vendredi 13 août 2021

La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle - T - Anne-Marie Thiesse (L'Univers Historique)

 

 

La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle  - T - Anne-Marie Thiesse (L'Univers Historique)



Il est peut-être regrettable au point de vue pratique que la population de l’Europe ne soit pas une comme race, langue et aspirations ; mais elle ne l’est pas ; et les groupes différenciés qui y subsistent ne semblent disposés ni les uns ni les autres à s’assimiler réciproquement, ni capables de s’anéantir La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La véritable naissance d’une nation, c’est le moment où une poignée d’individus déclare qu’elle existe et entreprend de le prouver. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La liste des éléments symboliques et matériels que doit présenter une nation digne de ce nom : une histoire établissant la continuité avec les grands ancêtres, une série de héros parangons des vertus nationales, une langue, des monuments culturels, un folklore, des hauts lieux et un paysage typique, une mentalité particulière, des représentations officielles – hymne et drapeau – et des identifications pittoresques – costume, spécialités culinaires ou animal emblématique. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La nation naît d’un postulat et d’une invention. Mais elle ne vit que par l’adhésion collective à cette fiction. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

L’idée même de nation semble a priori aller à rebours de toute prise en compte de la modernité, puisque son principe repose sur le primat d’une communauté a-temporelle dont toute la légitimité réside dans la préservation d’un héritage. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Un pays de forte immigration comme la France a longtemps accordé la naturalisation sans faire de la reconnaissance du patrimoine national une condition préalable : mais elle était supposée venir « naturellement » aux nouveaux ressortissants – en tout cas à leurs enfants. Les débats actuels qui mettent en avant la notion d’intégration engagent la question essentielle en l’esquivant : dans quoi précisément les étrangers vivant sur le sol national doivent-ils s’intégrer, et quelles sont les preuves tangibles qu’ils doivent fournir de leur volonté et de leur capacité à le faire ? On voit bien que l’enjeu n’est pas seulement l’adhésion des immigrés aux lois fondamentales de l’État… La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Les nouvelles formes de la vie économique exigent la constitution d’ensembles plus vastes que les États-nations. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

L’entité supranationale de l’Union européenne devient un espace juridique, économique, financier, policier, monétaire : ce n’est pas un espace identitaire. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

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Ce qui fait la valeur d’une culture, ce n’est pas sa plus ou moins grande proximité à un modèle dominant, c’est au contraire son originalité, son authenticité. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Shakespeare a été un grand dramaturge, c’est, selon Herder, que l’Angleterre et le peuple anglais étaient le véritable objet de son théâtre, que même ses César et Timon pensaient et ressentaient en Britanniques. La véritable culture vient du Peuple et doit lui revenir : elle ne doit pas être l’apanage de quelques individus formés par leur éducation aux raffinements. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La première pensée dans la première âme humaine est reliée à l’ultime pensée de l’ultime âme humaine. » La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Chaque langue, selon Herder, est expression vivante, organique, de l’esprit d’un peuple, la somme de l’action efficiente de toutes les âmes humaines qui l’ont constituée au fil des siècles. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Sans une langue territoriale et maternelle commune dans laquelle toutes les classes sociales sont reconnues comme les rejetons d’un même arbre et reçoivent une même éducation, il n’est plus de véritable intelligence des cœurs, de formation patriotique commune, de communication ni de communion des impressions, de public propre au pays de ses pères ». La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

L’humanité est une, mais s’est diversifiée sous l’influence de conditions matérielles comme le climat. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

Le progrès anime l’évolution de l’humanité, mais il passe par des ramifications. Chacune d’elles présente une succession d’épanouissements tous d’égale nécessité, d’égale originalité, d’égal mérite, d’égal bonheur. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Les États constitués par le fait des guerres sont artificiels et ne sont fondés ni en nature ni en raison. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Ce que nous méprisons aujourd’hui comme des contes populaires, comme des monuments grossiers, sont des vestiges précieux de la sagesse des anciens législateurs. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Ce n’est plus des princes, toujours susceptibles de pactiser avec l’ennemi selon leurs intérêts propres de monarques, que l’on attend le salut et la sauvegarde de la patrie, mais de l’élan sacré de la nation consciente d’elle-même et luttant pour sa survie. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La Révolution française a prouvé à l’Europe que l’accession de la nation à la souveraineté politique n’était ni utopie, ni idéal situé dans un avenir lointain et indéterminé. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La construction de la culture nationale est fortement liée au libéralisme. Le combat contre l’absolutisme s’inscrit désormais dans la temporalité immédiate et s’accompagne pour les intellectuels d’un devoir exigeant : fournir à la nation tous les éléments lui permettant de se connaître pour telle. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La diffusion d’une langue vernaculaire standardisée par l’imprimé a-t-elle été un des éléments majeurs de l’éveil du sentiment national ? La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La conception politique de la nation n’apporte pas non plus de solution à la question des frontières : un suffrage sur le choix de l’État-nation, s’il est démocratique, retient le vote majoritaire et crée par contrecoup une minorité incluse dans un État qui ne correspond pas à sa nationalité revendiquée. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Le capitalisme industriel s’est imposé comme mode de production, et l’expansion d’un nouveau groupe social, le prolétariat ouvrier, fait apparaître une ligne de fracture sociale et une référence identitaire concurrente de la nation. « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » : l’internationalisme sur la base de l’appartenance de classe contre l’union interclasses sur la base de l’appartenance nationale4 La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

