miel de votre âme. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Quand votre cœur bouillonne,
large et plein, pareil au grand fleuve, bénédiction et danger pour les riverains :
c’est alors l’origine de votre vertu. Aurore,
Friedrich Nietzsche
L’homme qui cherche la
connaissance ne doit pas seulement savoir aimer ses ennemis, mais aussi haïr
ses amis. Aurore, Friedrich Nietzsche
« TOUS LES DIEUX SONT MORTS : NOUS
VOULONS, MAINTENANT, QUE LE SURHUMAIN VIVE ! » Que ceci soit un jour,
au grand midi, notre dernière volonté ! Aurore, Friedrich Nietzsche
Jadis on disait Dieu,
lorsque l’on regardait sur les mers lointaines ; mais maintenant je vous
ai appris à dire : Surhumain. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Votre imagination doit aller
jusqu’à la limite de vos sens ! Aurore,
Friedrich Nietzsche
S’ il existait des
Dieux, comment supporterais-je de n’être point Dieu ! Donc il
n’y a point de Dieux. Aurore, Friedrich
Nietzsche
« Vouloir »
affranchit : Aurore, Friedrich
Nietzsche
Les miséricordieux qui
cherchent la béatitude dans leur pitié : ils sont trop dépourvus de
pudeur. Aurore, Friedrich Nietzsche
Lorsque je lui suis venu en
aide, j’ai blessé durement sa fierté. Aurore,
Friedrich Nietzsche
On devrait entièrement
supprimer les mendiants ! En vérité, on se fâche de leur donner et l’on se
fâche de ne pas leur donner. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Ainsi parle tout grand
amour : il surmonte même le pardon et la pitié. Aurore, Friedrich Nietzsche
Tout grand amour est
au-dessus de sa pitié : car ce qu’il aime, il veut aussi le — créer !
« Je m’offre moi-même à mon amour, et mon prochain tout comme
moi » — ainsi parlent tous les créateurs. Aurore, Friedrich Nietzsche
Cependant, tous les créateurs sont durs. Aurore, Friedrich Nietzsche
Il en est d’autres qui sont semblables à des
pendules que l’on remonte ; ils font leur tic-tac et veulent que l’on
appelle tic-tac — vertu. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Ils veulent crever les yeux de leurs ennemis
avec leur vertu ; et ils ne s’élèvent que pour abaisser les autres.
Il en est d’autres de nouveau qui croient
qu’il est vertueux de dire : « La vertu est nécessaire » ;
mais au fond ils ne croient qu’une seule chose, c’est que la police est nécessaire.
Aurore, Friedrich Nietzsche
Pour que vous vous fatiguiez des mots
« récompense » « représailles », « punition »,
« vengeance dans la justice » — pour que vous vous fatiguiez de dire
« une action est bonne, parce qu’elle est désintéressée ». Aurore, Friedrich Nietzsche
Passée, la méchanceté de mes flocons de
neige en juin ! Je devins estival tout entier, tout entier après-midi
d’été ! Aurore, Friedrich Nietzsche
« Volonté
d’égalité — c’est ainsi que nous nommerons dorénavant la vertu ; et nous
voulons élever nos cris contre tout ce qui est puissant ! » Aurore, Friedrich Nietzsche
Bon et mauvais, riche et pauvre, haut et bas
et tous les noms de valeurs : autant d’armes et de symboles cliquetants
pour indiquer que la vie doit toujours à nouveau se surmonter elle-même !
La vie veut elle-même s’élever dans les hauteurs avec des piliers et des
degrés : elle veut scruter les horizons lointains et regarder au-delà des
beautés bienheureuses, — c’est pourquoi il lui faut des
hauteurs ! Et puisqu’il faut des hauteurs, il lui faut des degrés et de
l’opposition à ces degrés, l’opposition de ceux qui s’élèvent ! La vie
veut s’élever et, en s’élevant, elle veut se surmonter elle-même. Aurore, Friedrich Nietzsche
Vous avez servi le peuple et la superstition
du peuple, vous tous, sages illustres ! — vous n’avez pas servi
la vérité ! Et c’est précisément pourquoi l’on vous a honorés. Aurore, Friedrich Nietzsche
C’est dans le désert qu’ont toujours vécu
les véridiques, les esprits libres, maîtres du désert ; mais dans les
villes habitent les sages illustres et bien nourris, — les bêtes de trait. Car
ils tirent toujours comme des ânes — le chariot du peuple ! Aurore, Friedrich Nietzsche
L’esprit, c’est la vie qui incise elle-même
la vie : c’est par sa propre souffrance que la vie augmente son propre
savoir, — le saviez-vous déjà ? Aurore,
Friedrich Nietzsche
Il faut que ceux qui cherchent la
connaissance apprennent à construire avec des montagnes ! Aurore, Friedrich Nietzsche
Vous ne voyez que les étincelles de
l’esprit : mais vous ignorez quelle enclume est l’esprit et vous ne
connaissez pas la cruauté de son marteau Aurore,
Friedrich Nietzsche
Vous avez fait de la sagesse un hospice et
un refuge pour de mauvais poètes. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Il fait nuit : voici que s’élève plus
haut la voix des fontaines jaillissantes. Et mon âme, elle aussi, est une
fontaine jaillissante. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Il y a en moi quelque chose d’inapaisé et
d’inapaisable qui veut élever la voix. Il y a en moi un désir d’amour qui parle
lui-même le langage de l’amour. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Je vis de ma propre lumière, j’absorbe en
moi-même les flammes qui jaillissent de moi. Aurore, Friedrich Nietzsche
Qui ne craint pas mes ténèbres trouvera sous
mes cyprès des sentiers fleuris de roses. Aurore,
Friedrich Nietzsche
On ne répond jamais plus durement que quand
on dit « ses vérités » à sa sagesse.
