Racée, - T - Rachel Khan. Ed. L’Observatoire
Je ne suis pas de la diversité, j’ai la
diversité en moi, nuance. Racée, Rachel
Khan.
Romain Gary (Émile Ajar) précise :
« Si vous ne simulez pas, vous êtes déclaré asocial, inadapté ou
perturbé10. » Racée, Rachel Khan.
Dans l’instantanéité des réseaux, le buzz
n’est que l’impatience des fainéants qui paradoxalement tirent profit des
drames du temps mémoriel. Racée, Rachel
Khan.
Nous avons aux côtés de nos Gif, de nos
tweets en 280 caractères, de nos émojis, des mots qui font bloc et
participent à un mode de communication banalisé et balisé d’une violence rare.
L’appauvrissement du langage, le rétrécissement du champ lexical, la diminution
du vocabulaire ont un impact sur la construction d’une pensée complexe,
nuancée, aux multiples subtilités. Plus le langage est pauvre, moins la pensée
existe et plus les incompréhensions engendrent la haine. Des études ont montré
que l’incapacité à mettre des mots sur les émotions provoque les pires
tensions. Les mots façonnent les esprits, qui eux-mêmes déterminent notre
vision du monde, notre rapport à ce dernier et nos relations aux autres. Ne pas
tenir un langage clair, mal nommer un objet, c’est donc se condamner à
« ajouter aux malheurs du monde17 ». Racée, Rachel Khan.
Il y a danger, notamment lorsque des
théories transforment un être en préfabriqué. Ou en infirme. On appelle ça une
« transfirmation ». Racée,
Rachel Khan.
Avec le mot « souchien », c’est
l’ombre des Indigènes7 qui plane sur la République. Leur méthode est
simple : lutter contre les discriminations par la discrimination. Un
paradigme peu créatif, puisqu’il s’agit de reproduire allègrement ce qu’ils
dénoncent. Ainsi, au nom de l’égalité, l’organisation répertorie les catégories
de Français d’un point de vue racial. Or, cette mission d’inspiration
ségrégationniste8 n’a d’autre fondement qu’un racisme anti-Blancs. Pour eux,
l’homme blanc a fait du mal. Il doit comprendre qu’il vit dans une instabilité
sociale face à la puissance de frappe de toutes ses victimes, qu’il a rendues
rageuses. Racée, Rachel Khan.
La soif d’ego conduit à conférer une
identité extraordinaire aux victimes, face aux « Français normaux »
ou « souchiens » dont le seul devoir est d’avoir à payer leur dette.
Cette appellation nourrit un complexe, largement étoffé par les termes
« Gaulois », « Toubab » ou, pire, « Babtou9
fragile ». Racée, Rachel Khan.
Les identitaires déchirent la nation, pour
en faire une sous-France. Racée, Rachel
Khan.
Il n’y a pas plus oppressant que d’être
enfermé dans le regard de l’autre. Racée,
Rachel Khan.
Naissance au phénomène social du “Noir
professionnel” qui vit de la couleur de sa peau », Racée, Rachel Khan.
Le besoin de repentance viscérale des
« white gauchos » est un moyen d’exister sur un vieux continent
européen en quête d’intensité. Racée,
Rachel Khan.
Puisque « la mémoire donne plus de
droits que de devoirs », pourquoi s’en priver ? « Dotons-nous
d’une identité mémorielle ! » semblent nous dire les victimaires.
Mais qu’est-ce qu’une mémoire sans souvenirs ? Racée, Rachel Khan.
L’Afrique est devenue musulmane par
l’esclavagisme et la domination arabe. Le racisme du Maghreb est encore criant.
Mais dans les tables rondes des identitaires, l’histoire disparaît. L’enjeu est
de démontrer l’oppression de la société française ou européenne à cause de leur
genre et du « choix » de leur religion. Racée, Rachel Khan.
Se dire victime de harcèlement, de contrôle
au faciès, de non-représentativité, par exemple, permet d’attirer les soutiens
nécessaires pour faire entendre sa voix. Racée,
Rachel Khan.
La majorité « qualifiée » a moins
de force de frappe que les minorités inqualifiables. L’abus de pouvoir est
réel. Face à ces minorités dominatrices, on se tait. La mise à mal de la
liberté d’expression est le signe que ces lobbies sont d’une puissance inouïe.
Dans notre système démocratique déphasé, l’objectif n’est plus de gagner par la
majorité, mais bien de devenir des minoritaires en majorité. Racée, Rachel Khan.
Les minorités déchirent notre société en
mille morceaux. Racée, Rachel Khan.
« La
femme est le Nègre de l’humanité », a écrit John Lennon41. Pas faux. Racée, Rachel Khan.
Mots étranges que ceux dont la vocation est
d’empêcher le dialogue. Racée, Rachel
Khan.
Le vivre-ensemble reste le placebo générique
d’une pensée qui ne panse rien. Racée,
Rachel Khan.
