La grande histoire du
monde, - T - François Reynaert, Fayard
1
La terre est ronde. Cela permet
à tous les peuples qui l’habitent de se croire
au centre du monde. » La
grande histoire du monde, François Reynaert
À partir du XVIe siècle, l’Europe a
connu une expansion fulgurante qui lui a permis de conquérir la quasi-totalité
de la planète. Cette domination s’est achevée au XXe siècle dans le fracas
des deux guerres mondiales que le petit continent a provoquées. À la suite de
la Seconde, les États-Unis et l’URSS ont pris le relais. Ils se sont partagé le
globe au nom de deux systèmes idéologiques – hérités de la pensée
européenne. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Mon idée fixe a été de ne garder que les
lignes de force essentielles à la compréhension d’un grand mouvement de
l’histoire, et de donner les rudiments de la connaissance à son sujet. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Non, l’homme n’est pas une créature façonnée
par Dieu à son image, apparue au
moment de la Création, il y a 6 000 ans. L’homme est un primate comme
un autre et les mystérieuses lois de l’évolution l’ont lentement
transformé au cours des millénaires pour en faire cet être d’aujourd’hui qui a
réussi, grâce à son intelligence – et parfois sa déraison – à dominer
la planète. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Et si Homo sapiens n’était pas né d’un seul
berceau africain, mais était le fruit de l’évolution qui s’est reproduite un
peu à la fois dans des endroits divers du globe ? La grande histoire du monde, François Reynaert
Les civilisations sont le produit de lents
mouvements historiques qui prennent leurs racines loin dans le temps, elles
sont nourries par des courants divers, multiples, contradictoires et nulle
borne aussi clairement posée ne marque leur début. La grande histoire du monde, François Reynaert
Le christianisme et la culture grecque sont
deux sources essentielles de la civilisation occidentale. Qu’il soit croyant ou
qu’il soit athée, qu’il soit docteur en philosophie ou qu’il n’ait jamais ouvert
un texte grec de sa vie, qu’il soit bulgare, espagnol, belge ou suédois, tout
Européen est aussi un fils d’Athènes et de Jérusalem, qui ont façonné sa façon
de penser, sa morale, son esthétique, la langue qu’il parle, ses conceptions
politiques, son rapport au temps ou à l’univers. La grande histoire du monde, François Reynaert
Les Grecs se sont établis en Asie Mineure,
sur la mer Noire et sur le pourtour du Bassin méditerranéen. Ils y sont, écrira
Platon, comme les grenouilles autour d’une mare ». La grande histoire du monde, François Reynaert
Alphabet ainsi nommé car alpha et bêta sont
les deux premières lettres de la liste. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Barbares, c’est-à-dire des rustres
incapables de s’exprimer convenablement qui ne savent que bredouiller des
bruits incompréhensibles, bar… bar… – c’est l’étymologie du mot. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Dans cet univers profondément religieux, de
nombreuses décisions se prennent par tirage au sort, car les Grecs pensaient
que celui-ci indiquait la volonté des dieux. La grande histoire du monde, François Reynaert
L’humanisme, en plaçant l’Homme au centre de
la Création, lui donne une position de domination sur la nature qui,
contrairement à la place qu’elle tient dans d’autres mondes, n’a rien de sacré.
