Post vérité
et autres énigmes, Maurizio Ferraris, puf
La science est la garantie
d’une vérité qui rend libre (les Lumières) et elle est désintéressée,
c’est-à-dire au-dessus des partis et privée d’intérêts pratiques (idéalisme).p.
9
Trump, en revanche, est
l’expression d’une partie de sa nation, qu’il conçoit comme porteuse de vérité,
une vérité qui n’a rien à voir avec l’objectivité mais qui concerne plutôt la
solidarité d’un peuple contre les machinations d’une élite qui propage comme
vérité, justice, savoir, les intérêts, les préjugés et les privilèges des
« pouvoirs forts » (syntagme généralement invoqué par les présidents,
les tsars et autres marginaux). p. 10
Faire attention à ce qu’on
lit comme on fait attention à ce qu’on mange et à ce qu’on boit,
Ce n’est pas en exaltant le
non-raisonnable, le faux et la volonté de puissance qu’on pourra améliorer la
condition humaine.p. 13
Universités où l’on
soutenait que la vérité n’est qu’une antique métaphore, que le médium compte
plus que le message, et que, pour être vraiment démocratique, il faut tenir
simultanément pour vraies la thèse selon laquelle les Amérindiens sont arrivés
d’Asie à travers le détroit de Béring et la thèse selon laquelle les
Amérindiens, comme le veulent leurs traditions, sont sortis des entrailles de
la Terre.p 13-14
Pour diffuser n’importe
quelle doctrine, il faut traditionnellement du prosélytisme. Des écoles
coûteuses à monter, du personnel spécifique, des activités récréatives, des
vêtements spéciaux, des distinctions hiérarchiques, des bureaux politiques, des
structures de propagande et surtout beaucoup de répression. Depuis vingt ans et
jusqu’à aujourd’hui, avec une efficacité et un pouvoir toujours croissants,
tout cela est devenu inutile. Avec un téléphone mobile à la main, n’importe qui
peut diffuser urbi et orbi ses opinions, un peu comme autrefois l’on affirmait
ses goûts une télécommande à la main. Mais, là, le sentiment de toute-puissance
est bien supérieur. p. 15
Les marchandises, sur
lesquelles Marx avait construit son analyse sont désormais remplacées par des
documents. p. 16.
Chacun porteur de ses
propres convictions et avant tout de celle – fondamentale (et qui évacue
la notion de « classe ») – selon laquelle « un égale
un ». p. 17
Pour les herméneuticiens, ce
que nous savons, ou que nous croyons savoir, équivaut à ce qui est ; pour
les philosophes analytiques, ce qui est équivaut à ce que nous savons. p. 18
Les « grands récits »
qui justifiaient le savoir ont disparu, et le savoir est devenu une institution
comme une autre. p. 21
La réalité n’existe pas,
seul existe le langage dans lequel nous la décrivons. pp. 21-22
Les postmodernes subissaient
la fascination du contraire, la puissance du faux. p. 22
Nietzsche : « Il
n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations. » Phrase puissante
et prometteuse parce qu’elle offrait en prime la plus belle des
illusions : celle d’avoir toujours raison, dans n’importe quelle
circonstance, et indépendamment de tout démenti de l’histoire ou de l’expérience.
pp. 22-23
D’une part nous avons les
héritiers de Nietzsche et de Heidegger – qu’on appelle habituellement
« continentaux » mais qu’avec plus d’exactitude peut-être on pourrait
justement définir comme « herméneutiques » – qui pensent que leur
tâche philosophique consiste à critiquer passionnément (et parfois avec un
acharnement qu’on réserve en général aux adversaires politiques) la Politique,
le Capital, l’Inconscient, l’Aliénation, la Métaphysique. p. 23
Que pourrait être un monde
ou simplement une démocratie où l’on accepterait la règle du « il n’y a
pas de faits, il n’y a que des interprétations » ? p. 25
Les problèmes philosophiques
viennent du monde, et non des séminaires et des articles publiés dans des
revues. p. 27
La possibilité de faire en
bonne conscience tout ce qu’on veut, en proclamant qu’on est un esprit libre
parce que, au-delà du bien et du mal, il y a aussi un bénéfice secondaire à
reproposer, p. 29
Idée que la vérité est une
notion inutile, potentiellement dangereuse et autoritaire, qui doit être
remplacée par d’autres principes, jugés beaucoup plus tolérants : la
démocratie, la solidarité, voire la charité.
