lundi 3 mai 2021

La Religion dans les limites de la Raison – T – Emmanuel Kant

 

La Religion dans les limites de la Raison – T – Emmanuel Kant



Le drame de la croyance et de la science, lequel a débuté d’une manière si saisissante dans notre Pascal, La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Tandis que la France, sortie de l’enceinte de la tradition, niait ostensiblement le christianisme par l’organe des encyclopédistes, l’Allemagne arrivait au même but, changeant, modifiant, transformant le dogme de manière à y substituer un théorème moral. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Où est l’humanité, là est la cité de Dieu. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Deux voies : l’une, le panthéisme spiritualiste, qui érige la fatalité à la place de la providence ; l’autre, le panthéisme matérialiste, qui aboutit à la doctrine des intérêts. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Comment la raison peut-elle s’ingérer de répondre au cœur ? Ces deux facultés, qui ont chacune leur langage, peuvent-elles jamais se comprendre ? La raison, surtout, au milieu de sa sphère d’abstractions, de déductions logiques, concevra-t-elle jamais rien aux élans sublimes du sentiment ? La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Seul, abandonné à lui-même, le sentiment, comme moyen de connaissance, jette dans les extravagances du mysticisme ; comme règle de conduite, il expose à la superstition, au fanatisme et aux déceptions les plus amères La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Jésus non point comme une idée, mais comme la manifestation de l’idéal le plus parfait de l’humanité, La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Quant au style de l’ouvrage, je n’en dis rien ici ; je conviens seulement qu’il peut être comparé à un massif de végétation vigoureuse dans lequel l’air ne circule qu’à grand’peine. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

l’idée d’un bien suprême dans le monde, de ce bien dont la possibilité suppose l’acceptation d’un être indépendant, moral, saint, tout-puissant, et ce bien suprême seul réunit les deux précédents éléments. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La morale conduit donc irrésistiblement à la religion, et de là s’élève à l’idée d’un législateur moral, tout-puissant, en dehors de l’humanité{V}, d’un législateur dans la volonté duquel réside la fin suprême de la création, la fin telle que les hommes peuvent et doivent se la proposer. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Si l’on se départit de ce principe, il arrivera, à la fin, ce qui est déjà arrivé autrefois, au temps de Galilée : la théologie biblique, pour abaisser la légitime fierté des sciences et s’épargner à elle-même les efforts qu’elles réclament, ne craignit pas d’entraver l’astronomie et d’autres sciences, par exemple l’histoire primitive de la terre ; et, semblable à ces peuples qui, par impuissance, par légèreté d’esprit ou par incurie, ne repoussent les périlleuses agressions qu’en formant un vaste désert autour d’eux, la théologie arrêta tout essor de l’esprit humain. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Ce ne peut être ni dans un objet déterminant la volonté par l’inclination, ni dans une impulsion instinctive que se trouve la source du mal, mais uniquement dans une règle que la volonté se crée à elle-même pour l’usage de sa liberté, c’est-à-dire dans une maxime. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Principes de détermination dans la nature humaine, et distinguer : 1°. La disposition de l’homme à l’animalité, en tant qu’être vivant ; 2°. Sa disposition à l’humanité, en tant qu’être vivant et tout ensemble raisonnable ; 3°. Sa disposition à la personnalité, en tant qu’être raisonnable et tout ensemble susceptible d’imputabilité{XI}. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

C’est seulement, en effet, par voie de comparaison que l’homme se juge heureux ou malheureux. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

 

De cet amour de soi provient notre penchant à nous acquérir une valeur dans l’opinion d’autrui, La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La première suppose l’absence de la raison, que la seconde requiert sans doute la raison pratique, mais uniquement dans l’intérêt des autres mobiles, et que la troisième seule se fonde sur la raison pratique La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Il y a dans le malheur de nos meilleurs amis quelque chose qui ne nous déplaît pas absolument ; La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

les peuples civilisés se tiennent, les uns à l’égard des autres, dans des rapports dignes du plus grossier état de nature (sur le pied de guerre continuelle), La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Le penchant à colorer ses actions d’un vernis de moralité se trouve dans la nature humaine, il y a dans l’homme un penchant naturel au mal ; et ce penchant lui-même devant être cherché, en définitive, dans une volonté libre, pouvant par conséquent être imputé, est moralement mauvais. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