La grande histoire du monde, François
Reynaert
la magnifique notion de progrès
scientifique, mal comprise, peut s’égarer dans le scientisme, cette dérive
consistant à idolâtrer la science, à estimer qu’elle est supérieure à tout. Au
bout de ce chemin pointe une maladie contre lesquels les Grecs mettaient en
garde, l’hubris, ce péché d’orgueil. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Le monothéisme universaliste chrétien a un
défaut : en posant l’idée qu’il n’y a qu’un seul dieu et qu’il doit parler
à tous les hommes, il décrète le règne de la vérité unique, mère de
l’intolérance et des guerres de religion. C’est la grande limite de la pensée
occidentale. Par nature, elle s’autorise à se croire seule capable de dire le
bien et le mal, la vérité et l’erreur. La
grande histoire du monde, François Reynaert
L’un et l’autre principe ne sont pas plus
chargés en valeurs morales que le pôle « plus » et le pôle
« moins » d’une pile électrique. Précisément, ils fonctionnent comme
le courant. Ils sont complémentaires, l’un a besoin de l’autre, et l’autre a
besoin de l’un, car c’est leur opposition, leur alternance qui créent la
direction, le mouvement, comme l’alternance de la jambe gauche et celle de la
jambe droite créent la marche. Enfin, ce mouvement perpétuel met en branle tout
ce qui constitue l’univers, et est formé de cinq éléments. La grande histoire du monde, François Reynaert
En Chine, on ne se préoccupe pas de
l’opposition mais de l’énergie produite par l’interaction des uns et des
autres. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Le confucianisme est une doctrine sociale,
dans le sens premier du mot. La grande
histoire du monde, François Reynaert
Les dieux ont coupé l’homme primordial en
quatre. Les brahmanes, qui ont le monopole de la parole, correspondent à sa
bouche ; les guerriers à ses bras ; les artisans et commerçants à ses
jambes ; et les serviteurs, soumis à tous les autres, à ses pieds. La grande histoire du monde, François
Reynaert
En Lydie coule le Pactole, une rivière où
abondent les paillettes d’or. La grande
histoire du monde, François Reynaert
Quand l’empereur prend une décision alors
qu’il est sobre, ajoute l’historienne, il juge sage de boire pour vérifier si,
une fois saoul, il la maintient… La grande
histoire du monde, François Reynaert
En persan, un jardin clos se dit pairi
daeza. Les Grecs, éblouis par ceux qu’ils découvrirent, reprirent le mot pour
en faire le « paradis ». Le monde judéo-chrétien le fit monter au
ciel. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Synthétise ces apports dans la religion
qu’il fonde. Elle est dualiste, c’est-à-dire qu’elle repose sur une opposition
frontale entre un monde bon et un monde méchant, et porte son nom : le
manichéisme. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Ces cultes nouveaux sont très différents des
religions anciennes sur un point essentiel. Le plus souvent, ils ne sont plus
réservés à tel ou tel peuple en particulier, mais prétendent parler à tous les
hommes. Cela rend leur concurrence difficile. Comment faire coexister plusieurs
vérités si une seule existe ? La
grande histoire du monde, François Reynaert
Un Chinois ne connaît son pays que comme
zhong guo, « le pays du Milieu » (plus tard traduit en Europe en
« empire du Milieu »), c’est-à-dire l’axe du monde autour duquel ne
peuvent tourner que des inférieurs et des barbares. La grande histoire du monde, François Reynaert
Les hommes doivent n’avoir que la loi pour
référence. Ils n’ont donc plus besoin de toute la littérature ni du prétendu savoir
qui ne servait qu’à créer le trouble dans les esprits et le désordre dans le
pays. La grande histoire du monde,
François Reynaert
La calligraphie, art chinois par excellence,
qui s’attache, dans la perfection du dessin d’un caractère, à exprimer plus qu’un
simple mot, un concept, une essence. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Aux VIIe et VIIIe siècles de notre ère,
la grande conquête arabe dessinera une ligne de fracture au milieu de la
Méditerranée. C’est depuis qu’on y voit un Sud – le monde musulman –
et un Nord – l’Europe chrétienne. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Un Romain conçoit son empire tel un monde
circulaire, tournant autour de la mare internum – la mer intérieure
– comme il lui arrive de l’appeler, et ne différencie nullement sa rive
nord ou sud. L’Égypte ou la Tunisie, appelée l’Afrique, sont de grandes et
riches provinces romaines au même titre que la Pannonie, où se trouve
l’actuelle Hongrie, ou la Germanie inférieure, où sont les Pays-Bas et le nord
de l’Allemagne. La grande histoire du
monde, François Reynaert
De même que Rome est devenue chrétienne, le
christianisme se romanise. Dès ses débuts, il s’est répandu dans le creuset
qu’offrait l’empire, c’est-à-dire tout autour de la Méditerranée. Partout, il a
du mal à s’implanter dans les campagnes, qui restent longtemps fidèles aux