Tu subsistes toujours, égale à toi-même, toi
ma volonté patiente ! tu as toujours passé par toutes les tombes !
C’est en toi que subsiste ce qui ne s’est pas délivré pendant ma jeunesse, et
vivante et jeune tu es assise, pleine d’espoir, sur les jaunes décombres des
tombeaux. Aurore, Friedrich Nietzsche
Oui, tu demeures pour moi la destructrice de
tous les tombeaux : salut à toi, ma volonté ! Et ce n’est que là où
il y a des tombeaux, qu’il y a résurrection. Aurore, Friedrich Nietzsche
Commander est plus difficile qu’obéir. Car
celui qui commande porte aussi le poids de tous ceux qui obéissent, et parfois
cette charge l’écrase Aurore, Friedrich
Nietzsche
Et la vie elle-même m’a confié ce
secret : « Voici, m’a-t-elle dit, je suis ce qui doit toujours
se surmonter soi-même. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Le bien et le mal qui seraient impérissables
— n’existent pas ! Il faut que le bien et le mal se surmontent toujours de
nouveau par eux-mêmes. Aurore, Friedrich
Nietzsche
Il est plus dur de se taire ; toutes
les vérités que l’on a passées sous silence deviennent venimeuses. Et que soit
brisé tout ce qui peut être brisé par nos vérités ! Il y a encore bien des
maisons à construire ! Aurore,
Friedrich Nietzsche
Et vous me dites, amis, que « des goûts
et des couleurs il ne faut pas discuter ». Mais toute vie est lutte pour
les goûts et les couleurs ! Le goût, c’est à la fois le poids, la balance
et le peseur ; et malheur à toute chose vivante qui voudrait vivre sans la
lutte à cause des poids, des balances et des peseurs Aurore, Friedrich Nietzsche
Je goûte beaucoup chez lui l’échine du
taureau : mais maintenant j’aimerais voir aussi le regard de l’ange. Aurore, Friedrich Nietzsche
Êtres éphémères, c’est ainsi que je vous
appelle. Vous les « hommes de la réalité » ! Aurore, Friedrich Nietzsche
L’immaculée connaissance de toutes
choses : ne rien demander aux choses que de pouvoir s’étendre devant
elles, ainsi qu’un miroir aux cent regards. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Ayez donc tout d’abord le courage d’avoir
foi en vous-mêmes — en vous-mêmes et en vos entrailles ! Celui qui n’a pas
foi en lui-même ment toujours. Vous avez mis devant vous le masque d’un dieu,
hommes « purs » : votre affreuse larve rampante s’est cachée
sous le masque d’un dieu. Aurore,
Friedrich Nietzsche
Dupe de vos peaux divines ; il n’a pas
deviné quels serpents remplissaient cette peau. Aurore, Friedrich Nietzsche
Je suis d’aujourd’hui et de jadis, dit-il
alors ; mais il y a quelque chose en moi qui est de demain, et
d’après-demain, et de l’avenir.