L’état de l’homme avant tout penchant au mal s’appelle état d’innocence. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La transgression du premier homme s’appelle chute, tandis que chez nous elle serait représentée comme dérivant de la méchanceté inhérente à notre nature. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

L’Écriture les explique dans un récit{XVIII} ; elle place le mal au commencement du monde, non dans l’homme encore, mais dans un esprit d’une destinée originairement supérieure. De cette manière le premier commencement de tout mal en général est représenté comme incompréhensible pour nous (car d’où vient le mal dans cet esprit ?), et l’homme n’est représenté comme tombé dans le mal que par séduction, par conséquent comme exempt de corruption dans le principe La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Ce que l’homme, sous le rapport moral, est ou doit devenir, son caractère de bonté ou de méchanceté est nécessairement son propre ouvrage. L’un et l’autre doivent être un résultat de son libre arbitre ; car autrement ils ne pourraient pas lui être imputés ; par conséquent il ne serait, moralement, ni bon ni méchant. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

L’éducation morale de l’homme doit commencer non point par l’amélioration de ses mœurs, mais par la rénovation de sa manière de penser et par la formation d’un caractère en lui La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

L’expérience interne de l’homme par lui-même ne lui permet point de pénétrer la profondeur de son cœur au point de pouvoir acquérir une connaissance parfaitement sûre du principe des maximes qu’il professe, ni de leur pureté et de leur stabilité.

Si j’eusse reçu une volonté parfaitement sainte, toutes les tentations au mal échoueraient d’elles-mêmes en moi ; La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Nous sommes inévitablement circonscrits dans les conditions de temps, l’action reste toujours défectueuse ; en sorte que nous devons considérer le bien phénoménal, c’est-à-dire en acte, comme constamment insuffisant eu égard à une loi sainte La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

L’homme, malgré ses imperfections permanentes, peut espérer en général d’être agréable à Dieu dans quelque moment que soit brisée son existence. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

On ne se trompe jamais plus facilement qu’en ce qui favorise la bonne opinion de soi-même. Il ne paraît donc pas convenable d’exciter en soi une pareille confiance ; au contraire, il semble plus avantageux (pour la moralité) de « faire son salut par la crainte et la terreur. » La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

il n’y a qu’un acte unique, parce que l’abandon du mal n’est possible que par l’intervention du bon sentiment qui met dans la voie du bien, et réciproquement. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

L’homme fut investi primitivement de la possession des biens de toute la terre (I. Moïse, I, 28), à condition, toutefois, qu’il posséderait ces biens seulement en sous-propriété (dominium utile), relevant de son créateur et maître, comme d’un possesseur supérieur et direct (dominus diretor). La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La domination et le gouvernement de la suprême sagesse s’exerce sur les êtres raisonnables conformément au principe de leur liberté, et tout ce qui se rencontre de bien et de mal doit leur être directement imputé. Ainsi, en dépit du bon principe, un empire du mal fut fondé, et tous les hommes descendant (naturellement) d’Adam y furent soumis, avec leur consentement toutefois : l’illusion que produisirent sur eux les biens de ce monde détourna leurs regards de l’abîme de corruption auquel ils étaient réservés. Le bon principe, à cause de sa légitime prétention à la domination sur l’homme, se mit en sûreté en créant une forme de gouvernement basée simplement sur le respect public de son nom (la théocratie juive) ; mais, comme les âmes de ses sujets n’étaient déterminées par aucun autre mobile que par les biens temporels et qu’ils ne voulaient être ainsi gouvernés qu’au moyen de récompenses et de châtiments ; comme ils n’étaient susceptibles d’aucune loi, hormis celles qui imposaient des cérémonies et des pratiques gênantes, hormis ces lois, d’ailleurs parfaitement morales, pour lesquelles il y a lieu à contrainte extérieure, qui ne sont, par conséquent, que des lois civiles dans lesquelles le sentiment moral n’est point pris en considération ; alors cette forme de gouvernement ne porta aucun préjudice essentiel au royaume des ténèbres, mais servit tout simplement à rappeler sans cesse à la mémoire l’imprescriptible droit du possesseur primitif. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