anciens cultes. Le vocabulaire l’atteste : le mot « païen »
dérive du latin paganus, le paysan. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Un calife n’est nécessaire que pour faire
l’unité de la communauté ; les savants, qu’on appelle des oulémas, ne sont
là que pour éclairer la doctrine ; et les imams sont simplement les hommes
qui guident la prière à la mosquée. Pour le reste, un croyant n’a, en matière
de religion, qu’à se fonder sur le Coran et les faits et dits du Prophète, les
hadiths. Ces deux piliers de la foi forment la sunna, la tradition. Leur
courant est le sunnisme. La grande
histoire du monde, François Reynaert
Qui, de celui qui règne sur les âmes ou de
celui qui règne sur les hommes est supérieur à l’autre ? Et le simple fait
de la poser sans cesse aboutit à entériner la séparation entre le pouvoir
spirituel et le pouvoir temporel si fondamentale, sens, c’est d’elle que naîtra
bien plus tard le principe de laïcité. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Réformer (c’est-à-dire de lui redonner sa
forme première). La grande histoire du
monde, François Reynaert
Les Mongols ont conquis le monde. En
quelques décennies, le monde qu’ils ont conquis les absorbe. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Cette façon de voir a été façonnée au temps
de la conquête coloniale, quand il s’agissait de prouver que seule l’Europe
avait su « apporter la civilisation » à un univers qui en était
dépourvu. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Le Moyen Âge, lit-on souvent, était tourné
vers Dieu et posait la soumission aux maîtres comme source de toute sagesse. La
Renaissance déplace le regard vers l’homme. Elle l’incite à penser par lui-même
en s’affranchissant des dogmes. La grande
histoire du monde, François Reynaert
L’Europe chrétienne se sent investie d’une
mission, elle est intimement persuadée qu’il est de son devoir de convertir
tous les peuples qu’elle rencontrera à ses propres conceptions religieuses, à
ses normes, à ses valeurs. La grande
histoire du monde, François Reynaert
Capables d’affronter tous les périls, les
chefs des expéditions ne sont pas des repris de justice, et pour la plupart,
ils sont bien les hommes d’un courage surhumain dont la postérité a fixé le
souvenir. Il n’est pas inutile d’ajouter qu’ils puisent essentiellement cette
intrépidité dans leur fanatisme religieux. Rien ne peut leur arriver, puisque
Dieu est avec eux. Formés dans la mythologie de la Reconquista, ils haïssent
tout particulièrement les musulmans, en qui ils voient par ailleurs leurs
principaux rivaux commerciaux. Ils sont capables de tout pour assouvir cette
haine. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Le but des expéditions était, selon une
formule attribuée à Vasco de Gama, de « trouver des chrétiens et des
épices ». La grande histoire du
monde, François Reynaert
La guerre entre les deux est inscrite dans
la géographie. La grande histoire du
monde, François Reynaert
Je voudrais bien voir la clause du testament
d’Adam qui m’exclut du partage du monde. » La grande histoire du monde, François Reynaert
Francis Bacon (1561-1626) élabore la méthode
expérimentale, qui veut que toute vérité ne puisse être tirée que de
l’expérience observée, vérifiée, doublée du principe de l’induction, consistant
à partir des cas particuliers étudiés pour en induire les lois générales qu’on
cherche. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Tous les astres tiennent grâce à
l’attraction qu’ils exercent les uns sur les autres. C’est la loi de la
gravitation universelle. La grande
histoire du monde, François Reynaert
Le merrcantilisme suppose que la possession
d’or et d’argent est la seule source de richesse d’un pays et que le rôle de
l’État est de tout mettre en œuvre pour l’augmenter le plus possible. L’idéal
mercantiliste est donc de faire grossir les réserves monétaires en exportant
beaucoup et en important peu. La grande
histoire du monde, François Reynaert
« Que
peut-on faire pour vous aider ? » demande un jour Colbert, le très
dirigiste ministre de Louis XIV, à un marchand. « Monseigneur, répond
celui-ci, laissez faire, laissez passer ! »
Le mot tsar est la version slave de César,
le titre que se donnaient les empereurs romains. Il nous indique le destin que
le pays s’assigne désormais à lui-même. L’idée est qu’après la chute aux mains
des Turcs de Constantinople, la deuxième capitale romaine, Moscou est appelée à
être la Troisième Rome, seule à même de maintenir vivante la flamme du
christianisme orthodoxe. La grande
histoire du monde, François Reynaert
L’Inde, une des terres les plus riches du
monde, est devenue la colonie d’un pays vingt fois plus petit qu’elle au cours
d’un long processus qui a été, pendant deux siècles et demi, le fait de
marchands travaillant pour une entreprise privée. La grande histoire du monde, François Reynaert.