En vérité, nous nous sommes déjà trop
fatigués pour mourir, maintenant nous continuons à vivre éveillés — dans des
caveaux funéraires ! » Aurore,
Friedrich Nietzsche
La volonté ne peut pas vouloir agir en
arrière ; ne pas pouvoir briser le temps et le désir du temps, — c’est là
la plus solitaire affliction de la volonté. Aurore,
Friedrich Nietzsche
La volonté est-elle déjà devenue, pour
elle-même, rédemptrice et messagère de joie ? A-t-elle désappris l’esprit
de vengeance et tous les grincements de dents ? Aurore, Friedrich Nietzsche
Ceci est ma première sagesse humaine de me
laisser tromper, pour ne pas être obligé de me tenir sur mes gardes à cause des
trompeurs. Aurore, Friedrich Nietzsche
Pour que la vie soit bonne à regarder il
faut que son jeu soit bien joué : mais pour cela il faut de bons
acteurs. Aurore, Friedrich Nietzsche
Tu es quelqu’un qui a désappris
d’obéir : maintenant tu dois commander. Ne sais-tu pas quel est celui dont
tous ont le plus besoin ? Celui qui ordonne de grandes choses. Aurore, Friedrich Nietzsche
« Ô
Zarathoustra, tes fruits sont mûrs, mais toi tu n’es pas mûr encore pour tes
fruits ! Aurore, Friedrich Nietzsche
Et si dorénavant toutes les échelles te
manquent, il faudra que tu saches grimper sur ta propre tête : comment
voudrais-tu faire autrement pour monter plus haut ? Aurore, Friedrich Nietzsche
Pour voir beaucoup de choses il
faut apprendre à voir loin de soi : — cette dureté est nécessaire
pour tous ceux qui gravissent les montagnes. Aurore, Friedrich Nietzsche
C’est du plus bas que le plus haut doit
atteindre son sommet. — Aurore, Friedrich
Nietzsche
« Vois
ce portique ! nain ! repris-je : il a deux visages. Deux chemins
se réunissent ici : personne encore ne les a suivis jusqu’au bout. Cette
longue rue qui descend, cette rue se prolonge durant une éternité et cette
longue rue qui monte — c’est une autre éternité. Ces chemins se contredisent,
ils se butent l’un contre l’autre : — et c’est ici, à ce portique, qu’ils
se rencontrent. Le nom du portique se trouve inscrit à un fronton, il s’appelle
« instant Aurore, Friedrich
Nietzsche
Car les parcelles de bonheur qui sont en
route entre le ciel et la terre se cherchent un asile dans les âmes de lumière.
Aurore, Friedrich Nietzsche
Zarathoustra se mit à rire en son cœur, et
il dit d’un ton ironique : « Le bonheur me court après. Cela vient de
ce que je ne cours pas après les femmes. Or, le bonheur est une femme. »
Jaune surlignement | Emplacement: 44,769
Quelques-uns d’entre eux
« veulent », mais la plupart ne
Jaune surlignement | Emplacement: 44,769
sont que « voulus
Jaune surlignement | Emplacement: 44,772
Les qualités de l’homme sont rares
ici : c’est pourquoi les femmes se masculinisent. Car celui qui est assez
homme sera seul capable d’affranchir dans la femme — la femme.
Jaune surlignement | Emplacement: 44,813
Je suis Zarathoustra, l’impie : je fais
bouillir dans ma marmite tout ce qui est hasard. Et ce n’est que
lorsque le hasard est cuit à point que je lui souhaite la bienvenue pour en
faire ma nourriture.
Jaune surlignement | Emplacement: 44,831
« Faites toujours ce que vous voudrez,
— mais soyez d’abord de ceux qui peuvent vouloir ! »
« Aimez toujours votre prochain comme vous-mêmes, mais soyez d’abord de
ceux qui s’aiment eux-mêmes — — qui s’aiment avec le grand amour, avec le
grand mépris ! »
Jaune surlignement | Emplacement: 44,926
Ici c’est l’enfer pour les pensées
solitaires. Ici l’on fait cuire vivantes les grandes
Jaune surlignement | Emplacement: 44,927
pensées et on les réduit en bouillie.
Jaune surlignement | Emplacement: 44,928
Ici pourrissent tous les grands
sentiments : ici on ne laisse cliqueter que les petits sentiments
desséchés !
Jaune surlignement | Emplacement: 44,941
Car c’est d’« en haut » que
pleuvent les étoiles et les gracieux crachats ; c’est vers en haut que
vont les désirs de toutes les poitrines sans étoiles.
Jaune surlignement | Emplacement: 44,963
Je méprise ton mépris ; et si tu
m’avertis, — pourquoi ne t’es-tu pas averti toi-même
Jaune surlignement | Emplacement: 44,964
?
Jaune surlignement | Emplacement: 45,119
Ô solitude ! Toi ma patrie,
solitude ! Comme ta voix me parle, bienheureuse et tendre ! Nous ne
nous
Jaune surlignement | Emplacement: 45,120
questionnons point, nous ne nous plaignons
point l’un à l’autre, ouvertement nous passons ensemble les portes ouvertes.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,125
La meilleure sagesse c’est d’oublier et de
passer : — c’est là ce que j’ai appris !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,136
Chez eux tout parle, tout est divulgué. Et
ce qui jadis était appelé mystère et secret des âmes profondes appartient
aujourd’hui aux trompettes des rues et à d’autres tapageurs.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,145
On désapprend ce que l’on sait des hommes
quand on vit parmi les hommes. Il y a trop de premiers plans chez les hommes, —
que peuvent faire là les vues lointaines et perçantes !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,153
La pitié enseigne à mentir à ceux qui vivent
parmi les bons. La pitié rend l’air lourd à toutes les âmes libres. Car la
bêtise des bons est insondable.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,254
de l’âme puissante, unie au corps élevé, au
corps beau, victorieux et réconfortant, autour de qui toute chose devient
miroir : — le corps souple qui persuade, le danseur dont le symbole
et l’expression est l’âme joyeuse d’elle-même. La joie égoïste de tels corps,
de telles âmes s’appelle elle-même : « vertu ».