 

Une nouvelle domination morale (car il en faut toujours une à l’homme) qui sera un état de liberté dans lequel ils trouveront pour leur moralité soutien et protection, qu’il n’y a de salut pour les hommes que dans l’acceptation la plus intime des Véritables principes moraux dans sa conscience ; et que cette acceptation est entravée non par la sensibilité si souvent incriminée, mais par une certaine perversité (par versitas) coupable, ou, si l’on veut nommer autrement cette méchanceté, par la perfidie, par la fausseté, par une ruse satanique qui infiltra le mal dans le monde La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Si une religion morale (qui ne consiste pas dans des règlements et des observances, mais dans la disposition du cœur à pratiquer régulièrement les devoirs humains considérés comme préceptes de Dieu) doit avoir une base, ce ne peut être les miracles que l’histoire rattache à son institution et qui doivent eux-mêmes rendre enfin superflue la croyance aux miracles en général. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

 

Si l’on demande, toutefois, ce qu’il faut entendre par le mot miracle, comme il s’agit proprement de savoir ce que sont les miracles pour nous, c’est-à-dire pour l’usage pratique de notre raison, on peut s’expliquer en disant que ce sont des événements extérieurs dont les causes sont et doivent demeurer pour nous absolument inconnues. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Dieu laisse dévier la nature quelquefois La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Dans la vie, on ne peut donc compter sur des miracles ni en faire état dans l’usage de sa raison (usage qui est nécessaire dans toutes les positions). La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Un état politico-juridique ou politique est la relation des hommes entre eux lorsqu’ils sont associés sous des lois publiques de droit (qui sont toutes des lois de contrainte). Un état politico-moral est celui où les hommes sont réunis sous des lois qui n’emportent pas avec elles la contrainte, c’est-à-dire sous des lois purement morales. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Malheur au législateur qui voudrait réaliser par contrainte une constitution tendant à une fin morale ! car non-seulement il réaliserait le contraire d’une constitution morale, mais il minerait et affaiblirait encore sa constitution politique. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

le bien moral suprême, loin d’être atteint par l’aspiration d’une seule personne à sa propre perfection morale, exige l’union de cette personne à un tout pour marcher vers un seul et même but, vers un système d’hommes bien intentionnés, dans lequel et par l’unité duquel seulement le souverain bien moral peut être réalisé La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Comme, d’un autre côté, l’idée d’un pareil tout, en tant que république universelle conçue selon des lois morales, est une idée absolument différente de toutes les lois morales, lesquelles concernent ce que nous savons être en notre pouvoir, à savoir une idée tendant à agir sur un tout sans que nous sachions s’il nous est possible ou non d’agir sur ce tout, — alors c’est là un devoir, quant à la nature et quant au principe, différent de tous les autres devoirs. — On peut déjà induire de ce qui précède, que ce devoir exige la supposition d’une autre idée, à savoir celle d’un être moral supérieur, par la direction universelle duquel les forces, insuffisantes en soi, des individus, seraient réunies pour une action commune. Mais il nous faut suivre d’abord le fil conducteur de ce besoin moral en général, et nous verrons où il nous conduira. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La législation repose sur ce principe : limiter la liberté de chacun aux conditions sous lesquelles elle peut subsister avec la liberté de tous selon une loi générale{XL} ; dans cette république, par conséquent, la volonté générale institue une contrainte extérieure légale. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Les caractères nécessaires, par conséquent aussi les signes distinctifs de la véritable Église, sont les suivants : 1°. L’universalité, conséquemment l’unité numérique. L’Église doit renfermer en elle une disposition à ce caractère, c’est-à-dire que, quoique partagée en opinions contingentes et dénuée d’unité, elle est pourtant, si on la considère à son point de vue essentiel, fondée sur des principes tels qu’il doit nécessairement en résulter pour elle l’unité et l’universalité. Par conséquent, point de sectes. 2°. La qualité, c’est-à-dire la pureté. L’association ne doit reconnaître d’autres mobiles que les mobiles moraux : elle doit être purifiée et de la faiblesse de la superstition et de la frénésie du fanatisme.