Lorsque, à la fin du XXe siècle, la mondialisation du capitalisme met en question la souveraineté des États-nations, la nation apparaît comme un refuge, sa disparition une effroyable menace pour la cohésion sociale et les conditions d’existence des plus démunis. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

C’est l’appartenance à la nation qui donne à l’individu un statut autre que celui de simple producteur. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La coïncidence entre État et nation est a priori impossible1. Et pourtant elle s’est souvent réalisée, quand bien même elle n’est jamais incontestable. C’est que le dilemme n’est pas sans avoir une solution, plus ou moins durablement efficace. La fixation des frontières d’un État ne peut transcrire de manière satisfaisante l’existence d’une nation et son droit à l’autonomie La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Faire de la pratique sportive une école morale et civique, qui apprend à l’élève à se gouverner lui-même dans le cadre de compétitions où l’agressivité est contrôlée.

La finale de la Cup attire plus de 100 000 personnes dès 1890. Le sport devient puissant facteur d’intégration nationale, fournissant à double titre un support d’identification commune à des catégories sociales distinctes. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La nature entre dans le patrimoine identitaire sur le mode de la tradition fragile et menacée de disparition imminente. La nature nationale est éternelle, mais elle va succomber sous le viol des vandales : industriels, constructeurs de barrage, architectes modernistes ou hôteliers avides. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Le touriste, à l’inverse du voyageur fortuné du siècle précédent, dispose de peu de temps : parcourir le territoire en allant d’un élément patrimonial remarquable à un autre, au prix de journées vides, ne relève pas de sa pratique. En fait, l’idéal est la réunion, sur un espace limité, du monument historique, du site pittoresque, du village préservé, de l’artisanat à l’ancienne et de fêtes traditionnelles. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La nation, au cours du XXe siècle, devient l’horizon « naturel » de la vie quotidienne. Reste que l’adhésion du prolétariat à l’idée nationale ne paraît ni évidente ni inéluctable pour les couches sociales qui l’ont déjà adoptée et qu’inquiètent les possibles tentations internationalistes et révolutionnaires de la classe ouvrière. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La difficulté à dire positivement la modernité, qui constitue l’une des grandes fragilités des États-nations du XXe siècle, va donner un tour particulier au discours idéologique des régimes totalitaires : ils annoncent la construction d’un monde et d’un homme nouveaux, contre la décadence présente, tout en promettant le retour à un passé national hautement valorisé. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

L’utilisation intensive du folklore par les régimes fasciste et nazi leur permet aussi de célébrer très ostensiblement le peuple national. La propagande hitlérienne prétend que le capitalisme a été aboli en Allemagne en 1933, et avec lui la division entre classes antagonistes. Le régime se targue d’avoir fait naître la véritable nation allemande, communauté unitaire qui ne connaît aucune distinction sociale. Ein Volk, ein Reich, ein Führer. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La question de l’intégration du prolétariat à la nation paraît désormais sans objet : la croissance économique et la redistribution des richesses au sein d’« États-providence » semblent avoir résolu le problème. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Un spectre hante l’Europe de l’ère postcommuniste : le réveil des nationalismes. Il a son double : la mondialisation liquidatrice des nations. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La mondialisation des échanges, la puissance des entreprises multinationales et la mobilité du capital financier restreignent les possibilités de contrôle des États sur la production de richesse et sa répartition. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

Les États européens doivent gérer les conséquences sociales de décisions économiques sur lesquelles ils ont de moins en moins prise. Des droits acquis au travers de luttes et de compromis dans le cadre des États-nations s’avèrent caducs : à quoi sert-il de faire grève contre une entreprise qui redéploie sa production au gré de la conjoncture ? La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

La souveraineté politique procède de la nation ; mais l’État dans lequel elle s’inscrit voit sa propre souveraineté restreinte de facto par des agents économiques pour lesquels les frontières territoriales ne font plus sens. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

L’Europe se donne une structure destinée à répondre aux défis de l’économie-monde. Sa conception est dérivée de celle des États. L’Union européenne édicte des règlements communautaires, instaure sur son territoire la libre circulation des personnes et des biens, émet une monnaie ; elle a un parlement et un exécutif. Lui fait en revanche défaut tout ce à quoi correspond la nation : une identité collective, l’attachement à un territoire commun, l’idéal partagé d’une fraternité solidaire. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

L’élaboration d’une identité commune ne fera pas sens si elle n’est pas associée à un véritable projet politique proposant aux ressortissants de l’Union de redevenir acteurs de leur destin. La Création des identités nationales . Europe, XVIIIe-XXe siècle, Anne-Marie Thiesse

 

 

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