Jaune surlignement | Emplacement: 45,320
Celui qui apprendra à voler aux hommes de
l’avenir aura déplacé toutes les bornes ; pour lui les bornes mêmes
s’envoleront dans l’air, il baptisera de nouveau la terre — il l’appellera
« la légère ».
Jaune surlignement | Emplacement: 45,324
Celui cependant qui veut devenir léger comme
un oiseau doit s’aimer soi-même : — c’est ainsi que j’enseigne, moi.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,327
Il faut apprendre à s’aimer soi-même, d’un
amour sain et bien portant : afin d’apprendre à se supporter soi-même et
de ne point vagabonder
Jaune surlignement | Emplacement: 45,369
J’appelle encore malheureux ceux qui sont
obligés d’attendre toujours, — ils ne sont pas à mon goût, tous ces
péagers et ces épiciers, ces rois et tous ces autres gardeurs de pays et de
boutiques. En vérité, moi aussi, j’ai appris à attendre, à attendre longtemps,
mais à m’attendre, moi. Et j’ai surtout appris à me tenir debout, à
marcher, à courir, à sauter, à grimper et à danser.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,374
qui veut apprendre à voler un jour doit
d’abord apprendre à se tenir debout, à marcher, à courir, à sauter, à grimper
et à danser : on n’apprend pas à voler du premier coup
Jaune surlignement | Emplacement: 45,375
Avec des échelles de corde j’ai appris à
escalader plus d’une fenêtre, avec des jambes agiles j’ai grimpé sur de hauts
mâts : être assis sur de hauts mâts de la connaissance, quelle
félicité ! —
Jaune surlignement | Emplacement: 45,381
œil regarde dans le lointain. Et c’est
toujours à contrecœur que j’ai demandé mon chemin, — cela me fut toujours
contraire ! J’ai toujours préféré interroger et essayer les chemins
eux-mêmes. Essayer et interroger, ce fut là toute ma façon de marcher : —
et, en vérité, il faut aussi apprendre à répondre à de pareilles
questions !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,385
ce n’est ni un bon, ni un mauvais goût, mais
c’est mon goût, dont je n’ai ni à être honteux ni à me cacher.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,426
Personne ne sait encore ce qui est bien
et mal : — si ce n’est le créateur ! Mais c’est le créateur qui crée
le but des hommes et qui donne sons sens et son avenir à la terre : c’est
Jaune surlignement | Emplacement: 45,427
lui seulement qui crée le bien et
le mal de toutes choses.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,510
Telle est la manière des âmes nobles :
elles ne veulent rien avoir pour rien, et moins que toute autre chose, la
vie.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,592
Jadis on croyait aux devins et aux
astrologues ; et c’est pourquoi l’on croyait que tout était
fatalité : « Tu dois, car il le faut ! » Puis on se méfia
de tous les devins et de tous les astrologues et c’est pourquoi l’on crut
que tout était liberté : « Tu peux, car tu veux ! »
Jaune surlignement | Emplacement: 45,631
il faut une nouvelle noblesse,
adversaire de tout ce qui est populace et despote, une noblesse qui écrirait de
nouveau le mot « noble » sur des tables nouvelles.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,645
vous devez être pour moi des créateurs et
des éducateurs, — des semeurs de l’avenir, — — en vérité, non d’une noblesse
que vous puissiez acheter comme des épiciers avec de l’or d’épicier : car
ce qui a son prix a peu de valeur. Ce n’est pas votre origine qui sera
dorénavant votre honneur, mais c’est votre but qui vous fera honneur !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,660
noblesse doit regarder, mais
au dehors ! Vous devez être des expulsés de toutes les patries et de
tous les pays de vos ancêtres !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,752
La volonté délivre : car la volonté est
créatrice ; c’est là ce que j’enseigne. Et ce n’est que pour
créer qu’il vous faut apprendre !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,776
ne faut pas vouloir être le médecin des
incurables
Jaune surlignement | Emplacement: 45,821
Quelle est la plus haute espèce chez l’être
et quelle est l’espèce la plus basse ? Le parasite est la plus basse
espèce, mais celui qui est de la plus haute espèce nourrit le plus de
parasites.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,859
Vous ne devez avoir que des ennemis dignes
de haine, mais point d’ennemis dignes de mépris : il faut que vous soyez
fiers de votre ennemi : c’est ce que j’ai enseigné une fois déjà.