À la fin du XVIIIe siècle, le mot
« nabab » entre dans le vocabulaire anglais selon un sens qui nous
est resté depuis : le viveur, le flambeur. Il désigne les employés de la
Compagnie revenant en Angleterre pour y jouir, dans l’excès, des fortunes
colossales amassées outre-mer, dépassant de très loin les plus modestes
bénéfices versés aux actionnaires de l’entreprise qu’ils étaient censés servir.
La grande histoire du monde, François
Reynaert
Sur le plan économique, le propre de la
colonisation est de sortir du cadre d’un échange d’égal à égal entre deux
partenaires pour passer à l’exploitation pure et simple du pays colonisé au
profit d’une métropole. La grande
histoire du monde, François Reynaert
Vers 1600, nous précise l’Atlas historique
Kinder-Hilgemann, 49 % des terres de la planète ont été reconnues. En
1800, le chiffre monte à 83 % La
grande histoire du monde, François Reynaert
Les femmes, ces « nymphes » belles
et nues comme un premier matin du monde, ne poussent-elles pas l’hospitalité
jusqu’à s’offrir à tous les étrangers qui se présentent à elles ? Elles
sont si simples et naturelles, explique le capitaine, qu’il ne faut leur offrir
que quelques clous, inconnus dans ces lieux, pour recevoir leur consentement. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Il semble confirmer la philosophie du
« bon sauvage » développée par Rousseau : c’est bien la société
qui corrompt les hommes alors qu’à l’« état de nature », dans lequel
ils sont manifestement restés dans cette île lointaine de Tahiti, ils vivent
dans le bonheur. La grande histoire du
monde, François Reynaert
Comme ailleurs, le surgissement des armes à
feu et de la Bible dans un monde qui ne les connaissait pas change tout. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Les dix premiers amendements au texte, votés
très rapidement après son adoption, forment une sorte de charte garantissant
les droits individuels, tels que le droit de propriété, celui de porter une
arme, ou encore la liberté de parole, de religion ou de réunion. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Le texte commence par ces mots :
« We, the people of the United States ». Pour la première fois dans
l’histoire occidentale moderne, un peuple s’est constitué en entité pour prendre
son destin en main et a réussi à transformer celui-ci sans bain de sang ni
guerre civile. La grande histoire du
monde, François Reynaert
Dans la nuit du 4 août, l’Assemblée
nationale vote dans l’euphorie l’abolition des privilèges. Le 26, elle proclame
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui commence par ces
mots : « Tous les hommes naissent libres et égaux en droit. » En
trois mois, un millénaire de féodalité, d’inégalité fondée sur le sang, de
trône appuyé sur l’autel, ont été jetés à bas. Un nouveau monde est à
construire. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Jenner (1749-1823), père de la vaccination4,
c’est-à-dire l’inoculation d’une forme atténuée de la maladie, a terrassé la
variole. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Syllabus, le catalogue de ce que le
Saint-Siège estime être les erreurs de notre temps ». Sont condamnés,
entre autres égarements, la liberté de conscience, le droit de l’État d’agir
hors du contrôle de l’Église, le fait que la science peut établir des vérités
contraires au dogme, l’enseignement laïque, c’est-à-dire à peu près toutes les
valeurs qui, de nos jours, forment le socle idéologique des démocraties. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Auguste Comte (1798-1857), un philosophe français,
invente le positivisme qui théorise cette représentation : l’humanité,
selon lui, a connu des âges divers. Après celui de la religion, puis celui de
la philosophie, des idées abstraites, arrive enfin l’âge positif, celui de la
science, des faits. La grande histoire du
monde, François Reynaert
Au XIXe, aucun Européen n’en voit plus nulle
part ailleurs qu’en Europe. Le monde, à leurs yeux, n’est plus composé de
diverses civilisations. Il est partagé entre la civilisation, c’est-à-dire la
leur, celle du progrès, de la science, des bateaux à vapeur, de la puissance
moderne, et le reste du monde. La grande
histoire du monde, François Reynaert
L’impérialisme, c’est-à-dire la volonté des
puissances européennes de créer des empires loin de chez eux, découle de ce
sentiment de supériorité. La grande
histoire du monde, François Reynaert
Puisque l’Occident est « en