p. 30
Les moteurs de la postvérité
sont nombreux, même si sur tous domine la faiblesse humaine :
l’esthétisation de la politique, sa popularisation (qui fait que la politique
doit avoir à faire avec les masses, qu’il faut persuader et exalter),
l’insatisfaction des intellectuels humanistes écartés par les scientifiques, la
gêne causée par la massification de la classe cultivée apparue avec les temps
nouveaux, la peur de l’appauvrissement et du déclassement et, inversement, une
haine de classe qui se fait cri individuel.
pp. 33-34
Ce qui compte, c’est sentir,
non savoir p. 36
Les masses s’impatientent et
demandent quelque chose de plus solide : vous nous avez ôté Dieu et
l’affouage, voulez-vous, s’il vous plaît, nous donner quelque chose en
échange ? p. 36
Nous sommes habitués à
considérer la modernité comme le triomphe incontesté de la démocratie et comme
un dépassement du principe d’autorité, comme une émancipation dont, en
définitive, la postvérité, comme égalisation et libéralisation des opinions,
constituerait l’extrême manifestation.
p. 37
La vérité comme une
institution politique qu’il faut lire en parallèle avec la théorisation du
décisionnisme.p. 38
Telle est, à la fin, la
grande alchimie du postmoderne : rendre fongibles à gauche des idées
élaborées à droite, p. 38
Le mensonge transcendantal,
c’est-à-dire la confusion entre l’ontologie, ce qui est, et l’épistémologie, ce
que nous supposons ou croyons savoir ; le mensonge du pouvoir-savoir (voir
dans le savoir une forme de volonté de puissance et rien de plus) ; et le
mensonge de l’accepter-vérifier (penser que vouloir établir la vérité consiste
en une pure acceptation de la réalité). p. 39
Tout s’équivaut, et dès lors
s’ouvre un supermarché des croyances25. p. 42
L’ironisation, c’est-à-dire
l’idée que prendre au sérieux les théories est l’indice d’une sorte de
dogmatisme, et qu’il faut maintenir, vis-à-vis de ses propres affirmations, un
détachement ironique, souvent manifesté graphiquement et gestuellement (en
pliant deux fois l’index et le majeur des deux mains) par l’abus des
guillemets. p. 43
Soutenir que les vieux
dogmes doivent être archivés au nom de la tolérance a tout l’air d’être un
grand dessein. p.43
Désublimation, c’est-à-dire
l’idée que le désir constitue en tant que tel une sorte d’émancipation, puisque
la raison et l’intellect sont des formes de domination, et que la libération
doit être cherchée dans la direction des sentiments et du corps, p. 43
Désobjectivation,
c’est-à-dire la thèse selon laquelle la solidarité amicale doit prévaloir sur
une objectivité de toute façon illusoire .p. 44
Si l’on fait prévaloir la
solidarité sur l’objectivité, on laisse la porte ouverte à une dérive
incontrôlable (après tout, la mafia ou le népotisme sont des exemples insignes
de prévalence de la solidarité sur l’objectivité). p. 45
Le « mensonge
consensuel », qui oublie que l’on fait une moyenne entre les intérêts et
non entre les vérités. p. 46
Prétendre séparer démocratie
et vérité, justice sociale et observance des valeurs cognitives, n’est pas une
bonne idée. p. 46
Si toutefois les
postmodernes pensaient que l’adieu à la vérité et à la réalité constituait une
révolution qui allait libérer l’humanité, les postruistes ont préféré dire
adieu en privé à la vérité, en se présentant en public comme les porteurs de
vérités alternatives. p. 47
De l’empereur, le pape a
hérité le refus total du système démocratique. Pour lui ne se pose pas le
problème essentiel des démocraties populistes et post-factuelles
contemporaines, à savoir le fait que le suffrage universel a entraîné une
course vers le bas dont triomphe le pire. p. 52
A qui juge que la postvérité
est le prix à payer pour la liberté, on a envie de répondre le mot que
Churchill eut à propos de Chamberlain en commentant les accords de Munich en
1938 : « Il pouvait choisir entre le déshonneur et la guerre. Il a
choisi le déshonneur. Et il aura la guerre. » p. 53
Ne pas voir le nœud
essentiel entre postvérité et médias, qui fait de la postvérité un phénomène
radicalement nouveau par rapport aux mensonges classiques, qu’ils soient
publics ou privés, p. 54
Ne pas vouloir tirer les
conséquences évidentes du fait que la facilité avec laquelle on fabrique du
faux acquiert une puissance toujours plus grande dans la mesure où elle vient
après une longue vague de discrédit idéologique du vrai, considéré comme source
d’oppression et de dogmatisme, auquel il fallait opposer, au nom de
l’épanouissement de l’humain, la force des narrations et des vérités
alternatives, p. 54
Cacophonie de tweets et de
posts où tout le monde élève la voix, faisant taire la conversation de
l’humanité. p. 56
Le postruiste accorde peu
d’importance au monde externe et beaucoup aux convictions privées. p. 57
« La loi du cœur et le délire de la
présomption », et qui aujourd’hui gazouille aussi bien du haut des palais
que du fond des cabanes.p. 60
Devant son clavier, dans des
conditions climatiques le plus souvent idéales, on peut fabriquer des conneries
de façon régulière et prolixe – conneries qui peuvent parvenir jusqu’au
bout du monde. p. 61
Les effets déstabilisateurs
générés au Moyen Âge par le passage de la vérité comme fidélité personnelle et
féodale à la vérité comme fait impersonnel garanti par des documents. p. 62
L’homme n’est pas un animal
social, comme le prétend ingénument Aristote, mais un animal familier. Il aime
les petits groupes et est en quête de confirmation et de protection. p. 66
Comme dans le messianisme,
si la prophétie ne se réalise pas, c’est parce que nous avons été incapables
d’y croire à fond, parce que nous n’avons pas assez lutté, parce que nous
n’avons pas été suffisamment purs. Mais, guidée par des algorithmes qui créent
des bulles de filtrage, l’attente d’une confirmation des croyances encore plus
stupides et balourdes a devant elle des temps plus que bibliques. p. 68
L’ndignation est le meilleur
substitut de l’action comme de la compréhension. p. 73
Ce sont nos besoins qui
interprètent le monde : nos instincts, leur pour et leur contre. Chaque
instinct est un certain besoin de domination, chacun possède sa perspective
qu’il voudrait imposer comme norme à tous les autres instincts »,
Friedrich Nietzsche. p. 73
La postvérité selon l’Oxford
Dictionary : « an adjective defined as relating to or denoting
circumstances in which objective facts are less influential in shaping public
opinion than appeals to emotion and person belief […] ; in 2016 post-truth
has gone from being a peripheral term to being a mainstay in political
commentary, now often being used by major publications without the need for
clarification or definition in their headlines »… «Un adjectif défini comme se rapportant à ou dénotant
des circonstances dans lesquelles des faits objectifs ont moins d'influence sur
l'opinion publique que des appels à l'émotion et à la conviction personnelle
[…]; En 2016, la post-vérité est passée d'un terme périphérique à un pilier dans
les commentaires politiques. Elle est souvent utilisée aujourd'hui par les
grandes publications sans qu'il soit nécessaire de les clarifier ou de les
définir.. »p. 73
La postvérité comme première
manifestation de l’autonomie des êtres humains qui décident de penser par
eux-mêmes. p.76
Charte des Nations
unies : chacun doit pouvoir exprimer son opinion (évidemment, quand ce
principe a été énoncé, personne ne pensait qu’il pouvait se réaliser, ce qui
explique qu’on n’ait pas intégré la clause « pourvu que l’opinion soit
raisonnable »).
p. 77
Un mode de production qui ne
génère plus des produits manufacturés, mais (et cela advient déjà à l’ère des
médias, où cependant règne le caractère éphémère du message : je
reviendrai sur ce point) des objets sociaux ouvertement sociaux, les
documents.p. 78
L production industrielle
classique, qui devient un phénomène marginal.p. 78)
Parallèlement s’effacent les
classes sociales correspondant au mode de production capitaliste. p. 79
La métamorphose du lien
social, qui n’est plus assuré par des doctrines compactes et organisées (parti,
église, école, syndicat, armée, usine), mais par un support
« documental » monadique. p. 79
Chaque événement semble se
répéter à proportion de ses occurrences documédiales. p. 85
La responsabilité se
répartit et, de fait, s’annule, dans la mesure où elle ne concerne pas
seulement l’auteur mais également celui qui relance le message et qui
l’approuve par un like. Le web devient ainsi le règne du « on-dit »,
et la communauté de la communication, une communauté de désinformation. p. 86
Jünger : la technique, comme une procession, porte sur
le devant de la scène des choses très anciennes et, en particulier, la
structure de la réalité sociale. p. 87
Au début il y a des
institutions et des codes ; et nous, qui grandissons à l’intérieur, nous
formons notre conscience et nos intentions, qui ne sont donc pas des phénomènes
originaires, mais bien des effets dérivés. p. 88
Si l’humanité progresse,
c’est de fait parce que sa nature est structurellement imparfaite et
défaillante. p. 88
La réflexion technologique
ne trouve donc pas son application privilégiée dans des machines simples, comme
un levier ou (après tout) un ordinateur, mais consiste dans l’examen de ces
technologies (avant-hier la manufacture, hier les médias, aujourd’hui la
documédialité) qui structurent la réalité sociale, assurant le passage de la
force (ce qui est, l’ontologie, les éléments bruts de la réalité sociale) à la
forme (ce que nous savons, l’épistémologie, les structures manifestes du monde
social). p. 88
L’esprit, la culture et les
intentions précèdent la technologie, quand en réalité ils la suivent. p. 89
L’humain, loin d’avoir
trouvé une prothèse dans la technique, est une prothèse de la technique. p. 90
Le web justement, qui a la
caractéristique essentielle de garder la trace de toute interaction. p. 92
Sans documents, il est
impossible de prouver la propriété d’une maison, et donc de la vendre ou de
l’hypothéquer pour la transformer en capital. p. 97
Le travail nocturne et
infantile sur le web est devenu une norme, et non une exception, et aucune
mesure légale ou humanitaire ne cherche à y remédier. p. 101
Mutatis mutandis, aujourd’hui on met à jour son statut et demain
on répond à un email, le matin on voyage low cost et l’après-midi on rédige un
essai critique, tandis que le soir on publie les photos du hamburger qu’on est
en train de manger. pp. 103-104
La disparition de l’État
(remplacé par les instances documédiales qui œuvre sur le web), à la
disparition des classes, devenues méconnaissables (existe-t-il encore une
bourgeoisie ? Un prolétariat ? Rien n’est moins sûr), à la
réalisation de l’internationalisme sous la forme de la globalisation et de la
dictature du prolétariat sous la forme du populisme. p. 106
Postuler une responsabilité
kantienne a priori, un répondre de antécédent à l’expérience concrète du
répondre à, c’est présupposer un membre fantôme appelé « intention »,
« compréhension », « volonté ». p. 110
La réalisation de l’essence
de la vie humaine, qui trouve son existence, non dans la vie nue, mais dans ses
suppléments, de la technique à la culture, et à la culture comme technique. p.
111
Quand on se plaint d’être
« esclaves du téléphone portable », on croit énoncer un paradoxe
emphatique, mais en réalité on dit une simple vérité, qui ne vaut pas seulement
pour le portable mais pour n’importe quel objet technique. Si l’on veut
déboucher une bouteille de vin, on est aussi esclave du tire-bouchon que de
l’alcool. p. 115
« Moi, la vérité, je
poste » : cette adaptation de la phrase de Lacan peut synthétiser
l’état d’âme fondamental qui est à la base de la postvérité : énoncer une
vérité ne signifie pas reconnaître un état de choses, mais affirmer sa propre
identité.
p. 120
Les structures idéologiques
modernes étaient le capital, la race, la foi, la patrie, le complot, etc.
– c’est-à-dire des notions répandues dans des groupes vastes et cohérents.
Les structures idéologiques postmodernes, qui se sont développées après la fin
des grandes narrations, représentent une privatisation ou une tribalisation de
la vérité.pp. 123-124
Millions de personnes
convaincues d’avoir raison, non ensemble (comme le croyaient, en se trompant,
les églises idéologiques du siècle passé), mais toutes seules ou mieux : avec
pour seul répondant le web. p. 124
Auxx temps des idéologies,
il y avait une seule vérité qui constituait un article de foi pour d’amples
communautés. p. 124
À chaque étape, il y a une
avancée dialectique, et non une régression. p. 125
« L’opinion
publique » la nature humaine se manifeste comme porteuse de valeurs dans
la quête de reconnaissance et dans l’auto-affirmation ; dans la
révélation, nous avons la manifestation non idéalisée de la nature humaine. pp.
125-126
La postvérité nous libérera
de la tyrannie des valeurs, dans la mesure où le pluralisme des vérités est
considéré comme la prémisse obligée d’un polythéisme des valeurs, ce dont on
pense qu’il est un bien en soi, à poursuivre et à corroborer.p. 133
Fait dépendre causalement
l’ontologie de l’épistémologie (ce sont les interprétations qui causent les
faits).p. 134
Je définis donc la vérité
comme la rencontre entre ontologie et épistémologie opérée par la technologie.p.
139
La vérité est quelque chose
qui se fait, c’est-à-dire qui dépend des propositions, p. 139
La « mésovérité ».
Non parce qu’elle serait à mi-chemin entre les deux, mais parce qu’elle insiste
sur le rôle de la médiatisation technique. Dans cette perspective, la vérité
est le résultat technologique du rapport entre ontologie et épistémologie. Dans
une boîte, il y a 22 haricots secs (ontologie) ; je les compte
(technologie) ; j’énonce la phrase « dans cette boîte, il y a 22
haricots secs » (épistémologie). La phrase est vraie. p. 142
Schéma à trois points, où la
réalité relève de l’ontologie, l’accès et l’interaction, de la technologie, et
la vérité rentre dans la sphère de l’épistémologie.p. 144
« Exister, c’est
résister » : il y a des objets du monde qui existent indépendamment
de nos pensées et nous l’expérimentons justement quand elles résistent à nos
pensées. p. 147
La vérité est absolue quant
à l’ontologie, et relative quant à ses systèmes de mesure, parmi lesquels on
comptera les mètres, les nombres, la logique et les schémas conceptuels. Toutes
choses qui n’existent qu’en présence d’humains. p. 154
La quasi-totalité des
notions qu’on croyait vraies, non pas il y a cent ans, mais
– disons – il y a dix mille ans, pour ce qui nous importe, ont
changé, et cela est si vrai que Ramsès II n’a jamais soupçonné qu’il était mort
de tuberculose. p. 155
La blancheur de la neige est
un fait perceptif, valide pour les humains mais pas pour les chauves-souris. p.
155
Il semble difficile d’avoir
des rapports avec des parties de monde dont nous n’avons pas les concepts. p.
156
L’aspect intéressant de la
technologie est justement d’être un médium, un intermédiaire, qui d’une part
permet le contact et l’action dans la sphère ontologique, et d’autre part
permet que, dans certains cas, la compétence puisse se transformer aussi en
compréhension, en accédant à la dimension épistémologique. La technologie
fournit ainsi, non des schémas conceptuels, mais des schémas interprétatifs.pp.
156-157
Force est de reconnaître que
ce n’est pas la contemplation mais la construction d’appareils techniques
suppléant à notre faiblesse constitutive qui est le premier pas de
l’hominisation24. p. 158
Les problèmes qui restaient
pendants et non résolus dans le schéma binaire ontologie/épistémologie trouvent
une composition, intuitivement satisfaisante, dans le schéma ternaire
ontologie/technologie/épistémologie. p. 159
Personne ne peut prévoir
depuis l’origine les usages possibles du levier ou de la roue. p. 160
Connaître sur le bout des
doigts les principes qui guident nos actes ne nous rend pas nécessairement
efficients.p. 161
On fait d’abord interagir un
système de signes pour des raisons pratiques ou rituelles, pour compter ou pour
vaticiner. Avec le temps, cependant, les signes s’émancipent, gagnent en
sophistication, et les actions (les opérations) qu’on peut réaliser avec ces
signes gagnent aussi et surtout en sophistication. À la fin, la sphère de la
mathématique émerge comme une collection de théorèmes et d’opérations vraies.
C’est ainsi que, parmi les différents produits de la technologie, le plus
important, même s’il est sous-estimé, est la vérité. p. 162
William James :
« Vraies sont les idées que nous pouvons assimiler, valider, corroborer et
vérifier. Les idées qu’on ne peut soumettre à tout cela sont fausses36 ».
p. 164
Augustin, lequel a dit qu’il
ne faut pas chercher dehors mais que la vérité habite à l’intérieur de nous,
qui nous montre comment une vérité ne peut exister sans une manifestation, une
expression, une déclaration ou une confession. Ainsi la vérité n’est-elle pas
quelque chose de tacite et d’inexprimé : elle n’existe que dans le moment
où elle devient publique. p. 168
L’union entre la force
constructive des documents en tant que fondements de la réalité sociale et la
force déconstructive du web, qui les multiplie, les fragmente, les transforme,
en provoquant une atomisation du tissu social. pp. 169-170
La vérité comme une relation
à trois termes, entre ontologie, épistémologie et technologie. p. 170
parrhésía (dire la vérité au
prix de sa vie), p. 172
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