Jaune surlignement | Emplacement: 45,920
Voilà ce qu’une femme m’a dit :
« Il est vrai que j’ai brisé les liens du mariage[53], mais les liens du
mariage m’avaient d’abord brisée — moi ! »
Jaune surlignement | Emplacement: 45,951
La société humaine est une tentative, voilà
ce que j’enseigne, — une longue recherche ; mais elle cherche
Jaune surlignement | Emplacement: 45,952
celui qui commande !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,953
une tentative, ô mes frères !
et non un « contrat » !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,967
quel que soit le mal que puissent faire les
méchants : le mal que font les bons est le plus nuisible des maux !
Jaune surlignement | Emplacement: 45,971
Les bons et les justes eux-mêmes ne devaient
pas le comprendre : leur esprit est prisonnier de leur bonne conscience.
La bêtise des bons est une sagesse insondable.
Jaune surlignement | Emplacement: 46,007
Les bons vous ont montré des côtes
trompeuses et de fausses sécurités ; vous étiez nés dans les mensonges des
bons et vous vous y êtes abrités. Les bons ont faussé et dénaturé toutes choses
jusqu’à la racine.
Jaune surlignement | Emplacement: 46,046
Ô toi ma volonté ! Trêve de toute
misère, toi ma nécessité ! Garde-moi de toutes les petites
victoires !
Jaune surlignement | Emplacement: 46,129
Tout va, tout revient, la roue de
l’existence tourne éternellement. Tout meurt, tout refleurit, le cycle de
l’existence se poursuit éternellement.
Jaune surlignement | Emplacement: 46,131
Tout se brise, tout s’assemble à
nouveau ; éternellement se bâtit le même édifice de l’existence. Tout se
sépare, tout se salue de nouveau ; l’anneau de l’existence se reste
éternellement fidèle à lui-même.
Jaune surlignement | Emplacement: 46,133
chaque moment commence l’existence ;
autour de chaque ici se déploie la sphère là-bas. Le centre est
partout. Le sentier de l’éternité est tortueux. »
Jaune surlignement | Emplacement: 46,204
je reviendrai éternellement pour cette même
vie, identiquement pareille, en grand et aussi en petit, afin d’enseigner de
nouveau l’éternel retour de toutes choses, —
Jaune surlignement | Emplacement: 46,257
Toute larme n’est-elle pas une
plainte ? Et toute plainte une accusation ?
Jaune surlignement | Emplacement: 46,298
Mes talons se cambraient, mes orteils
écoutaient pour te comprendre : le danseur ne porte-t-il pas son oreille —
dans ses orteils
Jaune surlignement | Emplacement: 46,299
alors
Jaune surlignement | Emplacement: 46,525
Malheur à tous ceux qui aiment sans avoir
une hauteur qui est au-dessus de leur pitié !
Jaune surlignement | Emplacement: 46,758
Dieu lui-même s’est fait juif ! »
Jaune surlignement | Emplacement: 46,772
« Vous devez aimer la
Jaune surlignement | Emplacement: 46,772
paix, comme un moyen de guerres nouvelles,
et la courte paix plus que la longue !
Jaune surlignement | Emplacement: 46,774
C’est la bonne guerre qui sanctifie toute
cause. »
Jaune surlignement | Emplacement: 46,835
Plutôt ne rien savoir que de savoir beaucoup
de choses à moitié ! Plutôt être un fou pour son propre compte qu’un sage
dans l’opinion des autres !
Jaune surlignement | Emplacement: 46,839
Dans la vraie science consciencieuse il n’y
a rien de grand et rien de petit. »
Jaune surlignement | Emplacement: 46,853
« L’esprit, c’est la vie qui incise
elle-même la vie, » c’est ce qui m’a conduit et éconduit à ta doctrine.
Et, en vérité, avec mon propre sang, j’ai augmenté ma propre science. »
Jaune surlignement | Emplacement: 47,044
qui est-ce qui est plus
Jaune surlignement | Emplacement: 47,044
impie que moi, afin que je me réjouisse de
son enseignement ?
Jaune surlignement | Emplacement: 47,075
Il avait aussi l’esprit confus. Que ne nous
en a-t-il pas voulu, ce coléreux, de ce que nous l’ayons mal compris. Mais
pourquoi ne parlait-il pas plus clairement ? Et si c’était la faute à nos
oreilles, pourquoi nous donnait-il des oreilles qui l’entendaient mal ?
S’il y avait de la bourbe dans nos oreilles, eh bien ! qui donc l’y avait
mise ?