avance », puisqu’il a réussi à produire la meilleure société qui puisse
être au monde, il a pour devoir de sortir les « sauvages » de leur
« sauvagerie », et les mondes en léthargie de leur sommeil. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Même chez les plus grands esprits, cet
universalisme aboutit toujours à théoriser la supériorité de certains sur
d’autres. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Victor Hugo, par ailleurs l’admirable
défenseur des nobles causes et des pauvres gens s’écrie : « Au
XIXe siècle, le Blanc a fait du Noir un homme. » Rôles selon lui
dévolus aux différents peuples de la Terre : la « race
chinoise » est une « race d’ouvriers », à la « dextérité de
main merveilleuse » mais qui n’a « presque aucun sentiment
d’honneur ». Le « nègre » appartient à la « race de
travailleurs de la terre » tandis que la « race européenne »,
est celle des « maîtres et des soldats ». « Que chacun fasse ce
pour quoi il est fait et tout ira bien », conclut-il benoîtement10. Tous
les gens de son temps pensent ainsi, y compris ceux qui sont censés faire
l’usage le plus rationnel de leur cerveau. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Il a fait naître en Europe un autre
principe, parfaitement contradictoire avec les options réactionnaires du tsar
et de ses amis : l’idée nationale. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Le pouvoir des princes, que ceux-ci
prétendaient tenir de la volonté de Dieu. Les révolutions américaine et
française ont renversé ce principe. À Philadelphie et au Jeu de paume, elles
ont décrété que désormais la souveraineté n’émanerait plus du sommet de la
pyramide sociale, mais de sa base, de l’ensemble du peuple habitant le pays, de
la nation. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Le
peuple français s’est constitué dans un cadre qui préexistait, un État
longuement construit par les rois. La plupart des autres Européens ne sont pas
dans ce cas. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Vienne, en 1867, signe avec les Hongrois un
« compromis » qui crée un nouveau système de pouvoir leur laissant
une plus grande autonomie. Désormais, François-Joseph ne tiendra plus toutes
ses possessions sous une même couronne. Il en aura deux. Il sera à la fois
empereur d’Autriche et roi de Hongrie, souverain bicéphale d’un nouveau pays,
la double monarchie d’Autriche-Hongrie. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Les colons affluent vers les terres
nouvelles dans l’espoir d’une vie meilleure que celle qu’ils ont laissée
derrière eux. Le mouvement est également porté par un fort sentiment religieux.
Dès les temps des Pères pèlerins, l’Amérique apparaissait comme la Terre
promise par Dieu aux chrétiens fuyant les persécutions religieuses3.
L’expansion du XIXe siècle, se place sous les mêmes auspices. Au moment où
un débat opposait les Américains pour savoir s’il fallait ou non annexer le
Texas, dans les années 1840, le journaliste John O’Sullivan écrit :
« C’est notre destinée manifeste de nous étendre sur un continent qui nous
a été donné par la Providence. » L’expression de « destinée
manifeste4 » fait florès, elle résume le messianisme américain, cette idée
que tout ce qu’entreprend le peuple des États-Unis est l’expression d’une
volonté divine. On la retrouvera à l’œuvre longtemps. La grande histoire du monde, François Reynaert
Les ouvriers apprennent à s’organiser, comme
le font leurs cousins d’Europe. Contrairement à ce qui se passe dans le Vieux
Monde, peu d’entre eux défendent le socialisme. Le capitalisme et ses promesses
d’enrichissement sont trop liés au « rêve américain » qui a attiré
les immigrants pour être remis en cause. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Comment réussir cette progression
démocratique quand la base du peuple est éclatée entre des groupes aux intérêts
aussi divergents ? Les seuls qui arrivent à résoudre cette contradiction
sont les leaders populistes qui flattent les masses en jouant sans complexe sur
les ressorts du patriotisme le plus outrancier et, dans le même temps, apaisent
les possédants en promettant des régimes d’ordre et en garantissant leurs
privilèges. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Le pays (Chine) n’avait pas pris la voie de
l’industrialisation tout simplement parce que sa prospérité lui suffisait et
qu’il n’avait donc nul besoin de transformer un système qui fonctionnait ?