Bercés par le rythme d’une expression sans
destination, nous avons trouvé le moyen terminologique d’oublier nos solitudes
juxtaposées : vivre-ensemble. L’intranquillité s’éteint. Comme des
bienheureux, nous nous endormons les uns contre les autres, pour vivre seuls,
ensemble. Racée, Rachel Khan.
La diversité est le « caractère de ce
qui est divers, c’est-à-dire qui présente des critères de nature ou de qualité
différentes. Synonymes : pluralité, variété. Contraires :
concordance, uniformité, monotonie, ressemblance » (dictionnaire
Larousse). Racée, Rachel Khan.
L’harmonisation avec nos ressemblances
planétaires entraîne une crise de l’identité. Or, il faut bien continuer de se
différencier. La disparition du mot « race » a laissé un vide
sémantique. Le terme « diversité » en est sa copie non conforme.
C’est à la mode de ne plus appeler un chat un chat ; de la même façon,
« multiculturalisme a été substitué à communautarisme6 ». Racée, Rachel Khan.
Anéantir, par le dépassement de soi, toute
idée d’identification par la peau, nappage consumériste, égotique…
raciste ? Racée, Rachel Khan.
Plus besoin de compétences, ce qui compte
c’est la « représentativité de la diversité8 » Racée, Rachel Khan.
Homogénéisation au sein même du concept. Les
gens de la diversité sont donc tous pareils. Elle exige d’être le cliché de
soi-même. Racée, Rachel Khan.
Il n’y a pas plus mélangées que les
personnes originaires du continent africain. Leur histoire n’est faite que de
déportations, de colonisations et de migrations. Les peuples aux ethnies
revendiquées parlent mille langues, croient en mille choses, de l’animisme au
syncrétisme, pratiquent à leur sauce une pluralité d’islams, de catholicismes,
de protestantismes et de judaïsmes. Ils vivent sous tous les climats, sur tous
les continents. Au Sénégal, par exemple, il y a les Peuls, les Wolofs, les
Sérères, les Toucouleurs, les Diolas, les Mandingues, donc autant de coutumes,
de traditions, d’histoires, de religions, de croyances et d’imaginaires. C’est
donc grâce aux français, langue coloniale qui structurent notre pensée, que les
mouvements décoloniaux arrivent à se comprendre. Racée, Rachel Khan.
Romain Gary (Émile Ajar) a consacré sa vie à
ce sujet. Il affirme qu’il n’a qu’une seule peau et ce n’est pas la
sienne16 ; parce qu’il décolle son héritage de son être profond autant que
de sa réalité qu’il met en scène. Nous sommes des êtres fragmentés, multiples,
protéiformes, hétérogènes, qui nous adaptons en permanence à des rôles et des
conditions pour des raisons sociales, comme peuvent le faire les
Barbapapa17. Racée, Rachel Khan.
La réparation est faite d’échecs, de
découragements, de petites victoires, mais ce n’est en aucun cas revenir à un
statu quo lorsque le processus est lancé. Racée,
Rachel Khan.
Réparer, ce n’est pas vivre avec l’amertume
qui lie à l’agresseur, mais s’en émanciper. Racée,
Rachel Khan.
La colère des identitaires n’est que le
carburant d’une situation de monopole des blessures. Racée, Rachel Khan.
Grâce à ma négritude, ma judéité ou ma
féminité, il serait facile de jouer sur une valeur ajoutée victimaire, se
« mesurant au compas de ma souffrance6 ». C’est précisément ainsi
qu’aucune reconstruction n’est possible. Racée,
Rachel Khan.
Une autre domination est en cours sur le
continent8. Crise économique, crise sanitaire, crise des migrants, dérèglement
climatique poussent à comprendre que notre temps est fait de lois inversées où
les écrans rapprochent, où la sphère privée devient d’intérêt public, où l’OMC
ne peut plus faire sans l’OMS et les droits fondamentaux, où la souveraineté
des États a perdu de sa superbe, entraînant dans le même temps une crise de la
représentativité. Racée, Rachel Khan.
Romain Gary (Émile Ajar) nous dit que
« l’espoir exige que le “vocabulaire” ne soit pas condamné au définitif
pour cause d’échec11 ». Racée,
Rachel Khan.
Dans notre monde déchiré, les mots recèlent
de quoi nous soigner. Ils sont les artistes de nous-mêmes. Racée, Rachel Khan.
À la manière de la responsabilité écologique
qui rend nécessaire la relocalisation de la production, l’intimité relocalise
la pensée. Elle permet de mettre de l’ordre dans son intérieur, de faire le
point avec ce que l’on panse. Dans l’intimité, on se découvre, on s’apprivoise.
On fait le tri entre les opinions héritées et celles que l’on a choisies, on se
penche à nouveau sur ses expériences et ses rêves. Dans son lieu, en confiance,
on renoue peu à peu avec ses émotions. Se redessinent alors nos besoins et nos
envies. Racée, Rachel Khan.
L’ère de la peopolisation, du buzz et des
replis identitaires qui ajoutent du flou entre l’espace privé et l’espace
public, quelle place offrons-nous encore à l’intimité ? Racée, Rachel Khan.
Nous acceptons que l’intimité soit
chosifiée, puis commercialisée. La pensée devient lisse et s’uniformise à son
tour. Racée, Rachel Khan.
Racée, j’ai un secret intraduisible, intime,
celui d’avoir la peau des autres dans la mienne, qu’ils soient visibles ou
invisibles. Racée, Rachel Khan.
Sous l’influence des réseaux sociaux et
autres applis, la communication est ininterrompue à l’échelle planétaire. Nous
y participons désormais jour et nuit. Qu’importe l’heure universelle, c’est
écran allumé, toujours prêts à dire quelque chose aux followers, que nous
tentons de trouver le sommeil. Racée,
Rachel Khan.
Selon un vieil adage, on est maître de ses
silences et esclave de ses mots. Ceci expliquerait donc cela… Racée, Rachel Khan.
Comment combattre aussi le
« visible », si dévastateur aujourd’hui ? Nous nous perdons dans
ce monde de surexposition et de matérialisme. « Ils deviennent ce qu’ils
voient, ils voient ce qu’ils deviennent, cette spirale de l’échec me
peine », chante Akhenaton à propos des jeunes des quartiers26. Racée, Rachel Khan.
Les décolonisateurs29 réappropriation d’un
récit qu’ils pensent être le leur, seulement parce qu’ils ont regardé, un soir
tard, un documentaire sur les Black Panthers que le service public de
l’audiovisuel a diffusé sur France Ô. Racée,
Rachel Khan.
« Pense
le monde tel qu’il devrait être et ne raconte pas le monde tel qu’il est »
ou encore « panse le monde tel qu’il est et n’accommode ou ne raccommode
pas le monde tel qu’il a pu être », nous dit l’artiste. Racée, Rachel Khan.
Dans un contexte où la victimisation a le
vent en poupe, il est impératif pour les identitaires de cacher tout indice de
désir, qui serait le révélateur ultime de leur imposture. En ne laissant aucune
place à la plainte et en faisant avancer l’histoire, le désir est à bannir pour
celles et ceux qui ne veulent vivre que dans un récit figé52. Racée, Rachel Khan.
Mais malgré leur stratégie, l’envie de
briller « en tant que victime » ne trompe personne. Racée, Rachel Khan.
Une haine. Cette dernière, comme le disait
Toni Morrison, « consume tout, sauf elle-même, si bien que, quel que soit
votre chagrin, votre visage devient exactement le même que celui de votre
ennemi53 ». Racée, Rachel Khan.
C’est par le désir que l’imprévisibilité de
la vie révèle toute sa dimension. Racée,
Rachel Khan.
« Ce
monde n’est plus blanc, il ne le sera
plus jamais62 ». Racée, Rachel Khan.
Ces idéologies qui pensent les identités de
manière hermétique nous fragilisent donc, dans ce monde en mutation, en nous
empêchant par leur concept de nous y adapter. Elles négligent ce que nous
sommes dans un « monde-chaos » fait de sociétés créolisées. Selon
Glissant, penser le monde en cinq continents et quatre races est un dangereux
anachronisme. Racée, Rachel Khan.
Par le déni, le négationnisme, les
raccourcis et autres simplifications, les identitaires interdisent le
déploiement de nos existences ; pire, ils tuent ce que nous sommes. Racée, Rachel Khan.
Avec la créolisation, la synthèse est
impossible. Elle nous impose l’incertitude. Le jazz, les musiques caribéennes
comme les musiques les plus téléchargées aujourd’hui, telles que le hip-hop,
sont le fruit même de la créolisation. Elles font écho à l’imprévisibilité de
notre monde chaotique. Elles viennent d’un entremêlement de la musique de
quadrille européenne et des rythmiques fondamentales africaines, des
percussions, des chants de transe, avec la modernité affirmée de l’électro. Racée, Rachel Khan.
Montaigne a fait naître ce qui est
certainement l’une des plus belles phrases de la littérature française :
« En l’amitié de quoi je parle, les [âmes] se mêlent et confondent l’une
en l’autre, d’un mélange si universel, qu’elles effacent et ne retrouvent plus
la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je
sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : “Parce que c’était
lui, parce que c’était moi65.” » Racée,
Rachel Khan.
En ne désignant qu’une seule parcelle de ce
que nous sommes, l’identité nous scinde. Elle cache nos déchirures, au lieu de
les mettre en lumière pour nous réparer. Racée,
Rachel Khan.
Les ondes ont leur parcours que notre ego ne maîtrisera jamais. Racée, Rachel Khan.
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