Jaune surlignement | Emplacement: 65,026
Toute conquête, chaque pas en avant dans le
domaine de la connaissance a son origine dans le courage, dans la dureté à
l’égard de soi-même, dans la propreté vis-à-vis de soi-même.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,066
Maintenant je vous ordonne de me perdre et
de vous trouver vous-même ;
Jaune surlignement | Emplacement: 65,146
Un être d’un type nettement morbide ne peut
pas guérir et encore moins se guérir lui-même. Pour l'être bienportant la
maladie peut au contraire faire office de stimulant énergique qui met en jeu et
Jaune surlignement | Emplacement: 65,147
surexcite son instinct vital. C’est, en
effet, sous cet aspect que m’apparaît maintenant cette longue période de
maladie que j’ai traversée : j’ai en quelque sorte à nouveau découvert la
vie, y compris moi-même ; j’ai goûté de toutes les bonnes choses et même
des petites choses, comme d’autres pourraient difficilement en goûter. De telle
sorte que, de ma volonté d’être en bonne santé, de ma volonté de vivre, j’ai
fait ma philosophie... Car, qu’on
Jaune surlignement | Emplacement: 65,151
fasse bien attention, les années où ma
vitalité descendit à son minimum ont été celles où je cessai d’être pessimiste.
L’instinct de conservation m’a interdit de pratiquer une philosophie de la
pauvreté et du découragement...
Jaune surlignement | Emplacement: 65,153
Un homme bien conformé est un objet qui
plaît à nos sens ; il est fait d’un bois à la fois dur, tendre et parfumé.
Il ne trouve du goût qu’à ce qui
Jaune surlignement | Emplacement: 65,155
lui fait du bien. Son plaisir, sa joie
cessent dès lors qu’il dépasse la mesure de ce qui lui convient. Il devine les
remèdes contre ce qui lui est préjudiciable ; il fait tourner à son
avantage les mauvais hasards ; ce qui ne le fait pas périr le rend plus
fort. De tout ce qu’il voit et entend, de tout ce qui lui arrive, il sait tirer
une somme conforme à sa nature : il est lui-même un principe de sélection ;
il laisse passer bien des choses sans les retenir. Il se
Jaune surlignement | Emplacement: 65,158
plaît toujours dans sa propre société, quoi
qu’il puisse fréquenter, des livres, des hommes ou des paysages : il
honore en choisissant, en acceptant, en faisant confiance. Il réagit lentement
à toutes les excitations, avec cette lenteur qu’il tient, par discipline, d’une
longue circonspection et d’une fierté voulue. Il examine la séduction qui
s’approche, il se garde bien d’aller à sa rencontre. Il ne croit ni à la
« mauvaise chance », ni à la
Jaune surlignement | Emplacement: 65,162
« faute » : il sait en finir
avec lui-même, avec les autres, il sait oublier. Il est assez fort pour que
tout tourne, nécessairement, à son avantage.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,278
le
Jaune surlignement | Emplacement: 65,278
souvenir est une plaie purulente.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,286
rien ne vous fait vous consumer plus vite
que le ressentiment.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,286
Le dépit, la susceptibilité maladive,
l’impuissance à se venger, l’envie, la soif de la haine, ce sont là de
terribles poisons
Jaune surlignement | Emplacement: 65,291
Le profond physiologiste qu’était Bouddha
l’a compris. Sa « religion », qu’il faudrait plutôt appeler une
hygiène, pour ne pas la confondre avec une chose aussi pitoyable
Jaune surlignement | Emplacement: 65,292
que le christianisme, subordonne ses effets
à la victoire sur le ressentiment. Libérer l’âme du ressentiment, c’est le
premier pas vers la guérison.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,318
Le penchant à être agressif fait partie de
la force aussi rigoureusement que le sentiment de vengeance et de rancune
appartient à la faiblesse.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,332
je n’attaque jamais de personnes,
Jaune surlignement | Emplacement: 65,332
je ne me sers des personnes que comme d’un
verre grossissant au moyen duquel on peut rendre visible une calamité publique
encore cachée et difficilement saisissable.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,352
Je suis doué d’une impressionnabilité
absolument inquiétante du sens de
Jaune surlignement | Emplacement: 65,353
la propreté, de sorte que je perçois
physiologiquement l’approche— que dis-je ? — l’intimité de la nature la
plus cachée de l’âme que j’ai devant moi. Je la flaire.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,355
Grâce à cette impressionnabilité j’ai comme
des antennes psychologiques à l’aide desquelles je puis tâter et palper toutes
sortes de mystères
Jaune surlignement | Emplacement: 65,356
toute la pourriture cachée qui croupit au
fond de certaines natures, mais qui tire peut-être son origine de quelque vice
de
Jaune surlignement | Emplacement: 65,357
sang dissimulé par l’éducation, je la
perçois presque toujours dès le premier contact.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,393
« Gardez-vous de cracher contre le
vent ! »
Jaune surlignement | Emplacement: 65,413
Quand une chose finit mal, il arrive trop
facilement que l’on manque de coup d’œil pour ce que l’on a fait : le
remords me paraît être une sorte de mauvais œil.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,676
défense
Jaune surlignement | Emplacement: 65,677
de soi. S’abstenir de voir certaines choses,
de les entendre, de les laisser venir à vous, premier commandement de la
sagesse, première démonstration que l’on n’est pas un objet du hasard, mais une
nécessité.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,716
Devenir ce que l’on est, cela fait supposer
que l’on ne se doute même pas de ce que l’on est.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,777
Mon privilège c’est d’avoir les sens très
aiguisés pour tous les symptômes des instincts bien portants.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,781
Celui qui a communément besoin d’attitudes
n’est pas franc... Gardez-vous des hommes pittoresques !
Jaune surlignement | Emplacement: 65,794
Quand je méprise quelqu’un, il devine que je
le méprise : je révolte par ma seule présence tout ce qui a du sang
corrompu dans les veines...
Jaune surlignement | Emplacement: 65,795
Ma formule pour la grandeur de l’homme,
c’est amor fati. Il ne faut rien demander d’autre, ni dans le passé, ni dans
l’avenir,
Jaune surlignement | Emplacement: 65,796
pour toute éternité. Il faut non seulement
supporter ce qui est nécessaire, et encore moins le cacher — tout idéalisme
c’est le mensonge devant la nécessité — il faut aussi l’aimer...
Jaune surlignement | Emplacement: 65,814
ne suis pas encore d’actualité. Quelques-uns
naissent d’une façon posthume.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,909
n’existe nulle part une espèce de livres
plus fière et plus raffinée tout à la fois. Ils atteignent çà et là le maximum
de ce qui peut être atteint sur la terre le cynisme. Il faut les conquérir en
se servant à la fois des doigts les plus délicats et des poings les plus
courageux.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,927
Quand je veux imaginer le type parfait d’un
de mes lecteurs, j’en fais toujours un monstre de courage et de curiosité qui
possède en
Jaune surlignement | Emplacement: 65,928
outre quelque chose de souple, de rusé, de
circonspect, ce qui constitue l’aventurier et l’explorateur né.
Jaune surlignement | Emplacement: 65,946
Tout style est bon qui communique
véritablement un état d’âme, qui ne se méprend pas sur l’allure des signes, sur
les gestes.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,194
La vie est malade à cause de ce rouage
inhumain et mécanique, à cause du travail « impersonnel » de
l’ouvrier, à cause de la fausse économie dans la « division du
travail ». Le but qui est la culture se perd ; le moyen, l’activité
Jaune surlignement | Emplacement: 66,196
scientifique moderne, barbarise...
Jaune surlignement | Emplacement: 66,252
Je suis le premier immoraliste.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,307
Tout idéalisme m’est étranger. Le titre de
mon livre veut dire ceci « Là où vous voyez des choses idéales, moi je
vois... des choses humaines, hélas ! trop humaines ! » — Je
connais mieux l’homme. — Un « esprit libre » ne signifie pas autre
chose qu’un esprit affranchi, un esprit qui a repris possession de lui-même.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,406
Je fus délivré des
« livres » ; pendant des années je ne lus plus rien et ce fut le
plus grand bienfait que je me sois jamais accordé ! Ce « moi »
intérieur, ce moi en quelque sorte enfoui et rendu silencieux, à force d’entendre
sans cesse un autre moi (— et lire n’est pas autre chose), ce moi s’éveilla
lentement, timidement, avec hésitation, mais il finit enfin par parler de
nouveau.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,497
Dans une transmutation de toutes les
valeurs, par quoi l’homme s’affranchira de toutes les valeurs morales reconnues
jusqu’alors, dira « oui » et osera croire à tout ce qui, jusqu’à
présent, fut interdit, méprisé, maudit.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,516
Le problème de l’origine des valeurs morales
est pour moi une question de tout premier ordre, parce que l’avenir de
l’humanité en dépend.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,517
L’obligation de croire que toutes choses se
trouvent dans les meilleures mains, qu’un seul livre, la bible, rassure définitivement
au sujet du gouvernement divin et de la sagesse dans les destinées de
l’humanité, si on la transcrit
Jaune surlignement | Emplacement: 66,520
dans la réalité, équivaut à la volonté
d’étouffer la vérité qui démontrerait exactement le contraire, à savoir cette
conviction lamentable que jusqu’à présent l’humanité a été en de mauvaises
mains, qu’elle a été gouvernée par les déshérités qu’anime la ruse et la
vengeance, par ceux que l’on appelle les « saints », ces
calomniateurs du monde qui souillent la race humaine.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,658
Comment pourrions-nous, après de pareils
aperçus et avec une telle faim dans la conscience, une telle avidité de
science, nous satisfaire encore des hommes actuels ?
Jaune surlignement | Emplacement: 66,782
Dante, si on le compare à Zarathoustra,
n’est qu’un croyant, et non point quelqu’un qui crée d’abord la vérité, un
esprit qui domine le monde, une fatalité
Jaune surlignement | Emplacement: 66,811
L’âme qui a la plus longue échelle et qui
peut descendre le plus bas, — l’âme la plus vaste qui peut courir, au milieu
d’elle- même s’égarer et errer le plus loin, celle qui est la plus nécessaire,
qui se précipite par plaisir dans le hasard,
Jaune surlignement | Emplacement: 66,814
— l’âme qui est, qui plonge dans le
devenir ; l’âme qui possède, qui veut entrer dans le vouloir et dans le
désir, — l’âme qui se fuit elle-même et qui se rejoint elle-même dans le plus
large cercle ; l’âme la plus sage que la folie invite le plus doucement, —
l’âme qui s’aime le plus elle-même, en qui toutes choses ont leur montée et
leur descente, leur flux et leur reflux.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,827
«
Jaune surlignement | Emplacement: 66,827
Je porte dans tous les gouffres mon
affirmation qui bénit... »
Jaune surlignement | Emplacement: 66,909
Dans la recherche de la connaissance, ce
n’est encore que la joie de la volonté, la joie d’engendrer et de devenir que
je sens en moi, et s’il y a de l’innocence dans ma connaissance, c’est parce
qu’il y a en elle de la volonté d’engendrer.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,912
Cette volonté m’a attiré loin de Dieu et des
Dieux ; qu’y aurait-il donc à créer, s’il y avait des Dieux ? Mais,
mon ardente volonté de créer me pousse sans cesse vers les hommes ; ainsi
le marteau est poussé vers la pierre.
Jaune surlignement | Emplacement: 66,945
Depuis cette époque tous mes écrits sont des
hameçons que je lance. Peut-être
Jaune surlignement | Emplacement: 66,946
que je m’entends mieux que n’importe qui à
pêcher à la ligne ?... Si rien ne se laissa prendre, ce n’était pas de ma
faute. Les poissons faisaient défaut...
Jaune surlignement | Emplacement: 66,972
ce
Jaune surlignement | Emplacement: 66,972
fut Dieu lui-même qui, sous la forme du
serpent, se coucha sous l’arbre de la Connaissance, lorsqu’il eut accompli son
œuvre : il se reposait ainsi d’être Dieu. Tout ce qu’il avait fait, il
l’avait fait trop beau... Le diable n’est que l’oisiveté de Dieu, à chaque
septième jour...
Jaune surlignement | Emplacement: 67,281
celui qui veut être créateur dans le bien et
dans le mal devra d’abord être destructeur et briser des valeurs.
Jaune surlignement | Emplacement: 67,282
Ainsi le suprême mal fait partie du suprême
bien, mais le suprême bien est créateur.
Jaune surlignement | Emplacement: 67,286
Je suis le
Jaune surlignement | Emplacement: 67,286
premier immoraliste. C’est ainsi que je suis
le destructeur par excellence.
Jaune surlignement | Emplacement: 67,295
Zarathoustra fut le premier à apercevoir,
dans la lutte du bien et du mal, le véritable rouage dans le jeu des choses.
Jaune surlignement | Emplacement: 67,305
La victoire de la morale sur elle-même, par
véracité, la victoire du moraliste sur lui-même, pour aboutir à son contraire,
à moi, c’est ceci que signifie
Jaune surlignement | Emplacement: 67,306
dans ma bouche le nom de Zarathoustra.
Jaune surlignement | Emplacement: 67,323
La condition d’existence de l’homme bon,
c’est le mensonge. Pour m’exprimer autrement, c’est la volonté de ne pas voir,
à tout prix, comment la réalité est faite en somme.
Jaune surlignement | Emplacement: 67,426
ce n’est
Jaune surlignement | Emplacement: 67,426
pas l’humanité qui est en dégénérescence,
c’est seulement cette espèce parasitaire d’hommes, l’espèce des prêtres, qui,
par le monde, en s’aidant du mensonge, est parvenue à s’élever à la qualité
d’arbitre pour la détermination des valeurs, qui a trouvé dans la morale
chrétienne un moyen pour parvenir à la puissance...
Jaune surlignement | Emplacement: 67,431
La morale c’est l’idiosyncrasie du décadent
avec l’intention cachée de tirer vengeance de la vie —
Jaune surlignement | Emplacement: 67,461
La notion du « péché » a été
inventée en même temps que l’instrument de torture qui la complète, le
« libre-arbitre » pour brouiller les instincts, pour faire de la
méfiance à l’égard des
Jaune surlignement | Emplacement: 67,463
instincts une seconde nature
Jaune surlignement | Emplacement: 76,444
la « foi », c’est-à-dire la
conviction irraisonnée, instinctive, qui ne tient pas compte de la réalité des
faits.
Jaune surlignement | Emplacement: 76,445
Cette foi n’est pas autre chose, au fond,
que la volonté de maintenir à tout prix une illusion que l’on croit nécessaire
à la
Jaune surlignement | Emplacement: 76,446
vie
Jaune surlignement | Emplacement: 76,446
c’est la crainte que la vérité ne soit
peut-être mauvaise et qu’elle ne soit révélée à l’homme avant qu’il soit assez
fort pour pouvoir la supporter.