Le spécialiste appelle cela le « piège de l’équilibre de haut
niveau ». La grande histoire du
monde, François Reynaert
Pendant des siècles, le confucianisme a
servi à pacifier les rapports sociaux et à former la solide administration
mandarinale. Il ne réussit plus qu’à scléroser les esprits, à les empêcher de
réagir face au choc de la rencontre avec l’Occident. La grande histoire du monde, François Reynaert
Tous les Chinois la connaissent jusque dans
ses détails. L’effondrement de l’empire durant ce siècle terrible représente,
pour eux, un traumatisme dont ils ne sont toujours pas guéris. L’opiniâtreté de
la Chine du XXIe siècle à retrouver un leadership international, à
conquérir la première place en économie, est encore et toujours soutenue par la
volonté forcenée d’effacer la honte. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Dans la vision hiérarchisée du monde que se
font ceux qui s’en croient les maîtres, le continent noir tient une place
particulière : il est tout en bas. Il n’est pas « en retard »,
comme le sont les vieilles civilisations d’Asie, il est tout simplement resté
au stade du monde « primitif », c’est-à-dire situé quelque part entre
la « sauvagerie » et l’âge de pierre. Il est donc impératif de l’en
tirer au plus vite pour extirper les pratiques barbares qui s’y appliquent
encore, en particulier l’esclavage. Presque toutes les interventions coloniales,
on l’a oublié, sont justifiées au départ par des motifs humanitaires. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Les expéditions se sont toutes parées du
masque de l’humanité. Il ne s’agissait jamais de conquérir, mais toujours de
libérer les populations du joug de ceux qui les opprimaient, les roitelets
cruels, les marchands d’esclaves arabes, les terribles anthropophages. On
venait faire le bien. Il serait d’ailleurs injuste de négliger le fait que
nombre de missionnaires, de médecins, d’infirmiers, d’instituteurs ont
participé à l’entreprise coloniale parce qu’ils voyaient en elle un outil du
progrès, et, à titre individuel, chacun dans leur branche, en éduquant, en
soignant, ont fait ce qu’ils ont pu pour la rendre telle. La grande histoire du monde, François Reynaert
Même animé des meilleures intentions, le
Blanc ne considère le Noir que comme un enfant à qui il faut tout apprendre, La grande histoire du monde, François
Reynaert
Tous les Africains, sauf de rares
exceptions, sont soumis à un équivalent de ce que les Français nomment le Code
de l’indigénat, qui fait des sujets de l’empire des inférieurs et leur
dénie tous les droits politiques et syndicaux des citoyens de la
métropole. La grande histoire du monde,
François Reynaert
Les traités imposés aux vaincus devaient
assurer au monde une paix perpétuelle ; ils contiennent en germe des
guerres à venir. La grande histoire du
monde, François Reynaert
Toutes les anciennes provinces ottomanes
deviennent ce qu’on appelle alors des « mandats » de la SDN, des territoires
dont les « peuples ne sont pas encore capables de se diriger
eux-mêmes ». La grande histoire du
monde, François Reynaert
Leur administration est donc confiée à des
puissances, ce qui revient, dans les faits, à en faire des protectorats. Une
conférence diplomatique tenue à San Remo en fixe les frontières, qui suivent à
peu près ce que les diplomates Sykes et Picot avaient prévu dès 1916. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Les Français obtiennent le nord d’une vaste
zone centrée sur Damas. Las d’attendre, Fayçal, qui s’y trouvait, s’est fait
couronner roi. Sans la moindre considération pour un ancien allié, les Français
envoient une armée le chasser et prennent possession d’une région dont, après
des hésitations, ils font deux pays. La création du premier est demandée par
leurs alliés traditionnels, les chrétiens maronites, qui sont majoritaires
autour du mont Liban. Le problème est que leur petite région est trop pauvre
pour former un État viable. Paris accepte donc de lui adjoindre la riche plaine
de la Bekaa et les ports de la côte, comme Beyrouth ou Tripoli, autant
d’endroits habités par d’autres populations, druze, chiite ou sunnite. Dans
cette nouvelle configuration, les maronites sont à peine majoritaires, mais le
pays peut vivre. Le Grand Liban (fondé en 1920) est à l’origine du Liban
actuel. Il existe également de nombreuses minorités dans le reste du mandat.