3°. La relation, sous le principe de liberté ; tant la relation interne des membres de l’Église les uns avec les autres que la relation extérieure de l’Église avec le pouvoir politique : double rapport qui existe dans un état libre. Il ne peut donc être question ni de hiérarchie, ni d’illuminisme, sorte de démocratie résultant d’inspirations individuelles qui peuvent être différentes les unes des autres dans la tête de chacun. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La Constitution d’une Église dépend toujours de quelque croyance historique (révélée) que l’on peut appeler croyance ecclésiastique, et cette croyance est d’autant mieux fondée qu’elle s’appuie sur des écrits sacrés. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

C’est une faiblesse propre de la nature humaine, et conséquemment une faute, de ne jamais pouvoir juger la croyance pure la croyance rationnelle selon son exacte valeur, de ne jamais pouvoir la tenir pour seul et unique fondement d’une Église. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

 

On regarde le devoir, en tant qu’il est en même temps un précepte divin, comme l’expression d’un intérêt de Dieu, non de l’homme : de là l’idée d’une religion de culte au lieu de l’idée d’une religion morale pure. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Savoir comment Dieu veut être honoré (et obéi). — Or, la volonté divine législative commande par des lois positives en soi, ou par des lois morales pures. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

L’idfée de la Divinité découle essentiellement de la conscience des lois morales, et du besoin rationnel de reconnaître une puissance capable de produire dans sa plénitude cet effet possible dans un monde donné, et d’accord avec le but final de la moralité. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La question : comment Dieu veut-il être honoré dans une Église en tant que communion divine ? paraît être soluble par la seule raison, mais requérir une législation positive communiquée aux hommes par la révélation, une croyance historique par conséquent, et que l’on peut nommer, par opposition à la croyance religieuse pure, croyance ecclésiastique. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Il n’y a aucun motif de tenir la loi qui constitue le fondement et la forme d’une Église pour une loi divine positive ; il y a plutôt de la témérité à la faire telle pour se dispenser d’améliorer constamment la forme de l’Église, à moins que ce ne soit une usurpation de l’autorité suprême pour imposer, avec les préceptes ecclésiastiques, sous le prétexte d’ordre divin, un joug à la foule. l’Écriture qui, en tant que révélation, doit être un objet sacré pour les contemporains et pour la postérité : il faut à l’homme une confirmation permanente pour qu’il soit sûr de ses devoirs de culte divin. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Tombe devant cette parole qui détruit toutes les objections : Cela est écrit. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

C’est qu’il existe, bien avant cette croyance populaire, une disposition profonde de la raison humaine à la religion morale, à cette religion dont les premières manifestations grossières furent, à la vérité, certaines pratiques de culte, et donnèrent lieu conséquemment à de prétendues révélations ; quelque chose du caractère de leur origine supra-sensible se retrouve ainsi, sans dessein préconçu, dans ces inventions poétiques. — On ne peut donc nous accuser de cacher des intentions mauvaises sous nos explications : si l’on ne veut pas accorder que le sens donné par nous aux symboles de la croyance populaire ou même aux livres saints en est directement tiré, on doit convenir que ce sens peut y être rattaché, et qu’il rend possible l’intelligence de ces livres et de ces symboles. Car la lecture de l’Écriture sainte, la méditation sur son sens intime, a pour résultat l’amélioration morale de l’homme ; quant à la partie historique, qui n’aboutit point à de pareils résultats, elle est parfaitement indifférente en soi, et l’on peut agir avec elle comme bon semble. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La croyance historique est « morte en elle-même, » c’est-à-dire que considérée comme connaissance, elle ne renferme rien, elle ne porte sur rien qui ait pour nous une importance morale. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Toute recherche, tout commentaire sur l’Écriture doit avoir pour but d’y découvrir cet esprit vivifiant, populaire, ne peut être négligée : car le peuple ne croit point devoir adopter une doctrine fondée sur la simple raison, comme une règle invariable ; il exige la révélation divine, par conséquent aussi une garantie historique de l’autorité de cette doctrine, La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La croyance à une religion de culte est, au contraire, une croyance servile et mercenaire ; elle ne peut être considérée comme une croyance sanctifiante parce qu’elle n’est point morale. Une croyance morale est nécessairement une croyance libre, fondée sur les purs sentiments du cœur (fides ingenua). La croyance de culte pense être agréable à Dieu au moyen d’actes qui, tout pénibles qu’ils sont, n’ont pourtant aucune valeur en soi, sont simplement déterminés par la crainte et l’espérance, et sont possibles également au méchant ; tandis que la croyance morale suppose, comme nécessaire pour être agréable à Dieu, un sentiment moral excellent. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Décider si une croyance historique ou ecclésiastique doit toujours s’ajouter comme partie essentielle à la croyance religieuse pure ; ou si, en tant que simple moyen, elle pourrait à la fin, quelque éloigné qu’en soit le jour, passer dans la croyance religieuse pure. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

ON ne peut désirer une histoire universelle de la religion, à prendre le mot de religion dans son acception la plus étroite ; car, en tant que fondée sur la croyance morale pure, elle n’est pas un état public : chacun isolément a conscience des progrès qu’il y fait. sans croyance à une vie future, nulle religion ne peut être imaginée La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Il s’en faut beaucoup que le judaïsme ait constitué une époque de l’Église universelle, une Église universelle même pour son temps ; on peut plutôt dire qu’il a exclu le genre humain entier de sa communion ; il se regardait comme le peuple élu de Jéhovah, ce qui lui attirait l’inimitié de tous les peuples, et excitait la sienne envers eux. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Comme personne ne peut contester la possibilité d’un écrit qui renferme, quant au fond pratique, quelque chose de purement divin, cet écrit peut (en ce qui concerne la partie historique) être considéré effectivement comme une révélation divine, et conséquemment l’association des hommes en une religion ne peut être réalisée et fermement établie sans un livre sacré, sans une croyance ecclésiastique la véritable religion ne peut résider dans la connaissance de ce que Dieu fait ou a fait pour notre sanctification, mais bien dans ce que nous devons faire pour en être dignes. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

Dans toute espèce de croyances relatives à la religion, lorsqu’on en recherche le caractère interne, on rencontre inévitablement un mystère, c’est-à-dire quelque chose de saint qui, bien que connu de chacun, n’est pourtant point démontrable publiquement, c’est-à-dire ne peut être communiqué universellement. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La liberté, propriété qui est connue de l’homme grâce à la déterminabilité de son arbitre par la loi morale absolue, n’est pas un mystère, car la connaissance peut en être communiquée à chacun. Le principe à nous impénétrable de cette propriété, voilà le mystère ; car il ne nous est pas donné de le connaître. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

L’homme ne peut réaliser lui-même l’idée du souverain bien (non-seulement du bonheur qui en fait partie, mais aussi de la communion nécessaire des hommes dans un seul et unique but), idée qui est inséparablement liée au sentiment moral pur. L’homme pourtant trouve en lui le devoir d’accomplir cette réalisation ; il est donc forcé de croire à la coopération directe ou indirecte d’un maître moral du monde, coopération par laquelle seule la fin précédente est possible. Alors, s’offre béant devant lui l’abîme d’un mystère : il ne sait ce que Dieu fait en ce cas, s’il exerce quelque action en général, et laquelle en particulier il doit lui attribuer. Il en va autrement, s’il s’agit de devoirs ; l’homme ne connaît rien des devoirs, si ce n’est que, pour être digne de cette assistance, qui est incompréhensible, ou, du moins, qu’il ne connaît pas, il doit les accomplir. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

La véritable croyance religieuse universelle est la croyance en Dieu, 1°. en tant que créateur tout-puissant du ciel et de la terre, c’est-à-dire, moralement, en tant que législateur saint ; 2°. en tant que conservateur de l’espèce humaine, c’est-à-dire gouverneur plein de bonté et de sollicitude pour elle ; 3°. en tant qu’exécuteur de ses propres lois saintes, c’est-à-dire en tant que juge impartial. La Religion dans les limites de la Raison Emmanuel Kant

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