Après avoir songé à le diviser en petits États pour y régner plus facilement,
les Français décident de n’en plus faire qu’un seul, la Syrie ; La grande histoire du monde, François
Reynaert
Stakhanov, un mineur du bassin houiller du
Donbass (Ukraine), aurait mis tant d’ardeur à la tâche, lors d’une nuit d’été
de 1935, qu’il aurait multiplié par quatorze, à lui seul, le quota demandés à
chaque travailleur. Une campagne de propagande en fait une gloire nationale, le
type même de l’« homme nouveau » que le régime veut voir naître. Le
« stakhanovisme » devient le nom d’une méthode utilisée pour
augmenter la productivité dans les usines. La
grande histoire du monde, François Reynaert
La politique étrangère d’Hitler repose sur
trois obsessions. Effacer le traité de Versailles, ce diktat qui a humilié
l’Allemagne ; réaliser le pangermanisme, c’est-à-dire l’union de tous les
Allemands, où qu’ils vivent, sous la coupe de Berlin ; et enfin assurer à
la race aryenne son « espace vital » par l’expansion à l’est, là où
vivent des populations slaves dont le Führer estime qu’elles ne méritent que
d’être vaincues et asservies. La grande
histoire du monde, François Reynaert
Depuis le XIXe siècle, depuis la
colonisation et l’humiliation par l’Occident, le monde arabo-musulman est hanté
par la même question : comment notre civilisation (et notre religion) qui
régnait sur le monde a-t-elle pu tomber si bas ? Comment peut-elle
remonter ? D’une certaine manière, toute l’histoire du Moyen-Orient après
1945 peut s’entendre comme une réponse à cette dernière interrogation. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Mais l’idée qui a été mise en valeur est appelée
à un grand avenir. Elle pose que le meilleur gouvernement des hommes ne peut
prendre sa source que dans le respect de Dieu et de la loi religieuse : on
l’appelle l’« islamisme » ; La
grande histoire du monde, François Reynaert
Pour Ibn Séoud, l’affaire est tentante. Il
est à la tête d’un grand État à la vaste frontière, qu’il est en peine de
protéger. Le mariage se fait sur cette base dès l’après-guerre : les
Saoudiens laissent aux Américains la main sur leur pétrole en échange du
parapluie de leur force militaire. C’est le paradoxe de la seconde moitié du
XXe siècle. Les États-Unis se retrouvent les meilleurs alliés d’un pays
qui va devenir le plus grand propagandiste d’un islam qui se veut en guerre
contre l’Occident. La grande histoire du
monde, François Reynaert
Le royaume d’Ibn Séoud a une autre
caractéristique. Il défend le wahhabisme, une doctrine fondamentaliste qui
promeut la lecture la plus étroite et la plus littérale du Coran, et pose la
charia comme seule règle de gouvernement. La
grande histoire du monde, François Reynaert
Dès les années 1920, Mao a commencé à former
sa propre doctrine en adaptant le communisme à la réalité chinoise : il
donne un rôle important aux masses paysannes, plutôt qu’à la classe ouvrière,
ou encore estime qu’il faut passer directement de la « féodalité » à
la société nouvelle, sans transition bourgeoise, comme le voulait Karl Marx,
qui raisonnait en se référant à l’histoire occidentale.
Disparition des idéologies au nom d’un
modèle lui-même très messianique. Comme les positivistes du XIXe siècle
avaient eu le don de transformer l’amour de la science en une croyance, et les
communistes le matérialisme en un culte, l’horizon indépassable d’un paradis
terrestre issu du croisement étonnant de Wall-Street et de la Bible avait tout
de la pensée religieuse. La grande
histoire du monde, François Reynaert
La fin de la guerre froide allait permettre
non pas l’avènement du libéralisme pour tous, mais un nouvel ordre du monde,
structuré autour d’une dizaine de grandes civilisations toutes rivales les unes
des autres et donc susceptibles de s’affronter. La grande histoire du monde, François Reynaert
Les extrémistes cherchent à déstabiliser
l’adversaire pour le forcer à rejeter les musulmans en bloc, de manière à
pousser ceux-ci dans les bras des fanatiques qui prétendent les représenter. La grande histoire du monde, François
Reynaert
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire